Dossier n°12532 - Juste(s)

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Les personnes reconnues « Justes parmi les Nations » reçoivent de Yad Vashem un diplôme d'honneur ainsi qu'une médaille sur laquelle est gravée cette phrase du Talmud : « Quiconque sauve une vie sauve l'univers tout entier ». Il s’agit de la plus haute distinction civile de l’état d’Israël. Au 1er janvier 2021, le titre avait été décerné à 27921 personnes à travers le monde, dont 4150 en France. Cependant le livre des Justes ne sera jamais fermé car nombreux sont ceux qui resteront anonymes faute de témoignages.Reconnus ou non, ils incarnent le meilleur de l'humanité. En effet, tous ont considéré n'avoir rien fait d'autre que leur devoir d'homme. Ils serviront de phares et de modèles aux nouvelles générations.

Allée des Justes à Paris
Allée des Justes à Jérusalem

L'histoire

Lucienne Deguilhem est née en 1898 à Monbahus en 1898 au 8 grand Rue, dans une famille de scientifiques laïques. Son père Pierre était pharmacien à Monbahus et avait épousé Marie née Héritier, dite Almène. Ils eurent deux enfants, Marguerite, née en 1895, et Lucienne. Le frère de Pierre Deguilhem, Ancelin, est vétérinaire à Paillé, un hameau sur la commune de Monbahus.

Après ses études et la guerre de 1914-1918, Lucienne aide ses parents à la pharmacie. Elle soignera sa mère Almène, qui mourra d’un cancer en 1928 et continué à travailler à la pharmacie jusqu’au décès de son père en 1933. Elle loua alors la pharmacie à un autre pharmacien et part vivre avec son oncle Ancelin Deguilhem à Paillé. Dévouée à ses parents, à 35 ans, elle n’avait pas pris le temps de fonder une famille et souffrait de ne pas avoir d’enfant. Un conseil de famille lui demanda de prendre en charge l’éducation de sa cousine Pierrette Blanda, aînée d’une famille nombreuse.

Ancelin est élu maire de Monbahus en 1935 et engage Lucienne* en tant que secrétaire de mairie. La même année, Ancelin Deghuilhem, malade et en proie à des douleurs insupportables se suicide. Lucienne se retrouve alors seule avec la petite Pierrette âgée de 7 ans. Lorsque la guerre éclate, en 1940, Pierrette, alors âgée de 12 ans, est renvoyée vivre auprès de sa mère près de Bordeaux. Lucienne Deguilhem rencontre son futur mari Joseph Van der Poellen qui habite à la ferme Labarque.

Monbahus est situé en zone sud, dite libre. Lucienne Deguilhem, utilisant son poste de secrétaire de mairie, et Joseph Van der Poellen vont alors accueillir des personnes persécutées.
En juin 1941, les mairies de la zone libre reçoivent de Vichy l’ordre de recenser tous les juifs présents sur la commune. Lucienne Deguilhem ainsi que M. Lacroix, le Maire, refusent. M. Lacroix est démissionné et remplacé, tandis que Lucienne est chassée immédiatement du secrétariat de mairie dès le 15 juillet 1941.

Lucienne Deguilhem et Joseph Van der Poellen continuent à cacher des juifs en danger avec sou sans faux papiers. Des enfants sont cachés dans la ferme de Joseph Van der Poellen à Labarque, dont Henri et Lucien Almi, Alain Chenciner, Jacques Ehelberg, le jeune Rudy Engel, Nathan, Simon et Liliane Frenkiel, Sabine et Bernard Jakobson, Georges Jeanmaire-Wolf (dit Jojo), Nadine Ostrow, Édith Perstunski, Wladimir Wachspress (dit Dédé)… Les familles sont cachées à Paillé ou au Buzard, dont les Chenciner avec leur fils Alain, les Ehelberg, les Frenkiel, les Jakobson, les Nussbaum, les Ostrow, les Vintrop, les Wollner, les Wachspress…

Georges Jeanmaire-Wolf (dit Jojo) arrive à Monbahus avec ses parents en 1940. La famille s’installe dans une petite pièce. M. Wolf est interné au 125e CTE, camp de travailleurs étrangers de Casseneuil. Il rejoint ensuite à la Ferme-Ecole de l’ORT aux Angiroux, tout près de Monbahus, où étaient réfugiés de nombreux stagiaires et travailleurs juifs, dont les parents de plusieurs enfants confiés à Lucienne Deguilhem.

