Deux Justes de Crucey-Villages

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Dossier n°

Deux Justes de Crucey-Villages

Comment Fernand et Lucie Laigneau ont sauvé le petit Joël Krolik


10 Justes parmi les Nations sont honorés à l’Hôtel de Ville de Paris le 12 novembre. Dans ce cadre historique, la cérémonie est placée sous la responsabilité de deux déléguées du Comité Français pour Yad Vashem : Madeleine Peltin-Meyer et Viviane Saül.

Au nombre des personnalités présentes, se distinguent Bertrand Delanoë, Maire de Paris; Anne Hidalgo, Première adjointe; Catherine Vieu-Charier, Adjointe au Maire, chargée de la Mémoire et du Monde combattant; Me Corinne Champagnez-Katz, Présidente du Comité Français pour Yad Vashem; Daniel Shek, Ambassadeur d’Israël en France.


Un couple de Crucey-Villages recevra à titre posthume les diplômes et médailles de Justes parmi les Nations. Ceux-ci furent amplement mérités comme le prouve cette synthèse :

– « En 1932, Leijzer et Pesa Krolik arrivent de Varsovie avec leur fils Joseph, né en 1931, et s’installent dans un modeste deux-pièces, au 83, rue de Belleville à Paris 11ème. Le père est tailleur à façon, son épouse l’aide dans son travail.
Ils auront trois autres enfants. Joël en 1931, Rosette, en 1934, Annette, en 1936.

La guerre éclate. Leijzer s’engage dans la légion étrangère pour défendre la France. La famille se réfugie dans la Sarthe. Six mois plus tard, c’est la capitulation. Les Krolik retournent rue de Belleville.

En 1941, Leijzer échappe à une rafle qui vise les hommes juifs. Il se cache sous un lit.

Mais en juillet 1942, c’est la rafle du Vel d’Hiv, et les familles entières sont arrêtées. C’est alors qu’une voisine au grand cœur, Madame Cubayne, cache les Krolik chez elle durant une quinzaine de jours, prenant de grands risques pour elle-même. Entre temps la petite Rosette, 8 ans, a été envoyée à la campagne.
Dans l’immeuble la chaîne de solidarité s’organise. Monsieur Arnoult, qui tenait une échoppe de bottier au rez-de-chaussée, prend en charge, avec son épouse, la famille Krolik. Il cache Joël chez ses parents à Savigny S/Orge, après un voyage en train des plus périlleux, et forme le projet de mettre en sécurité le reste de la famille.

Hélas, il ne peut réaliser le sauvetage prévu, et doit annoncer à Joël l’arrestation de ses parents, de sa sœur Annette, et de son frère Joseph. Aucun d’eux ne reviendra de déportation.

Monsieur et Madame Arnoult, nommés Justes en 1994, poursuivent leur œuvre de solidarité. Il s’agit de mettre Joël en lieu sûr. En novembre 1941, la situation est devenue délicate à Savigny S/Orge. Monsieur Arnoult ramène Joël à Paris et le confie à Madame Cubayne, la fidèle voisine, qui l’accompagne en Eure et Loir à Crucey, chez Fernand et Lucie Laigneau, couple sans enfants qui exploite une ferme.

Joël, totalement dépaysé, est accueilli chaleureusement par les Laigneau et par leur nièce Denise Louvet, qui vit avec eux. Il passe pour un neveu venu de Paris pour raison de santé, et ne doit surtout jamais dire qu’il est juif. De plus, des cachettes sont préparées en cas de visite de gendarmes.

Joël est traité par ses bienfaiteurs comme un membre de la famille. Il fréquente l’école du village où l’institutrice est complice, et participe aux travaux de la ferme. Sa réussite au certificat d’études en juillet 1943 les rend très fiers, si bien que tous les voisins défilent chez eux pour les féliciter.
Joël ne peut risquer de fréquenter le collège. Aussi, durant un an et demi, il prend goût à la vie de petit paysan et s’attache de plus en plus à ses protecteurs.

Les Laigneau ne se contentent pas de secourir Joël. Durant cette période, ils ont caché une autre famille juive en grand péril. Madame Saks et ses trois enfants. Lucienne, 10 ans – Maurice, 8 ans – Suzanne, 6 ans. Les traitant avec une égale bonté et les protégeant jusqu’à la Libération.
Il s’en est suivi de durables liens d’amitié entre les deux familles.

Les risques encourus par les Laigneau étaient énormes, car la police de Vichy et les allemands passaient souvent dans le village à la recherche de résistants. On utilisait alors les cachettes prévues à cet effet.
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Nous sommes en novembre 1944. Paris est libéré. Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, les Laigneau attendent un heureux évènement. Leur fils Christian est né en janvier 1945.
Il est temps pour Joël de prendre le train pour Paris. Il doit quitter ses sauveurs et c’est pour lui un grand déchirement. Il a 13 ans et demi et il est placé dans des foyers pour enfants de déportés, où il aura la joie de retrouver sa sœur Rosette.

Joël Krolik a gardé une indéfectible reconnaissance pour des personnes admirables, qui, avec un inlassable dévouement, lui ont sauvé la vie. »