« Annette Muller, la petite fille du Vel d’Hiv. »
Aux Editions CERCIL :
« Le récit d’Annette Muller
et de Manek, son père :
du Camp d’internement
de Beaune-la-Rolande (1942)
à la Maison d’enfants du Mans (1947. »
Le Centre d’Etude et de Recherche sur les Camps d’internement dans le Loiret (Beaune-la-Rolande, Pithiviers et Jargeau) et la déportation juive : CERCIL
est exemplaire pour sa rigueur et par sa détermination, pour la richesse de ses travaux et pour leur diffusion (conférences, journées, publications etc)… En résumé : pour la part originale et complémentaire que ce Centre assume dans le travail – à long terme et jamais abouti – de la mémoire de la Shoah.
Voici le dernier ouvrage des Editions du Cercil : ce récit d’une gamine, Annette Muller dont la mère a été déportée sans retour. La fillette est âgée de 9 ans quand en 1942 commence pour elle ce cauchemar vécu partant du Vel d’Hiv, se prolongeant à Beaune-la-Rolande, passant par Drancy, puis se poursuivant d’asile en orphelinat… Parallèle à ce récit d’autant plus déchirant qu’il reste dans le registre d’une entière sobriété, celui de son père, Manek, venu des environs de Biecz, en Pologne, et pour qui la France avait le visage d’une terre d’accueil. Ses enfants cachés, lui ne cessera de fuir devant les Allemands persécuteurs.
Ce volume de 248 pages, s’ouvre sur une préface intitulée : « La page la plus noire de l’histoire de France ».
Serge Klarsfeld :
– « La Shoah lui {Annette Muller} a fait traverser, comme à beaucoup d’autres orphelins, des enfers dont ceux qui ont retrouvé leurs parents ou qui ne les ont pas quittés n’ont pas idée. Même ceux qui ont survécu à l’enfer des camps ne se rendent pas compte de l’intensité du choc brutal et prolongé qui a frappé jusqu’à leur dernier souffle les orphelins de la Shoah. »
Suit une introduction par la présidente du CERCIL : « Je voulais juste qu’on parle des enfants… »
Hélène Mouchard-Zay :
– « Nous avons souhaité publier l’intégralité du récit d’Annette. Le texte de La petite fille du Vel d’Hiv, repris tel qu’il a été publié en 1991 [Denoël, ouvrage épuisé}, est suivi de son récit sur l’asile Lamarck, puis sur l’orphelinat catholique où elle a été cachée jusqu’en 1945, enfin sur la maison d’enfants où elle est restée jusqu’en 1947.
Nous présentons également les souvenirs de son père, Manek, tels qu’ils ont été recueillis par Annette elle-même, sous la dictée de son père (…).
C’est donc toute l’histoire d’une famille juive polonaise, décimée au cours de la seconde guerre mondiale qui se dessine : la vie d’autrefois en Pologne l’antisémitisme et la misère qui les ont chassés de ce pays, le drame qui a tué ceux qui y sont restés, l’émigration à Paris, la persécution qui les y a rejoints, et aussi la difficulté de vivre à nouveau, après… »
Beaune-la-Rolande, juillet 1942 (DR CERCIL).
Annette Muller :
– « Le camp était entouré de fil de fer barbelé épais. Aux quatre coins, des gendarmes dans des miradors braquaient jour et nuit des fusils. Au-delà, on apercevait le clocher de l’église du village tout proche. Il y avait une vingtaine de baraques de bois. Devant certaines, des bandes de ciment étroites avec des trous espacés. Les latrines. Dans la journée, les gens, accroupis et culotte baissée, faisaient leurs besoins aux yeux de tous. Nous avions peur d’y aller. D’énormes vers blancs y grouillaient.
Dès notre arrivée, on se précipita vers une baraque où, dans des lavabos de zinc, coulait un maigre filet d’eau. Certains avaient arraché leurs vêtements sales et se bousculaient dans le désordre et l’affolement pour pouvoir enfin laver leurs corps qui avaient croupi de longues heures au Vel d’Hiv.
Je regardais ces femmes aux corps nus, malodorants, grotesques, se poussant et s’injuriant. Les grandes personnes ! J’apprenais le mépris, la haine, j’apprenais la pitié aussi. »
(P. 49).
Photo prise au printemps 1944 (Arch. fam. Muller / DR CERCIL).
Sortie de Drancy décrite par Annette Muller :
– « Un homme derrière une table a dit : « Vous allez partir du camp, les gendarmes vont vous emmener. » On nous a fait monter dans un car de police, quatre gendarmes nous accompagnaient. Quand la voiture a démarré, Michel {son frère} et moi, on a crié de joie. On n’arrêtait pas de parler, fébriles, chacun interrompant l’autre.
« On va rentrer à la maison ! »
On imaginait tout haut notre retour : si on demandait la clé à la concierge. On se cacherait sous la table et on surpendrait tout à coup papa et maman, Henri et Jean {autres frères}. Ca en ferait une bonne surprise. On était sûr de retrouver tout le monde à la maison.
A un moment donné, j’ai tourné la tête vers les gendarmes assis derrière nous. Ils nous écoutaient parler et, silencieusement, ils pleuraient.
J’ai compris qu’on ne retournerait pas chez nous, alors, moi aussi, j’ai pleuré. »
(P. 58).
Manek Muller, Toulouse, 1944 (Arch. fam. Muller / DR CERCIL).
Manek Muller à la recherche de ses enfants :
– « J’ai appris que les enfants avaient été transférés de Beaune-la-Rolande à Drancy. Là-bas, j’ai pu savoir par un gendarme qu’ils venaient de partir pour l’asile Lamarck. J’y suis allé, il y avait des gosses dans la cour, la tête rasée, maigres, cherchant un bout de pain en grattant dans la terre. J’avais tellement pitié. Des petits enfants ! Le directeur, un homme froid, m’a à peine laissé entrer. Il m’a dit : « Soyez heureux qu’ils soient là. »
J’ai dû poser sur une table, dehors le colis que j’avais préparé. Il a refusé quatégoriquement de me remettre les enfants qui, venant de Drancy, restaient sous contrôle allemand.
Je suis retourné voir la Soeur Clotilde {Juste parmi les Nations, 1995} pour qu’elle m’aide. C’est grâce à elle que les enfants ont pu sortir de l’asile Lamarck fin novembre 1942 pour être cachés en orphelinat catholique à Neuilly-sur-Seine où Henri et Jean les ont rejoints plus tard.
J’ai alors commencé à avoir peur pour moi-même. »
(PP. 157-158).
En complément de ces deux récits porteurs de la vision d’une fillette et de celle son père, ce volume particulièrement bien illustré, contient plus de cinquante pages d’études historiques :
– La famille Muller dans les archives.
– Les familles du Vel d’Hiv dans les camps de Beaune-la-Rolande et de Pithiviers, par Catherine Thion et Benoît Verny.
– Orphelinats catholiques et maisons d’enfants, par Katy Hazan.
– Le destin de milliers de Juifs polonais en France, par Henri Minczeles.
Ce livre a été publié sous la direction éditoriale de Nathalie Grenon.
Il a reçu le soutien financier de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, du ministère de la Défense-DMPA, du ministrère de la Culture-Drac région Centre, de l’Union Européenne, de la ville d’Orléans.
Pou toute commande au CERCIL, cliquer : ICI