Fin 1942, tandis que Lucienne Deguilhem est au Buzard, une rafle surprise est organisée à Paillé. Richard, 44 ans, né le 10/11/1893, commerçant, et ses deux filles, nées à Vienne (Autriche), Gertrude, 21 ans, née le 17/04/1921, et Annelisse, 17 ans, née le 29/04/1925, de nationalité autrichienne, et un autre couple, soit 5 personnes, sont arrêtées par la police Française et seront déportés sans retour à Auschwitz.Lucienne qui n’avait pas été avertie de cette rafle n’avait pas pu organiser leur fuite.. En septembre 1942, la brigade de gendarmerie de Cancon établit une liste des enfants juifs de Monbahus et des environs, dans laquelle figure Georges Wolf, Henri Almi et son tout petit frère Lucien. Mais bienheureusement, les enfants ne seront pas raflés, malgré le zèle du chef de la gendarmerie.

Début 1943, Pierrette Blanda reviendra pour aider sa tante dans cette tache. Lucienne Deguilhem ne se préoccupe pas que du bien être des enfants, elle veillera également à leur assurer une base d’éducation, de lecture, d’écriture et de calcul et les initiant à la nature, aux animaux, aux plantes. Joseph Van der Poellen, joue du violoncelle et leur fait découvrir la musique.

Fin août 1944, le Lot-et-Garonne est libéré et les familles cachées sortent de leur clandestinité. Mme Wolf, sauvée elle aussi, vient chercher Georges. Grâce au silence des habitants de Monbahus, tous seront saufs.

En novembre 1944, Lucienne Deguilhem est nommée secrétaire de la mairie de Monbahus par le nouveau maire M. Gélieux. Lucienne Deguilhem épouse Joseph Van der Poellen le 28 Mars 1945, mais le bonheur sera de courte durée car Joseph décède en 1949.

Au lendemain de la guerre, Lucienne devient présidente de l’Amicale Laïque de Monbahus et organise avec une rare énergie, des distributions de prix, des arbres de Noël, du théâtre, des corsos fleuris etc. Elle se dépense sans compter pour que vive et se développe l’école publique. Elle restera secrétaire de mairie jusqu’en 1963.

Lucienne Deguilhem a été reconnue Juste parmi les Nations pour avoir caché plus de 20 Juifs dont au moins 13 enfants. La Médaille et le Diplôme attestant de l’honneur qui lui est rendu ont été remis à Jean-Pierre Flacon son petit-neveu représentant les membres de sa famille : ses neveux et nièces, Yvette et ses filles Marie-Thérèse et Colette Deguilhem, Pierrette Carraro et ses enfants Bernard Carraro et Liliane Ségeat.

Le 2 avril 2013, Yad Vashem – Institut International pour la Mémoire de la Shoah, a décerné à Madame Lucienne Deguilhem, le titre de Juste parmi les Nations.

Documents annexes

Article de presse -La Dépêche du Midi du 04/06/2014Article de presse -La Dépêche du Midi du 04/06/2014
Article de presse - La Dépêche de Monbahus du 04/06/2014Article de presse – La Dépêche de Monbahus du 04/06/2014
Allocution de G. Jeanmaire-Wolf Allocution de G. Jeanmaire-Wolf
Allocution de J .P. FlaconAllocution de J .P. Flacon
Article de presse - Le Républicain du 05/06/2014Article de presse – Le Républicain du 05/06/2014
Invitation cérémonie DeguilhemInvitation cérémonie Deguilhem