Dossier n°12080 - Juste(s)

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Les personnes reconnues « Justes parmi les Nations » reçoivent de Yad Vashem un diplôme d'honneur ainsi qu'une médaille sur laquelle est gravée cette phrase du Talmud : « Quiconque sauve une vie sauve l'univers tout entier ». Il s’agit de la plus haute distinction civile de l’état d’Israël. Au 1er janvier 2021, le titre avait été décerné à 27921 personnes à travers le monde, dont 4150 en France. Cependant le livre des Justes ne sera jamais fermé car nombreux sont ceux qui resteront anonymes faute de témoignages.Reconnus ou non, ils incarnent le meilleur de l'humanité. En effet, tous ont considéré n'avoir rien fait d'autre que leur devoir d'homme. Ils serviront de phares et de modèles aux nouvelles générations.

Allée des Justes à Paris
Allée des Justes à Jérusalem

Les Justes

Anne-Marie Pavot Parisot

Année de nomination : 2011
Date de naissance : 19/07/1916
Date de décès : 07/10/2009
Profession : Professeur d’éducation physique
    Localisation Ville : Blois (41000)
    Département : Loir-et-Cher
    Région : Centre-Val de Loire

    L'histoire


    L’histoire du sauvetage objet de la Médaille des Justes parmi les Nations réalisé par Anne-Marie PAVOT commence le jour où Miklos BOROS, international de football de renom, décide de fuir le climat délétère qui gronde sur les stades hongrois. (*)

    Dès son arrivée à Paris en 1928, Nicolas BOROS (Nicolas étant la version française de Miklos) signe au Club Français. L’année suivante, il rejoint le FC Sochaux, club des Automobiles Peugeot, considéré comme le premier vrai club professionnel. De retour à Paris, il revient au Club Français dont il fait partie lorsque celui-ci remporte la Coupe de France 1931.  Le Club Français ayant renoncé au professionnalisme, Nicolas poursuit sa carrière dans différents clubs et la termine à Valenciennes.  Entre-temps, proche du milieu des immigrés hongrois de Paris, il rencontre Hélène,  d’origine juive elle aussi, qu’il épouse 16 mai 1933.  Le 28 juin 1938 naît Charles, leur premier enfant.

    A la naissance de son fils, Nicolas a 35 ans.  Il se rapproche du FCA Dyonisien, un club amateur de la région parisienne, devenu Olympique de Saint-Denis en 1941. Il y retrouve quelques dirigeants du Club Français et y fait connaissance de René PAVOT, jeune joueur de 18 ans. Celui-ci, dans le témoignage dont il a étayée la demande  adressée à Yad Vashem par Charles BOROS pour qu’Anne-Marie PAVOT, son épouse, soit reconnue JUSTE PARMI LES NATIONS,  souligne l’admiration qu’il portait à celui qui marqua fortement le début de sa propre carrière sportive.

    (*) Un rapport intitulé « Football et antisémitisme en Hongrie » paru en 1994 dans « Persée » (portail de revues en sciences humaines et sociales,  paru en 1994, volume 103, pages 90 à 101, sous la plume de Victor Karady et Miklos Hadas,  consultable sur internet.) précise qu’après  la guerre de 14, de nombreux clubs privés s’étaient ouverts à Budapest, dont  le FTC à tendance d’extrême droite,  nationaliste et populiste, qui refusait d’admettre les juifs et le MTK, fondé et financé par la bourgeoisie juive qui comptait de nombreux membres de la communauté.  Quand en 1919, porté à la tête du régime autoritaire de la Régence, l’Amiral Horty  officialisa par des lois antisémites le racisme ambiant,  la concurrence sportive dégénéra en violents affrontements politiques

    Arrive 1942. Au mois d’avril René PAVOT désire quitter Paris, pour un certain nombre de raisons tenant aux conditions de vie dans la capitale et surtout à des menaces émanant d’un membre de la LVF (Légion des Volontaires Français de Jacques Doriot) avec lequel il a eu un sérieux accrochage verbal.

    Il a l’occasion de confier son inquiétude à Nicolas qui l’oriente vers Marc PEIGNÉ qu’il a connu au Club Français et qui est devenu Directeur Sportif de l’AAJ Blois, très bon club de l’Orléanais. Marc PEIGNÉ et René PAVOT se mettent rapidement d’accord  et en juin, René arrive à Blois où deux emplois et un logement attendent le jeune footballeur et son épouse Anne-Marie avec laquelle il s’est marié un mois plus tôt.

