Hélène et Victor Buffet (60 et 64 ans) habitaient une petite ferme dans les faubourgs de Romans-sur-Isère (Drôme), avec Lucienne, leur fille unique et célibataire de 34 ans. Victor, employé des postes, avait pris sa retraite. A l’automne 1942, le couple accueillit Gunther Kirchheimer, un petit garçon juif de 10 ans. Originaire de Karlsruhe en Allemagne, il avait été déporté en France avec ses parents en 1940. Internée à Gurs, la famille fut ensuite transférée à Marseille et le père incarcéré au camp des Milles. En été 1942, l’OSE réussit à placer Gunther au château de Chabannes (Creuse). Il ne revit jamais ses parents qui furent déportés et mis à mort à Auschwitz. De là, l’OSE le convoya chez les Buffet. Durant la guerre, ils accueillirent quatre autres enfants juifs le temps de leur trouver un refuge sûr. Mais Gunther, présenté sous le nom de Léon Kirch comme leur filleul originaire d’Alsace-Lorraine pour expliquer son accent et sa mauvaise maîtrise du français, vécut chez eux pendant deux ans et demi jusqu’à la Libération. Gérard Blumenthal, un autre garçon juif, séjourna chez eux pendant huit mois. Respectueux de leur foi, les Buffet leur firent célébrer leur « Bar Mitva » en mai 1945, dans une salle décorée pour l’occasion et en présence du maire et de personnalités de Romans. Le rabbin Kahn de Grenoble présidait la cérémonie. Gunther avait suivi une scolarité régulière et faisait partie intégrale de la famille. Il participait aux travaux de la ferme et allait avec Lucienne vendre fruits et légumes au marché. Hélène était handicapée par une cécité presque totale. Il se souvient surtout de leur gentillesse à son égard et de leur générosité malgré leurs moyens modestes. Pendant les combats pour la Libération, ils durent évacuer leur ferme. Gunther se porta alors volontaire pour aller nourrir les animaux ( 2 chèvres, quelques poules…) et se retrouva le nez face au canon d’un tank allemand. Par chance, c’était l’été et le blé était haut. Il put s’enfuir et se perdre dans les épis alors qu’on lui tirait dessus. Après la guerre, un oncle d’Amérique vint le rechercher mais il conserva des liens durables avec ses sauveurs, décédés depuis sans laisser de postérité.            

Le 25 août 2003, Yad Vashem a décerné à Hélène et Victor Buffet le titre de Juste des Nations.

Le témoignage

Gunther Kirchheimer est né en Allemagne, en juin 1932, en octobre 1940, ses parents et lui sont déportés de Karlsruhe, en Allemagne, vers le camp de Gurs en France. Après plusieurs mois, la famille est transférée à Marseille et le père est interné au camp des Milles.

En 1942, Gunther a 10 ans, ses parents sont transférés à Drancy, puis déportés par le convoi 20 vers Auschwitz, d’où ils ne reviendront pas.

Gunther reste seul. Il est alors recueilli par l’O.S.E (oeuvre de secours aux enfants), cette oeuvre, animée par des personnes dévouées et courageuses, fait preuve d’astuce et de témérité pour soustraire les enfants juifs aux persécutions nazies. A Marseille, où ils ont rassemblé quelques uns d’entre eux, dont Gunther, ils prétendent vis à vis des autorités, qu’ils sont sous-alimentés, qu’il leur faut un séjour dans les forêts et les placent dans différentes familles, puis dans un château.

Fin 1942, Gunther est confié à la famille Buffet. Hélène et Victor, 65 et 68 ans, retraités des postes, et leur fille Lucienne 40 ans. Ils vivent dans une petite ferme et accueillent ce garçonnet de 10 ans comme leur propre enfant.

Gunther est très perturbé par les dramatiques péripéties vécues depuis deux ans, mais leur affection et leur douceur lui redonnent la joie de vivre. Ils lui établissent de faux papiers au nom de Léon Hirch, et à cause de son accent, prétendent qu’il est leur filleul alsacien. Ils assurent également sa scolarité.

Malgré le très grand danger et les risques de dénonciation, les Buffet accueillent encore d’autres enfants qui leur sont confiés par l’O.S.E pour de brèves périodes. L’un deux, Gérald Blumenthal séjournera chez eux 8 mois, jusqu’à la fin de la guerre.

En 1945, après la libération de la région, les Buffet ont à coeur de conserver l’identité de ces enfants. Aussi, ils organisent chez eux une grande fête pour la Bar-Mitzvah de Gunther et de Gérald, sous la tutelle d’un rabbin de Grenoble.

Gunther, sans aucune famille en France est retrouvé par un oncle enrôlé dans l’armée américaine, qui l’emmène vivre aux Etats-Unis.
Hélène Buffet est décédée en décembre 1957, son époux Victor en avril 1962 et leur fille Lucienne en mars 1953. Gunther garde jusqu’à la fin d’affectueuses relations avec ceux qui, par leur bonté et leur générosité, lui avaient redonné le goût de vivre.

 

Documents annexes

Invitation  cérémonie BuffetInvitation cérémonie Buffet
8 novembre 2013 16:49:21