Dossier n°11618 - Juste(s)

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Les personnes reconnues « Justes parmi les Nations » reçoivent de Yad Vashem un diplôme d'honneur ainsi qu'une médaille sur laquelle est gravée cette phrase du Talmud : « Quiconque sauve une vie sauve l'univers tout entier ». Il s’agit de la plus haute distinction civile de l’état d’Israël. Au 1er janvier 2021, le titre avait été décerné à 27921 personnes à travers le monde, dont 4150 en France. Cependant le livre des Justes ne sera jamais fermé car nombreux sont ceux qui resteront anonymes faute de témoignages.Reconnus ou non, ils incarnent le meilleur de l'humanité. En effet, tous ont considéré n'avoir rien fait d'autre que leur devoir d'homme. Ils serviront de phares et de modèles aux nouvelles générations.

Allée des Justes à Paris
Allée des Justes à Jérusalem

Les Justes

Lucienne Renée Caruel

Année de nomination : 2009
Date de naissance : 24/03/1903
Date de décès : 24/02/1992
Profession : Secrétaire

Louis Maçon

Année de nomination : 2009
Date de naissance : 24/09/1878
Date de décès : 15/05/1953
Profession : Chauffeur de maître et jardinier à la retraite

Marthe Léonie (Flammang) Maçon

Année de nomination : 2009
Date de naissance : 02/12/1882
Date de décès : 14/10/1957
Profession : Femme de chambre à la retraite
    Localisation Ville : Rocheville (06110)
    Département : Alpes-Maritimes
    Région : Provence-Alpes-Côte d’Azur

    L'histoire

    Louis et Léonie Maçon, enfants de paysans bourguignons montés se placer à Paris, se sont connus dans une maison bourgeoise où lui était chauffeur et elle cuisinière.

    Ils rêvaient de prendre leur retraite sur la Côte d’Azur, mais la perte de leurs économies dans les fonds russes ne leur permit de réaliser qu’une partie de leur rêve: ils louèrent le rez-de-chaussée d’une villa au Cannet, dans le quartier de Rocheville, dont le propriétaire habitait l’étage et durent travailler jusqu’à la fin de leurs jours, lui comme jardinier de résidences secondaires, elle comme femme de ménage.

    Jacques Amon et Maggy, née Fresco, sont originaires d’Istanbul et francophones. Ils arrivent à Paris à la fin de l’année 1921 à Paris, où naît leur fils Albert, le 1er janvier 1922. Ils rentrent avec leur nouveau né à Istanbul et reviennent s’installer définitivement en France, à Bécon-les-Bruyères, en 1927. Ils sont naturalisés français en 1927 et le 6 décembre 1937, naît la petite Danielle. Entre temps, une amitié solide s’est nouée entre les Amon et les Maçon, qui sont voisins à Bécon-les-Bruyères.

    Jacques n’a pas de travail stable. Son épouse, Maggy, qui avait fait des études secondaires dans un collège américain, et parlait plusieurs langues, trouva un emploi de secrétaire dans la Maison Gibbs, pour qui elle travaillera jusqu’à son arrestation. Son amie et collègue, Lucienne Caruel, orpheline de bonne heure, célibataire et sans enfant est secrétaire.

    Lorsque la guerre éclate, la maison Gibbs est repliée à Rennes avec son personnel, mais à l’arrivée des troupes allemandes dans la ville, Lucienne Caruel regagne Paris, tandis que l’exode jette Maggy et ses enfants sur les routes de France, jusqu’à St Palais, au pays basque. En septembre 1940, la famille est de nouveau réunie à Paris.

    Jacques et Maggy décident de se séparer de Danielle pour la protéger. Elle sera placée dans un couvent, puis confiée à Lucienne Caruel. Celle-ci la glisse dans un convoi d’enfants de la Croix-Rouge qui va à Lyon en septembre 1942 afin de lui fait franchir la ligne de démarcation.

    Danielle retrouve sa mère à Marseille, qui vient d’arriver dans la ville en franchissant la ligne de démarcation du côté d’Angoulême après la rafle du Vel d’Hiv. Maggy avait retrouvé son emploi dans une succursale de la Maison Gibbs et habitait au 5 de l’Impasse Ricard-Digne.

    Le 20 mai 1942, après l’obligation faite aux Juifs de porter l’étoile jaune, Albert passe la ligne de démarcation et se rend chez Louis et Marthe Maçon, qui s’étaient retirés quelques années auparavant au Cannet. Il y restera jusqu’au 1er juillet puis rejoint le chantier de jeunesse de Hyères dont les Juifs sont exclus le 8 août. Il se cache, reviendra séjourner deux fois chez les Maçon, puis, munis d’une fausse carte d’identité au nom de Robert Hamon, il trouve un emploi de maître d’internat à Valence.

