Auguste-Louis Bieber

Dossier n°

12855

Auguste-Louis Bieber

Le 22 juillet 2012 à Strasbourg, Philippe Bernard a reçu la médaille des Justes au nom de son grand-père maternel Auguste-Louis Bieber, qu’ils remettra à la ville de Revigny-sur-Ornain.

 

Photo datant de 1935. On reconnaît au premier plan Auguste Louis Bieber avec son fils Claude. Au second plan, de gauche à droite : Jeanne Beauchet, épouse d’Auguste Bieber, Alice Reichner et sa fille, Simone, (la future enfant cachée) Christiane, la fille

 

 

 

Simone Reichner

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A. Bieber est né dans le département de la Meuse, de parents et grands-parents alsaciens, ayant opté pour la France en 1872. ingénieur EDF, était un homme actif dans la résistance, mais il avait aussi beaucoup de passions. Il avait appris le violoncelle et l’anglais. « Cela lui a servi durant la guerre, relate son petit-fils, notamment pour aider les prisonniers anglais ». Vers la fin de l’année 1940, avec son épouse, Jeanne Beauchet, ils ont hébergé, puis expédié vers la zone libre, trois prisonniers de guerre juifs évadés d’un camp allemand, Alfred Reichner (le père de Simone), Julien Samuel et Nolly Salomon. En 1943, domiciliés à Revigny-sur-Ornain (Meuse), ils ont récidivé, cachant parmi leurs trois enfants, Simone Reichner : « Ma mère qui était issue d’une lointaine parenté – ils se connaissaient d’avant-guerre – m’avait confiée à eux. Mes parents étaient alors réfugiés à Clermont-Ferrand où nous avions atterri après notre départ de Strasbourg. Je suis restée chez les Bieber jusqu’à la libération de l’Auvergne, en août 1944 », dit-elle. Jusqu’à la fin du conflit, Simone sera traitée comme les trois enfants Bieber. Ni l’instituteur, ni les autres parents, ni le voisinage ne dénonceront la petite fille aux Allemands. Simone fréquenta l’école primaire locale, réussissant le certificat d’études comme première du canton. De plus, comme d’autres résistants de la région, Auguste Louis Bieber recueillit des aviateurs alliés, abattus dans le secteur par la DCA ennemie, et organisa leur transfert vers la liberté.

« Mon grand-père est décédé avant ma naissance, mais je sais qu’il s’est montré discret, même vis-à-vis de ses propres enfants, sur ce qu’il avait accompli durant la guerre. » dit Philippe Bernard. C’est le mari de Simone Reichner, le Dr. Pierre Kogan, qui a commencé à effectuer en 2007 les démarches complexes pour que la famille Bieber soit reconnue pour ses mérites. « Cela n’a pas été facile, car il n’y avait pratiquement plus de témoins de l’époque », Auguste-Louis Bieber étant décédé en 1947, à la suite d’un séjour en sanatorium et son épouse en 1994. Ses efforts ont été couronnés de succès, puisque la médaille des Justes parmi les Nations leur a été décernée par l’Institut Yad Vashem de Jérusalem en août 2011.

Discours du Dr. Pierre Kogan lors de la remise de la médaille des Justes à Strasbourg – 22 juillet 2012

Dans cette nomination de Justes parmi les Nations, je vais prendre la parole à la place de ma femme, Simone, née Reichner, trop émue.

Début 2007, sur l’instigation de Jean Bernard, député-maire de Vitry-le-François, ancien Sénateur de la Marne, nous avons entrepris la constitution d’un dossier de nomination de Justes parmi les Nations pour ses beaux-parents, meusiens. Il s’agit de Louis Bieber, fils d’alsaciens, protestants, qui ont opté en 1872 pour la France ‘’pour ne pas devenir prussien », et de son épouse, Jeanne Beauchet, parents de trois enfants, domiciliés à Revigny-sur-Ornain, tous décédés, représentés aujourd’hui .par leurs petits enfants qui n’ont pas connu Louis Bieber, décédé en 1947.

Lors de la premièrere guerre mondiale, Louis, jeune Poilu de 20 ans, est fait prisonnier par les Allemands. Blessé, il s’évade, est repris, mis dans un camp de représailles. Il sera décoré pour sa bravoure.

Pendant l’occupation, Louis et Jeanne Bieber, à leurs risques et périls, par pure humanité et de façon absolument désintéressée, ont sauvé des griffes allemandes des Israélites persécutés, sans compter les aviateurs alliés dont les avions étaient abattus par la DCA ennemie, lors de leurs missions sur le Reich.

 

Louis Bieber
 

Louis Bieber en 1947
 

Jeanne Bieber
 

 

Pierre Kogan pendant son allocution

D’abord, en accueillant en novembre 1940, trois soldats français, israélites, évadés d’un camp allemand. situé près de Sarreguemines..

Il s’agissait d’Alfred Reichner, le papa de Simone, de Julien Samuel, futur président de l’OSE (œuvre de Secours aux Enfants) et de Nolly SALOMON.
Ces trois évadés arrivent à Bar le Duc, où ils sont pris en charge par les Biéber. Par la suite, ils vont traverser la ligne de démarcation à pied pour se rendre dans la Zone libre.

