Echos d’héroïsme sur l’Avenue des Justes

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Dossier n°

12855

Echos d’héroïsme sur l’Avenue des Justes

Du 30/07/2016

Une rue du mémorial de Yad Vashem, dédiée aux non-Juifs qui ont risqué leur vie pour sauver des Juifs pendant la Shoah (Crédits : Shmuel Bar-Am)

 

 

 

Vilna, Pologne, le 31 décembre 1941. Des officiers de l’armée allemande fêtaient la Saint-Sylvestre dans un appartement en étages. Des membres de la résistance souterraine juive se rencontraient dans le même immeuble, plus bas. Leur hôte était un soldat allemand, Anton Schmid, qui allait d’un groupe à l’autre afin de ne pas éveiller les soupçons de ses camarades.

Schmid était un soldat allemand loyal. Mais en 1941, alors qu’il était en poste à la gare ferroviaire de Vilna, il fut le témoin de nombreuses atrocités nazies. Presque immédiatement, et en se mettant en grand danger, il commença à sauver des vies juives.

Le 15 août 1953, la Knesset a adopté de façon unanime une loi établissant Yad Vashem, détaillant ses objectifs et son cadre. La neuvième clause donnait à l’institution la responsabilité de perpétuer la mémoire des non-Juifs qui avaient mis leur vie en danger pour sauver des Juifs. Ils devaient être connus sous le nom de hasidei umot haolam. Justes parmi les Nations.

Aux côtés d’autres ayant risqué tout ce qu’ils avaient de plus cher pour sauver des vies juives, on se souvient d’Anton Schmid dans une section spéciale de Yad Vashem qui rend honneur aux Justes parmi les Nations. En effet, les sentiers bordés d’arbres, les jardins aménagés et les murs de mémoire toujours plus nombreux portent les noms de plus de 25 000 personnes incroyablement courageuses.

Un mémorial sculpté pour les Justes inconnus se dresse à l’entrée de cette section spéciale. Derrière la statue est planté un arbre en honneur de Joop Westerweel, un enseignant néerlandais qui a refusé de tolérer des actes répréhensibles.

En 1942, il a rejoint un réseau souterrain qui a fait passer des centaines de jeunes Juifs en dehors des Pays-Bas afin qu’ils soient en sécurité dans d’autres pays. Lorsque le chef du groupe fut arrêté par les nazis, Joop pris sa suite.

 

Capturé alors qu’il était en train d’aider deux jeunes à s’échapper, il fut envoyé au camp de concentration néerlandais de Vught. Il fut battu et torturé, et pourtant refusa de révéler quelque information que ce soit sur ses camarades. Le 11 août 1944, Joop fut exécuté par les nazis.

Un autre arbre honore Gertrude Babilinska, la fille d’un travailleur de la poste polonaise. L’aînée de huit enfants, Gertrude, quitta la maison à 19 ans et trouva un emploi de garde d’enfants à Varsovie dans la riche famille Stolowicki. Elle ne s’occupa pas que de leur enfant, mais également de Mme Stolowicki qui était tombée gravement malade.

Lorsque les Allemands attaquèrent la Pologne, le père de famille était à Paris et ne revint jamais. Les autres employés de la famille tournèrent le dos à la mère appauvrie et à son enfant de trois ans, Michaël, mais pas Gertrude, qui fuit vers Vilna avec eux. Terrifiée par les bombes qui tombaient sur la route, Mme Stolowicki ne pouvait pas se mouvoir ; Gertrude devint responsable de la mère et de l’enfant.

Alors qu’ils étaient bloqués avec d’autres réfugiés à Vilna, ils survécurent grâce au peu d’argent que Gertrude arrivait à gagner. Mme Stolowicki mourut, mais pas avant d’avoir demandé à Gertrude d’emmener son enfant en Palestine. Lorsque les Juifs furent forcés de résider dans le ghetto de Vilna, Gertrude réussit à rester en dehors grâce à de faux papiers qu’elle avait acquis et une preuve de baptême pour Michaël, qui avait alors cinq ans.

Après la guerre, Gertrude essaya d’emmener Michaël en Palestine, mais ils durent rester dans un camp pour personnes déplacées en Allemagne. Finalement, elle lutta pour aller sur l’Exodus, un bateau qui se rendait en Palestine. Lorsque le bateau fut forcé de faire demi-tour par les Anglais, Gertrude et Michaël se retrouvèrent de nouveau en Allemagne. Ils y restèrent jusqu’à ce qu’ils parviennent sur les plages de la Terre promise en 1948. Gertrude qui était demeurée une catholique pieuse, resta en Israël et éleva Mickaël comme son fils – et comme un Juif.

Sur une plaque près d’un arbre du côté opposé du sentier sont inscrits les noms de Zayneba et de Mustafa Hardaga. Musulmans pieux de Sarajevo, ils suivaient strictement les lois religieuses de l’islam et ses rites. Leurs amis juifs, les Kabilios, vivaient dans l’appartement d’à côté.

