Horror, horror, horror
Aux Editions Tallandier, le « Journal » d’Hélène Berr.
Libération, 20 décembre 2007, Nathalie Levisalles :
– « Ce journal intime tenu entre 1942 et 1944 par une jeune fille de la bourgeoisie juive dans Paris occupé par les Allemands est d’abord un document exceptionnel. L’historien Michel Laffitte, qui en cite de longs passages dans son livre Juif dans la France allemande (1), raconte comment, en le découvrant, il a été «saisi» par la richesse du témoignage «alors qu’on pensait que tout avait été dit sur les Juifs pendant l’Occupation». Il est aussi exceptionnel par sa qualité littéraire. Hélène a 21 ans quand elle en écrit les premières pages, 23 ans les dernières. Entre-temps, un écrivain est né.
Hélène Berr :
– « En ce moment, nous vivons l’histoire. Ceux qui la réduiront en paroles pourront bien faire les fiers. Sauront-ils ce qu’une ligne de leur exposé recouvre de souffrances individuelles? »Le Nouvel Observateur, 3 janvier, Laurent Lemire :
– « Encre bleue sur papier jauni. Pas de ratures. L’écriture est fine, lisible, élégante. Les feuilles extraites d’un bloc ont été numérotées recto verso jusqu’à la page 262. Le tout forme une petite liasse d’une centaine de feuilles. C’est le manuscrit du «Journal» d’Hélène Berr conservé au Mémorial de la Shoah, à Paris. Il retrace l’histoire d’une vie interrompue par la déportation à 23 ans, le 27 mars 1944. Pas plus que ses parents, l’étudiante n’est revenue des camps. Elle meurt à Bergen-Belsen, en avril 1945, deux semaines avant l’arrivée des troupes anglaises. »Hélène Berr :
– « Beaucoup de gens se rendront-ils compte de ce que cela aura été que d’avoir 20 ans dans cette effroyable tourmente, l’âge où l’on est prêt à accueillir la beauté de la vie, où l’on est tout prêt à donner sa confiance aux hommes ? »
L’Express, 10 janvier, Simone Veil :
– « Je suis très heureuse que le journal d’Hélène Berr paraisse enfin. Mariette Job, sa nièce, me l’avait prêté il y a quelques années. Ce livre m’a tellement émue, touchée, que sa publication me semblait indispensable…Le Journal d’Hélène Berr est à la fois le journal d’une jeune juive sous l’Occupation, d’une sensibilité et d’une qualité littéraires exceptionnelles, et une référence historique.Hélène Berr (au retour d’une visite à son père à Drancy) :
– « J’oublie de noter les détails donnés par Papa sur son arrestation, c’est tout ce que j’ai su et je n’en saurai pas plus avant de le revoir. Il est en effet allé rue de Greffulhe, et ensuite avenue Foch, où un officier (moi, j’ai compris un soldat) boche s’est jeté sur lui en l’accablant d’injures ( schwein [sale porc], etc.) et lui a arraché son étoile, en disant : « Drancy, Drancy ». »Télérama, 12 janvier, Nathalie Crom :
– « Dans la belle préface qu’il donne au livre, Patrick Modiano (2) évoque, à propos d’Hélène Berr, les noms de Simone Weil {sic} (3) et d’Etty Hillesum (4) – on ne saurait mieux dire le souci éthique et la grâce qui imprègnent ce texte, l’urgence absolue qu’il y a à le lire. »Préface de Patrick Modiano :
– « J’ai voulu, un après-midi, suivre ces mêmes rues pour mieux me rendre compte de ce qu’avait pu être la solitude d’Hélène Berr. La rue Claude-Bernard et la rue Vauquelin ne sont pas loin du Luxembourg et à la lisière de ce qu’un poète appelait «le continent Contrescarpe», une sorte d’oasis dans Paris, et l’on a de la peine à imaginer que le mal s’infiltrait jusque-là.Hélène Berr :
– « Pourquoi suis-je si inquiète ? Objectivement, il y a de quoi, parce que j’ai l’impression que nous sommes la dernière fournée, et que nous ne passerons pas entre les mailles du filet. Il ne reste plus beaucoup de juifs à Paris ; et comme ce sont les Allemands qui font les arrestations maintenant, il y a peu de chances d’y échapper, parce que nous ne serons pas prévenus. »Le Monde, 17 janvier, Thomas Wieder :
– « Le texte que publient les éditions Tallandier fait partie de ces témoignages qui survécurent miraculeusement à leur auteur. Hélène Berr est morte du typhus à Bergen-Belsen en avril 1945, à la veille de la libération du camp par les Anglais. Elle venait d’avoir 24 ans. Un an plus tôt, quelques jours avant son arrestation, elle avait confié son journal intime à la cuisinière de ses parents. Dédié à son fiancé, aujourd’hui conservé au Mémorial de la Shoah, il s’agit là d’un document exceptionnel sur la vie au jour le jour d’une étudiante juive dans le Paris de l’Occupation.
Hélène Berr n’est pas Anne Frank. Son journal n’est pas celui d’une recluse. Quand elle en entreprend la rédaction, en avril 1942, ses journées ressemblent encore à celles de n’importe quelle jeune fille de bonne famille : cours d’anglais à la Sorbonne, promenades dans le Quartier latin, escapades à la campagne et après-midi entre amis, passés à jouer du violon, boire du chocolat chaud et fumer des cigarettes égyptiennes… Courtisée par les garçons, choyée par ses parents, brillamment reçue à ses examens, Hélène a tout pour être heureuse. Seulement voilà : elle est juive, et ne tardera pas à comprendre ce que cela signifie… »Hélène Berr, 15 février 1944, dernière ligne de son Journal :
– « Horror ! Horror ! Horror ! » (5).