En 1943, ils vont accueillir Simone Reichner, fille dAlfred, l‘un des évadés de 40.
Louis Bieber ayant rendu visite à la famille Reichner, réfugiée à Clermont-Ferrand, se rend compte des conditions dans lesquelles cette famille juive tente de survivre à six, de l’état de santé déficient de Simone, et des menaces de déportation – la Zone Libre étant devenue Occupée.
Homme de cœur, il propose aux parents de mettre en sécurité Simone en la prenant en pension chez lui, à Revigny, C’est ainsi que Simone part de Clermont en train, accompagnée par sa mère, munies des laissez-passer nécessaires.
Accueillie à bras ouverts chez les Bieber, Simone est considérée comme un de leurs propres enfants, pendant l’année scolaire 1943-44, en dépit des risques mortels encourus par toute la famille. Leurs enfants l’adoptent comme leur sœur et Simone échappe ainsi à une destinée funeste,.
Mettant en jeu plus que risqué leur propre vie et celle de leurs enfants.
A Revigny-sur-Ornain, la venue en pleine guerre chez les Bieber, d’une petite étrangère à la commune, décrite vaguement par une camarade de classe, Christiane Rouy, comme « très brune, à cheveux très longs et foncés », devait s’être répandue parmi les habitants. Mais personne n’a parlé, n’a dénoncé l’étrangère – ni ceux qui l’hébergeaient. Un peu avant le débarquement du 6 juin 44, Simone retourne à Clermont !

Louis Bieber participait à un réseau de résistants et, comme chef de district EDF, pouvait se déplacer en camionnette à gazogène, de jour comme de nuit.

L’autre seul témoignage direct écrit et reçu sur ces temps-là, c’est celui de Mme Renée Poitel, de Revigny/Ornain, née en 1915, toujours vaillante.

L’attribution de cette MEDAILLE DES JUSTES PARMI LES NATIONS DÉCERNÉE PAR YAD VASHEM concerne Louis-Auguste Bieber et sa femme Jeanne Beauchet, qui ont caché et sauvé de l’holocauste Simone Reichner, jeune fille âgée de 13 ans, juive, au risque de leur propre vie et de celle de leurs enfants.

Mais, cette distinction rejaillit aussi sur les habitants de Revigny-sur-Ornain, tacites complices de Louis, et de Jeanne,

 

Remise du diplôme aux petits-enfants de Louis et Jeanne Bieber en présence de Manuel Valls, ministre de l'Intérieur, Yossi Gal, ambassadeur d'Israël en France, et Roland Ries, sénateur-maire de Strasbourg – – © Cl. Truong-Ngoc

Eux, également, furent des patriotes français, des résistants actifs, bien organisés, tellement discrets, que malheureusement très peu semble avoir été transmis à leurs descendants, décédés avant le début de nos recherches..
Revigny était un nœud ferroviaire d’importance majeure pour le 3è Reich, passage quotidien pour les escadrilles de forteresses volantes américaines et de bombardiers lourds anglais en mission vers l’Est ; lorsque des avions étaient abattus, les équipages survivants étaient recueillis par les habitants de la région, logés, réconfortés, soignés, habillés de vêtements civils, enfin renvoyés si possible vers leurs bases de départ,
Dans les comptes-rendus anglais sur ces sauvetages-Louis, Auguste y est cité comme membre actif de ces filières.

Cette après-midi,
après la cérémonie annuelle consacrée à la rafle du Vel d’Hiv à Paris en 1942 où plus de 13.000 juifs furent arrêtés et déportés par l’Etat français,
après l’inauguration d’une Allée des Justes à Strasbourg, célébrant 3.632 Justes français,
nous voici réunis à l’Hôtel de Ville pour la remise de la médaille des Justes parmi les Nations, honorant à titre posthume Auguste Bieber, et son épouse, Jeanne Beauchet.
Nous avons une pensée particulière pour ceux qui sont morts pour la France, comme un ami des Bieber, le Docteur Henry Fritsch de Sermaize, dont certains descendants sont présents.
Nous y associons Maître Robert Rouy, notaire et voisin des Bieber à Revigny qui, par sa conduite plus que courageuse, avait sauvé de l’anéantissement, fin août 44, la commune de Mognéville, dont les habitants étaient sur le point de se faire fusiller par les Allemands.
Nous remercions du fond du coeur les rares témoins qui nous ont aidés, Madame Renée Poitel et son fils, Bernard, localier, et Madame Christiane Tapin, née Rouy.

Et, maintenant, je vais m’acheminer vers la fin de ce discours pour vous informer de ce que la plupart d’entre vous ne savent pas, c’est que nous avons été soumis comme tous les Juifs de France à un recensement ciblé en 1940-41 et que, 70 ans plus tard, sur les 76.000 déportés raciaux dont 11.400 enfants, près de la moitié, n’ont pas encore d’acte de décès, malgré la loi du 15 mai 1985, promulguée par le Président de la République Française d’alors ! Ils ne sont donc pas morts officiellement et n’ont, par conséquent, pas existé légalement, ce qui posera problèmes aux futurs historiens et autres chercheurs. 

A moins que de nouveaux Justes ne se lèvent pour prendre notre relais de derniers témoins rescapés de la Shoa, impliqués pour mener à son terme ‘’le devoir de mémoire et de vérité historique ‘’ ?
Ou bien veut-on prouver, comme les négationnistes, que « la déportation n’était bien qu’un détail de l’Histoire » ?

Enfin, nous terminerons par remercier toutes les personnes présentes, parfois venues de loin et aussi celles et ceux qui ont œuvré pour que cette journée soit pleinement réussie. 

 

source: http://judaisme.sdv.fr/perso/philosem/bieber/bieber.htm du 22/07/2012