Le 14 avril 1941, des bombes allemandes détruisirent la maison de Kabilio et les Hadragas les hébergèrent immédiatement. Peu de temps après, les nazis établirent leur quartier général de l’autre côté de la rue, et firent circuler des notices qui promettaient la mort à quiconque hébergerait un Juif.

Les Hadragas refusèrent de dénoncer les Kabilios, mais Joseph Kabilios était inquiet du danger pour ses amis. Il réussit à envoyer sa femme et ses filles vers la zone occupée par les Italiens. Il alla ensuite se cacher dans un hôpital jusqu’à ce que des délateurs ne le donnent aux nazis.

Allant vers une mort certaine, Joseph se débrouilla malgré tout pour s’échapper. Mais sans endroit où aller, il retourna à la maison des Hadragas. Il s’y cacha pendant plusieurs mois, jusqu’à être le dernier Juif de la ville. Ensuite, avec l’aide des Hadragas, il renoua contact avec sa famille – et rejoint les partisans.

Les Kabilios survécurent. Et lorsqu’ils retournèrent à Sarajevo après la guerre, les Hadragas leur montrèrent une boîte remplie de bijoux qui leur avait été confiée pour être mise en sécurité. Avec cela, ils réussirent à reprendre le cours de leur existence, et finirent par émigrer en Israël.

Deux étudiantes néerlandais – Henriette (Hetty) Voute et Gisela Wieberdink-Soehnlein – ont également des arbres en leur honneur. Durant la guerre, Hetty et Gisela faisaient partie d’un réseau souterrain qui avait pour but de sauver des Juifs. Hetty s’impliqua dans l’entreprise de trouver des refuges pour les enfants juifs ; son amie Gisela agit comme courrier entre les organisations clandestines, et escorta les enfants vers des maisons sûres.

Lorsque les déportations de masse commencèrent à Amsterdam, des enfants juifs furent séparés de leurs parents et envoyés dans des centres de transit pour y attendre leur départ vers les camps de la mort. Hetty et Gisela exfiltrèrent les enfants hors du centre en les cachant dans des conteneurs de lait, des sacs de lessive, des emballages de pommes de terre, tout ce qu’elle pouvaient trouver.

Les deux femmes furent attrapées et envoyées au camp de concentration de Ravensbrück. De façon surprenante, elles survécurent et, des années plus tard, furent reconnues comme Justes parmi les Nations.

Vous souvenez-vous de la fête du Nouvel an à Vilna, où il fut dit à Anton Schmid qu’il recevrait une étoile de David comme un geste de gratitude ? Anton avait répondu que lorsque ce jour viendrait, il la porterait avec honneur. Aujourd’hui, au lieu d’une médaille, son souvenir perdure avec un arbre.

Seuls 30 des 7 000 Juifs de Liepaja, Lettonie, survécurent à la Shoah. 11 d’entre eux furent sauvés par Robert et Johanna Sedul. Ils font partie des centaines de Justes dont le nom est gravé sur le Mur des Noms, une esplanade située près d’un wagon à bestiaux placé sur des rails en haut parmi les arbres – un wagon exactement comme ceux qui emmenèrent les victimes de la Shoah vers les camps de la mort.

Robert était un concierge qui a commencé à abriter des Juifs en 1943. Alors qu’ils restaient cachés derrière une séparation dans le cellier du bâtiment où il travaillait, Robert arrivait à leur donner de la nourriture et un soutien moral jusqu’à ce qu’il se fasse tuer peu avant la fin de la guerre par un mortier russe. Son épouse Johanna continua de protéger des Juifs jusqu’à la Libération finale de 1945. Les noms de Robert et Johanna sont gravés ensembles avec ceux d’autres Justes non-Juifs de Lettonie.

Un autre arbre honore Olena Hyrhoryshyn. Durant l’été 1941, les Allemands envahirent l’Union Soviétique et à l’automne les massacres commencèrent. Donia Rozen, orpheline de 11 ans, vivait avec ses grand-parents dans la ville ukrainienne de Kosow. Donia et sa grand-mère furent hébergées par un voisin ; le grand-père fut assassiné par les nazis. Un jour après, dernière juive restant à Kosow, l’enfant dut subvenir seule à ses besoins dans les forêts alentours.

Olena, une paysanne de 60 ans, trouva Donia et l’emmena chez elle, malgré l’hostilité de ses voisins. Et lorsque la situation empira, et qu’Olena refusa de dénoncer Donia aux autorités, son frère les expulsa toutes deux de la maison.

Capturées par les nazis, elles réussirent à s’enfuir dans les forêts. Là, Olena bâti une cachette pour Donia et la couvrit d’aiguilles sèches. Après avoir travaillé le jour pour leur trouver de la nourriture, Olena rentrait à la nuit et essayait de réchauffer le corps gelé de l’enfant.

Alors que la traque des Juifs continuait, la cachette de Donia fut découverte. Elle sauta dans la rivière Prut, et rejoint l’Armée rouge et la sécurité de l’autre côté. Donia était libre, elle parvint au final à émigrer vers Israël et devint, après un certain temps, la chef du Département pour les Justes. On ne vit ni n’entendit jamais plus parler d’Olena.