Renée Flachot en 1941
Artiste peintre et grand mutilé de la guerre 1914-1918 – il avait eu l’épaule droite emportée par un obus- Lucien Flachot demeurait à Paris avec son épouse Juliette, couturière, et leurs enfants Renée et Guy. L’une des trois chambres de leur logement servait d’atelier à Renée, modiste. En octobre 1943, Juliette Flachot présenta à tous les voisins de l’immeuble et à la concierge deux jeunes filles, « petites cousines arrivant de province à Paris pour y poursuivre leurs études à l’Université ». Les « cousines » étaient Annette et Marianne Schil, 20 et 18 ans, filles du médecin de Mme Flachot. C’est elle qui, se doutant de l’inquiétude de leurs parents, avait spontanément proposé d’accueillir ces deux jeunes juives. En arrivant chez ses sauveurs, Marianne fut « impressionnée par cette manche vide et inerte qui n’empêchait pas monsieur Flachot de se débrouiller seul ». Renée céda sa chambre aux deux jeunes filles et se replia dans son atelier. Les deux soeurs Schil furent ainsi protégées jusqu’à la Libération. « Le risque était pourtant grand d’une enquête sur notre provenance », a témoigné Annette, « ou notre parenté avec notre famille d’accueil, à une époque de grande suspicion. Ma sœur et moi avons été admises non seulement sous un toit accueillant, mais encore au foyer d’une famille qui se calfeutrait dans une unique pièce, seule chauffée durant un hiver très rigoureux. »
Le 10 août 1999, l’institut Yad Vashem de Jérusalem a décerné à Lucien et Juliette Flachot et à Renée Flachot, le titre de Juste parmi les Nations.
Le témoignage
Souvenir plus lointain : papa était un grand invalide de la guerre de 1914, il n’avait pas d’épaule et il portait un corset pour pouvoir s’habiller. Je demandais qui avait fait ça, on me répondait les boches. Pour moi, les boches étaient une horrible bête pas humaine.
Donc, j’aidais beaucoup mon père à couper la viande, ouvrir la porte, ouvrir les pots de peinture car il était peintre, j’étais le soutien de mon père.
Ma mère a toujours connu mon père déjà invalide, elle s’était mariée avec lui alors qu’ il était déjà blessé.
PERE : il faisait des peintures mais c’était difficile d’en vivre alors il faisait beaucoup d’affiches, de la publicité, il a reçu la Légion d’honneur et la Croix de Guerre.
MERE : corsetière au début puis après à la maison.
Moi : j’ai fait toutes mes études dans Denis.
Pendant la guerre : On habitait, boulevard Exelmans, c’était un grand appartement pour accueillir les 2 demoiselles Schil.
Elles étaient plus jeunes, c’était les filles d’un docteur qui avait soigné maman. Le médecin était très gentil avec mon père qui avait fait la guerre de 14 en tant que médecin. Un jour il est venu nous dire qu’il y avait quelques membres de sa famille qui avaient été emmenés. Pour nous, il était français avant n’importe quoi d’autre.
Anne et Marianne Schil (16 et 18 ans), étaient plus jeunes que moi.
On habitait dans une grande maison où il y avait 3 appartements par étage. On les a présenté à tout le monde comme des cousines de Province qui venaient faire leurs études à Paris (assistante sociale/pharmacie), pourtant elles habitaient à 2 pas de chez nous. On a essayé d’être le plus accueillant possible.
Je jouais le rôle de grande soeur. Elles étaient secrètes, on sentait qu’elles faisaient bloc, on essayait de ne pas les affoler, je ne sais pas si elles savaient vraiment ce qui se passait, si elles savaient que certains de leur famille avaient été déportés.
Rapport avec la famille Schil :
Photo du mariage civil, c’est le docteur Schil qui était mon témoin. La famille Schil n’a pas été déportée. Ils n’ont pas été arrêtés car les garçons étaient partis et les filles restaient chez nous. Si on n’avait pas pu prendre les écoles de la légion d’honneur à Ecouen, puis à Saint leurs filles, ils n’auraient pas pu partir.
La vie :
beaucoup de place avec une chambre où elles étaient, on se lavait à l’eau froide car il n’y avait pas d’eau chaude à l’époque, elles allaient à leurs cours, la vie continuait.
Financièrement, elles mangeaient souvent chez une grand-mère.
C’était les queues qui étaient dures pendant la guerre.
Pour s’alimenter on se disait quand on aura à manger, on ne se plaindra plus, tout manquait.
J’étais vraiment comme un petit haricot après la guerre, il n’y avait pas beaucoup de sucre. On ne savait pas ce qu’était le café, ni la farine car on n’en voyait pas.
De la viande : de temps en temps car des amis nous en envoyaient quelquefois dans un petit paquet. C’était très très chiche.
Il y avait beaucoup de trafic.
Le seul trafic de ma famille : double ration de cigarettes pour mon père car il était invalide mais ne fumait pas, donc il troquait les 2 paquets de cigarettes contre un peu de beurre ou un petit peu de quelque chose.
Moi j’ai appris à faire des chapeaux. Je voulais faire de la peinture, mon père m’a dit pendant la guerre que c’était dur d’aller aux beaux-arts, alors je me suis mariée et j’ai élevé mes enfants.
Je n’ai pas vécu sous la terreur, je n’étais pas inquiété par les allemands, mais je savais ce que je risquais à l’époque, c’est-à-dire d’être embarquée avec tout le monde et de ne pas revenir. Je ne parlais pas aux autres des 2 jeunes filles, on n’avait pas de photos à l’époque, on évitait.
Lien :
on se voit de temps en temps, surtout avec leur frère Gilbert car il a fait la démarche pour la médaille.
On entendait parler mais discrètement car certains partaient mais ne revenaient pas.
Pas de rafles dans mon quartier, en tout cas je n’ai pas assisté à des rafles. On évitait de parler dans les rues car on ne savait pas à qui on s’adressait.
On avait des affaires du père Schil mais il y avait ses initiales sur les valises, donc on les a laissé pendant toute la durée de la guerre au Crédit National pour ne pas que l’on fasse le rapprochement avec nous, on se méfiait.
La concierge de l’immeuble savait que ce n’était pas mes cousines et elle n’a rien dit, elle était formidable.
CONCLUSION
J’espère qu’il y a des justes en Palestine pour les enfants israéliens et des justes en Israül pour les enfants palestiniens et qu’il y ait des justes un peu partout dans le monde.
Je suis très heureuse pour moi et aussi pour mes parents qui auraient vraiment apprécié. Ils auraient plus apprécié cette médaille que la Croix de Guerre ou la Légion d’Honneur.
On ne parle pas assez des justes et je commençais à trouver le temps long, je suis contente de ce travail de mémoire.
Je n’ai pas de souvenir d’une explosion de joie à la libération.
Le docteur Schil est venu voir mes parents et a dit que les personnes qui devaient garder ses enfants n’acceptaient plus donc mon père lui a dit qu’on pouvait les garder.
Les américains ne savaient pas viser, ils visaient les usines Renault mais comme nous habitions à côté, quelques fois nos carreaux étaient cassés.
Documents annexes
Article de presse – Vivre Ensemble Février 2008 7 mai 2016 09:49:49 | |
Article de presse – journal des Anciens Elèves de la Légion d'honneur 2000 7 mai 2016 09:49:12 | |
Article de presse – La Lettre du Légionnaire du Val de Marne du 08/06/2013 7 mai 2016 09:48:19 | |
Invitation cérémonie Poiret-Flachot 19 novembre 2014 09:48:52 |