    Dans son nouveau club, René  a le plaisir de retrouver Robert MERCIER, International des années 30, qui, comme Nicolas BOROS, faisait partie de l’équipe du Club Français lors de la Coupe de France 1931 et qui, tout comme Nicolas, avait participé à la victoire en marquant un but.

    Quelques semaines plus tard, c’est la rafle du Vel d’Hiv du 16 juillet 1942 et  c’est au tour de Nicolas de fuir d’urgence la capitale. Il part seul à Blois, rejoindre ses amis (Marc PEIGNÉ et le couple PAVOT), n’imaginant pas un seul instant que les nazis s’en prendraient aussi aux femmes et aux enfants. Mais dès qu’est connue l’étendue de leur folie meurtrière, il réalise qu’il faut absolument mettre son épouse et son fils à l’abri du danger.

    C’est Anne-Marie PAVOT  qui s’offre courageusement à partir les chercher, qui emprunte avec eux le métro, qui traverse la gare d’Austerlitz, là où de nombreux contrôles de police peuvent à chaque instant entraîner leur arrestation et leur vie à tous les trois,, qui affronte dans le train les regards curieux des voyageurs, qui aide Hélène à dissimuler l’étoile jaune restée cousue à ses vêtements et qui porte la valise contenant les quelques objets que ses amis essayent de sauver.

    Provisoirement, la famille BOROS enfin réunie est réfugiée chez les PAVOT. Mais il lui faut des faux papiers. Or, Nicolas, avant de quitter Paris, avait engagé une transaction avec un certain Dominique LANCIA, qui lui avait vendu des documents permettant de justifier une fausse identité. Dans la précipitation de son départ, il n’avait pas eu le temps d’en prendre livraison. Il est alors décidé qu’Anne-Marie partira une nouvelle fois à Paris pour les récupérer.

    La mission n’est pas facile, car le « vendeur » n’ayant pas encore été payé, la jeune femme doit fermement négocier pour qu’il lui confie les documents qu’elle serre dans son sac à main et qu’elle transporte dangereusement dans le train. C’est grâce à ces documents que MARC PEIGNÉ, qui dispose de complicités familiales à la mairie d’Averdon, petite commune des environs de Blois, et qui entretient des relations avec les administrations locales (Préfecture, Service du Travail, Eaux et Forêts) fait établir des faux papiers justifiés par des éléments réels et vérifiables qui rendent le subterfuge indétectable. Ils vont permettre à la famille BOROS d’attendre la fin de la guerre sans être inquiétée.

     Deux ans plus tard, quand les chars alliés libèrent la France, l’international de football hongrois, Miklos BOROS, alias Dominique LANCIA « ouvrier bûcheron » peut reprendre son nom et son statut. Il ne retourne à Paris qu’en 1949, avec  sa femme et ses deux enfants, car entre-temps, est né  François, le petit frère de Charles.

    Quant aux PAVOT, ils quittent Blois en 1959 avec leurs trois enfants, pour Orléans, le Maroc (Oujda et Agadir) la Guadeloupe et enfin la Guyane avant de prendre leur retraite en 1986 à Lichères, petite commune du Chablisien dont René, aujourd’hui âgé de 92 ans fut maire de 1989 à 2001. Anne-Marie à qui la Médaille des Justes parmi les Nations,  attribuée à titre posthume,  est remise à son mari René PAVOT, est décédée le 7 octobre 2009 après 67 ans de mariage.

    C’est grâce à l’aide éclairée de René PAVOT, Maire Honoraire de Lichères, Officier du Mérite Agricole, Médaille d’or de la Jeunesse et des Sports, Chevalier de l’Ordre National du Mérite, que les étapes du sauvetage de Nicolas BOROS ont pu être retracées. Le Comité Français pour Yad Vashem l’en remercie avec émotion.

    Le 30 mars 2011, Yad Vashem – Intitut International de la Mémoire de la Shoah,  a décerné le titre de Juste parmi les Nations à Madame Anne-Marie Pavot.

    Documents annexes

    Invitation cérémonie PavotInvitation cérémonie Pavot

    Articles annexes