    Dénoncée, Maggy Amon est arrêtée parce que juive par la Gestapo à Marseille le 6 janvier 1944, sur son lieu de travail et l’appartement est mis sous scellés. Quelqu’un aurait dit:  » Mais elle a une petite fille de 6 ans à l’école ! « .  » On va s’en occuper « , aurait répondu la Gestapo. Mais une collègue de bureau, ayant précédé les Allemands, va chercher la petite fille à l’école et la garde chez elle, pendant qu’un voisin avertit son frère, Albert, par télégramme. Albert vient immédiatement chercher Danielle et sans hésiter la conduit le lendemain, 7 janvier, auprès de Louis et Marthe Maçon.

    Maggy Amon était très attachée aux Maçon. Elle était venue leur rendre visite avec Danielle pour la Noël 1943.

    Lorsqu’ils virent arriver Albert et Danielle, les retrouvailles furent mêlées de larmes et de chuchotements. Dès qu’ils apprirent le malheur qui frappaient les enfants Amon, il prirent la décision de garder Danielle et de dire à la petite fille que sa maman avait dû partir à Paris soigner son grand père.

    Albert regagne très vite son travail et la petite Danielle va rester avec  » Pépé et Mémé », comme elle les appelle, jusqu’à Pâques 1946, en contact constant avec sa « Tantine », Lucienne Caruel.

    Jacques Amon, habite à Nice dans un appartement appartenant à son frère. Il rend une visite mensuelle à sa fille chez les Maçon, mais participe peu aux frais de son entretien, il transmet une partie de la pension de l’OSE. Lucienne Caruel, qui s’avère d’emblée une mère adoptive aimante, enverra des colis pour habiller la petite fille, un peu d’argent pour aider les Maçon et des cadeaux pour Danielle.

    N’ayant pu avoir d’enfants, les Maçon reportèrent sur la petite fille toute leur affection. Elle vivra heureuse à La Rustique durant deux années. Ils n’étaient pas fortunés et Danielle se souvient que de temps en temps un colis arrivait de Charente, envoyé par des neveux, contenant des rillettes et quelques conserves. Marthe élevait quelques poules et lapins, et l’essentiel de la subsistance provenait du jardin. On confie à Danielle un petit coin de jardin, qu’elle cultive. Marthe lui apprend à tricoter et lui parle beaucoup de ses parents, de leur vie à Courbevoie, d’Albert lorsqu’il était petit et se précipitait chez eux à la sortie de l’école.

    Marthe Maçon ne sais pas lire, mais écoute la radio et a un don d’éloquence indéniable. Louis Maçon lit le journal, à voix haute pour Marthe qui ne manque jamais de commenter. C’est Louis qui enseigne à Danielle le calcul et la lecture et tous les deux lui donnent le goût des études. Danielle dira de Louis : « Il fut mon premier maître, l’un des meilleurs, et je lui dois certainement une partie de mon goût des études, de ma vocation d’enseignante et de mon agrégation de Lettres ».

    Danielle restera deux ans chez les Maçon, dont un an cachée dans le jardin de La Rustique et ceux des villas inoccupées dont Louis a la charge. Elle l’aide à jardiner et se gave des fruits à même les arbres. Danielle sera gâtée de l’amour de Louis et de Marthe.

    Elle sort peu par sécurité, mais Louis l’emmène à la messe à Cannes et Marthe l’emmène parfois faire des courses au village, distant d’un kilomètre. Danielle relate l’expédition interminable « car elle bavardait beaucoup en route, se querellait avec certains commerçants qu’elle traitait de voleurs parce qu’ils pesaient un papier d’emballage épais au prix des maigres rations auxquelles donnaient droit les cartes d’alimentation ».

    Elle évoque encore les parties de belote, une fois par semaine, avec un couple de voisins retraités. Louis lui apprend très vite à être de la partie pour  » faire la quatrième « .

    A la Libération, les Maçon attendent le retour de Maggy, guettant les nouvelles du retour des déportés à l’Hôtel Lutetia. En vain…

    Après son arrestation, Maggy, 46 ans, avait été internée à la prison des Baumettes, transférée au camp des Milles, puis envoyée à Drancy d’où elle a été déportée sans retour le 3 février 1944 par le convoi n° 67.

    En 1946, malgré le déchirement de voir partir leur petite Danielle, les Maçon confient la petite fille à Lucienne Curuel, à Paris, qui l’élèvera, conformément à la promesse qu’elle avait faite à Maggy durant la guerre. Lucienne Caruel se consacrera à l’éducation de Danielle, l’aimera comme sa fille et l’adoptera le 13 juin 1952.

    Danielle viendra passer toutes ses vacances au Cannet et restera très proche de Louis et Marthe jusqu’à leur décès. En 1956-57, Danielle travaillera comme surveillante d’externat dans un collège de Cannes et passera l’année scolaire auprès de Marthe Maçon devenue veuve.

    Le 14 juin 2009, Yad Vashem – Institut International pour la Mémoire de la Shoah, a décerné le titre de Juste parmi les Nations à Louis Maçon et son épouse Marthe ainsi qu’à Lucienne Caruel.

    Documents annexes

    Invitation cérémonie Maçon et CaruelInvitation cérémonie Maçon et Caruel

     




    Mis à jour il y a 11 mois.