Holocauste: une cachette intacte de Juifs polonais devient lieu de mémoire

Accueil/La vie du Comité/Actualités/Actualités de Jerusalem/Holocauste: une cachette intacte de Juifs polonais devient lieu de mémoire

Dossier n°

Holocauste: une cachette intacte de Juifs polonais devient lieu de mémoire

Du 17/03/2016

 

 

 

 

 

crédits/photos : AFP Mémorial aux victimes de l'holocauste à Budapest. (Illustration)

Le besoin d’un tel musée s’est fait sentir après les révélations d’un massacre de 1941 au village de Jedwabne

Bon pied, bon oeil à 85 ans passés, Jozef Jarosz se glisse dans la cave au sol boueux et des souvenirs défilent devant ses yeux: ceux des 14 Juifs que sa famille y avait cachés pendant l’occupation nazie de la Pologne.

« C’est un cas unique, cette cachette est restée pratiquement intacte », dit Jonny Daniels, chef de la fondation internationale From The Depths, qui veut faire connaître des lieux historiques de ce genre.

« En plus, nous avons ici un sauveur et une survivante », se réjouit-il.

La survivante est Hanna Grygiel-Huryn, une vieille dame pétillante qui reçoit les journalistes de l’AFP chez elle, dans la ville de Nowy Sacz.

Elle avait quatre ans quand elle est sortie de la cachette dans un hameau du village de Niwki, niché sur le flanc d’une colline boisée des Carpates.

Elle ne se souvient plus de son séjour dans ce souterrain d’environ cinq mètres sur deux et demi.

Mais elle se rappelle avoir déchiré une photo qu’on a prise d’elle peu de temps après.

« J’étais un monstre. Je louchais affreusement, parce que j’avais cherché à voir avec un oeil un rayon de soleil passant par une fente. J’avais les jambes rachitiques, j’avais du ventre, j’étais bossue »…

A la cave, il lui était interdit de pleurer pour ne pas alerter un visiteur de passage. « Quand je pleurais, on étouffait mes cris. Alors, j’ai appris à m’étouffer moi-même en mettant une main sur la bouche ».

« Comme des taupes »    

« Nous vivions comme des taupes », soupire Anna.

La vie et la mort s’y côtoyaient. Un bébé, Abraham Rygielhaupt, conçu à l’époque, est né peu après la libération.

Mais son père et un autre homme, partis voir un débiteur, ne sont jamais revenus, probablement tués par ceux qui leur devaient de l’argent.

 

Jozef Jarosz à l'entrée de la cave où lui et sa famille ont caché 14 Juifs pendant l'Holocauste et la seconde guerre mondiale à Stankowa en Pologne, le 16 mars 2016 Photo WOJTEK RADWANSKI. AFP

Tout le groupe a frôlé l’extermination quand un adolescent du voisinage, Piotr, a entendu Anna pleurer et, accusant les Jarosz de cacher des Juifs, a dit avoir l’intention de les dénoncer. Les Jarosz sont alors allés expliquer la situation à sa mère qui, raconte Jozef, « a pris une fourche et prévenu Piotr que s’il le faisait, elle le tuerait d’un coup de cette fourche ». Il s’est tu…    

Sur une photo prise deux ans après la fin de la guerre, à six ans, Anna sourit déjà radieusement. Plus tard elle va se marier, aura une fille – qui vit aujourd’hui à Tel Aviv.

Ce qu’a fait le père de Jozef, Franciszek, qui a décidé de cacher des Juifs qu’il connaissait pour avoir fait du commerce avec eux, d’abord pour quelques jours, puis finalement jusqu’à la défaite de l’Allemagne, est pour elle un « acte d’héroïsme, d’amour du prochain ».

La Pologne était le seul pays occupé par l’Allemagne nazie où le fait de cacher un Juif était  puni de mort. 

Au début des années 90, les parents de Jozef, lui-même et une de ses soeurs, ont reçu le titre israélien de Justes parmi les nations du monde. 

Hologrammes

La fondation From The Depths compte acquérir le terrain abritant la cachette, la protéger par un bâtiment léger et y créer un lieu d’accueil pour les visiteurs.

Elle a aussi l’intention d’enregistrer en 3D de longues interviews avec Anna et Jozef. Un programme informatique sophistiqué permettra aux futurs visiteurs de « s’entretenir » avec leurs hologrammes, de leur poser des questions et recevoir des réponses. 

Le coût total de ce projet serait de 800.000 euros.

Jeudi, un musée dédié aux Polonais ayant porté secours aux Juifs doit être inaugurée à Markowa, dans le sud-est du pays.

Le besoin d’un tel musée s’est fait sentir après les révélations d’un massacre de 1941 au village de Jedwabne, dans le nord-est, où des juifs avaient été brûlés vifs dans une grange par leurs voisins polonais.

Jozef ne compte pas se rendre à l’inauguration: c’est fatiguant. Et il n’a pas été invité.