Castillon-Savès. Ernestine, une Juste reconnue 67 ans après

Accueil/Articles et documents/Castillon-Savès. Ernestine, une Juste reconnue 67 ans après

Dossier n°

Castillon-Savès. Ernestine, une Juste reconnue 67 ans après

A g., Francis Deltorn. A côté du maire: JB Katz, sauvé par Ernestine, et Albert Seifer. /Photo DDM, S. L.

 

Ernestine Deltorn a reçu la médaille de Juste parmi les nations à titre posthume, hier, à Castillon-Savès. Un moment émouvant pour son fils Francis et pour JB, l’un des enfants cachés par Ernestine. Retour sur leur enfance en Tarn-et-Garonne.

Le village de Castillon-Savès a fêté la mère d’un des siens, hier matin. Francis Deltorn n’a pas oublié sa tendre Ernestine, même si elle est morte jeune. Pas plus que Jean-Bernard Katz, qu’il appelle JB maintenant, mais qu’il appelait Jean Bernard… ou Gauthier ou Legrand pendant les années noires de la seconde guerre mondiale. Si JB a pu dépasser l’âge de 11 ans et courir le monde pour sauver des enfants malades avec son association, c’est grâce à Ernestine qui a caché sa famille dans sa ferme, la déplaçant à chaque fois qu’une petite fille du village descendait du causse avec son panier rempli de fromages, signe que la gestapo arrivait. JB se souvient qu’à l’époque il a dû oublier jusqu’à son identité.

« Je savais que je n’étais pas comme les autres. D’abord parce que j’allais au catéchisme alors que je n’étais pas catholique. Et puis, je changeais de nom régulièrement. Tout le monde était complice. Il y avait surtout Ernestine qui ravitaillait aussi la famille Introligator, la nuit, dans le causse, et les Bornstein. C’était une bonne maman, une grande humaniste. Je me souviens d’une petite brune, un peu boulotte. C’est une femme qui avait un cœur plus gros qu’elle. » Une femme courageuse résume son fils Francis. « Elle était agent de liaison du maquis de la Grésigne et du maquis d’Ornano, pendant que mon père cherchait à s’évader des camps en Allemagne. Elle avait 25 ans à l’époque. Elle transportait les messages de la Résistance dans le tube de sa selle et les déposait à la pharmacie du rond-point, à Montauban. » Bientôt, sans doute, Ernestine aura la médaille de la Résistance.

Mais pour l’heure, c’est pour avoir sauvé des juifs qu’elle est honorée à titre posthume par Albert Seifer, le délégué régional du comité français pour Yad Vashem. Un enfant caché lui aussi. Dans un couvent, à Capdenac, par monseigneur Saliège. Encore un Juste parmi les nations.

Le nom du cardinal comme celui d’Ernestine ne seront jamais effacés de la colline du souvenir, à Jérusalem.


Ce qu’ils sont devenus

Francis Deltorn, 72 ans. Ex directeur adjoint de la clinique Pasteur à Toulouse, ex président national des arbitres de rugby (la FFR lui remettra le Coq d’or le 16 juin) et de Rugby Fair play, il a reçu la légion d’honneur samedi dernier et l’ordre national du Mérite en 2004. Son frère aîné a soufflé l’idée de créer le Samu au professeur Lazorthe et au professeur Louis Lareng.

Jean-Bernard Katz, 78 ans. Chirurgien dentiste à Paris, il a créé l’association Accueil et vie avant de l’intégrer à Médecins sans frontière pour sauver toujours plus d’enfants. A ce titre, il est colauréat du prix Nobel de la paix reçu en 1998.

La famille Introligator. Elle a émigré aux Etats-Unis. Francis n’a pas retrouvé les descendants.

M. Bornstein, 92 ans. Il vit à Paris.

Beatrice Dillies

source: http://www.ladepeche.fr/article/2012/05/09/1348991-castillon-saves-ernestine-une-juste-reconnue-67-ans-apres.html du 11/05/2012