Jacques Hubert, dernier Juste picard

Accueil/La vie du Comité/Actualités/Actualités des régions/Jacques Hubert, dernier Juste picard

Dossier n°

9299

Jacques Hubert, dernier Juste picard

Du 29/12/2013

 

 

 

 

Le nonagénaire Jacques Hubert continue de narrer « sa » Seconde Guerre mondiale auprès des jeunes générations. C’est le dernier à pouvoir le faire dans la région.

Jacques et son amie Mme Bertoux racontent ces heures sombres de notre histoire.

À 91 ans, le dernier Juste de la Somme est un habitué des colonnes du Courrier Picard relatant ses nombreuses interventions dans les écoles, collèges et lycées. Le titre de Juste, il ne l’a obtenu qu’en 2003, grâce à la témérité d’Albert Zajderman, qu’il a sauvé de la rafle du Vel’ d’Hiv’.

Le 18 juillet 1922 naît à Conty Jacques Hubert. Trois ans après, ses parents s’installent à Bouzincourt. Il a 18 ans quand les Allemands y entrent. Il est rapidement fait prisonnier. Cantonné à Cambrai (Nord), il s’évade peu de temps après et traverse la région pour rejoindre Bouzincourt, à vélo, avec une binette sur le dos, se faisant passer pour un ouvrier agricole.

À son retour, il travaille dans une boulangerie d’Aveluy et entre dans la Résistance, où il rejoint Jacques Déquet, Henri Journé et Henri Dumoulin. Son travail consistera à saboter des trains, à aider lors des parachutages, pour la réception d’hommes et de matériel. Il sera aussi agent de renseignement. À la Libération, il est militaire, au grade de brigadier- chef.

« Du sang Hubert dans les veines »

Mais ce ne sont pas ces hauts faits qui ont fait entrer Jacques dans l’histoire d’Israël. C’est la petite histoire dans la grande.

En juillet 1942, c’est la rafle du Vel’ d’Hiv’. Paulette Bulot, sa sœur, habite Paris. Ses voisins juifs, avertis, réussissent à cacher leurs trois enfants chez elle. La sœur de Jacques demande à ses parents d’accueillir Albert et Suzanne, le troisième ira en Normandie.

À Bouzincourt, Clovis et Blanche Hubert reçoivent donc ceux qu’ils présenteront comme leurs petits-enfants parisiens, Suzanne et Albert, renommés Charles. Seuls le maire, le curé et l’instituteur sont dans la confidence.

« J’avais 3 ans et demi, écrira Albert, et pendant toute cette période, j’ai le souvenir d’avoir été heureux et de n’avoir manqué de rien. J’en avais oublié ma véritable identité. Je faisais partie de la famille. J’accompagnais grand-père dans les champs, à la pêche, à la chasse. » Jacques se souvient : « Les enfants ont mené une vie normale, ils n’allaient jamais seuls dans le village. Personne n’a jamais fait de commentaire à leur sujet. Albert a été malade et il a été transfusé avec mon sang. Ce qui lui fait dire aujourd’hui qu’il a du sang Hubert dans les veines. »

Pour le devoir de mémoire

À la Libération, la maman d’Albert rentrera seule du camp de Ravenbrück (Allemagne). Traumatisée par les horreurs vues et vécues, elle ne manifestera que peu d’intérêt pour ses enfants qui séjourneront dans un orphelinat juif à Sainte-Maxime (Var).

De son côté, Jacques reste sans nouvelles de Suzanne et Albert pendant vingt ans. Dès que ce dernier a repris contact avec Jacques, il n’a eu de cesse de faire obtenir le titre de « Juste des nations » pour Jacques et la famille Hubert. C’est en avril 2003 que le Bouzincourtois le recevra des mains de Simone Veil, en présence de Jacques Chirac, à Paris. Quant à Suzanne, elle est vite retournée en Israël où elle y est décédée en 2011, à 76 ans.

Aujourd’hui, Jacques, malgré une maladie handicapante, tient à œuvrer pour le devoir de mémoire et ne manque jamais une occasion de témoigner. Toute cette bravoure, ce courage ont construit Jacques Hubert. Aussi ne rate-t-il jamais une assemblée générale des sous-officiers d’Albert et de ses environs, la dernière ayant eu lieu le 8 décembre. Et pour autant que sa santé le permet, l’octogénaire, toujours en contact avec son ami Albert, participe aux commémorations de la Résistance.

MICHELLE BOUCHEZ