Indignation après l’affront fait à Ida Grinspan

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Dossier n°

Indignation après l’affront fait à Ida Grinspan

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Ida Grinspan, rescapée. 1945 (DR).

Sans haine,
Ida Grinspan témoigne :
trois gendarmes français l’ont arrêtée
avant Drancy puis Auschwitz

c’en est trop pour la Mairie de Parthenay
non pas l’arrestation à 14 ans
ni Drancy et Auschwitz
mais l’évocation des trois gendarmes !

L’indignation monte comme pour laver l’affront fait à Ida Grinspan.
Dans la France de 2010, se distingue encore une Mairie, celle de Parthenay, pour affirmer que le régime de Pétain fut « légitime ». Pour regretter que « notre époque » mette trop « en exergue le repentir ». Pour estimer que mettre en cause et à juste titre trois gendarmes français, revenait à « stigmatiser une catégorie professionnelle ». Bref, pour interdire de parole Isa Grinspan sur les conditions effectives de son arrestation en 1944 avant Drancy puis Auschwitz.

Des membres du Comité Français pour Yad Vashem, avec à leur tête le Président Paul Schaffer (rescapé d’Auschwitz, arrêté… par des gendarmes français et en zone dite « libre »), répondent eux aussi et régulièrement à des invitations en milieux scolaires. Tout comme Ida Grinspan, cette déportée frappée par la censure de la Mairie de Parthenay, ces rescapés de la Shoah parviennent à mettre des mots et des images sur le judéocide. Ils témoignent pour leurs camarades jamais revenus. Au nom d’une humanité qui fut au bord de disparaître entièrement exterminée. Pour que la mémoire ne soit pas victime des nuits et des brouillards où le nazisme et ses collaborateurs voulaient la réduire en cendres. Pour que le passé éclaire présent et avenir. Pour que les jeunes sachent, comprennent, en tirent leurs propres lignes de vie…

En solidarité complète et qui se veut chaleureuse vis-à-vis d’Ida Grinspan, voici un bref résumé du scandale actuel.

NouvelObs.com :

– « La Mairie de Parthenay a censuré une lettre écrite par Ida Grinspan, ancienne déportée, qui devait être lue à des élèves dans le cadre de la Journée nationale du souvenir des victimes et héros de la déportation, selon le Courrier de l’Ouest daté du mercredi 28 avril.
Ce témoignage a heurté Michel Birault, ancien gendarme et adjoint en charge des affaires patriotiques. Ida Grinspan y évoquait son arrestation par trois gendarmes à 14 ans. Le professeur a dans un premier temps accepté, à contrecoeur, de remplacer le mot « gendarmes » par « hommes ».Michel Birault a ensuite présenté le texte au maire Xavier Argenton (NC) qui, lui, a refusé sa lecture, selon un mail envoyé par l’adjoint à l’enseignante. « Ne stigmatisons pas une catégorie professionnelle qui dans ces temps troubles avait obéi aux ordres de l’autorité légitime », aurait-il dit à son adjoint. Ce texte « n’est pas de nature à apaiser les ressentiments à une époque où le repentir est malheureusement mis en exergue », aurait-il ajouté. »
(28 avril 2010).

Lettre censurée d’Ida Grinspan :

– « J’ai été, par précaution, envoyée dans les Deux Sèvres alors que j’avais 10 ans, par mes parents inquiets et soucieux que je grandisse loin de la capitale.
Je suis donc arrivée dans une famille, chez ma nourrice Alice et son mari Paul et auprès de Madame Picard, ma maîtresse d’école à qui je dois ce que je sais ; je pars non pas pour me cacher mais me réfugier ! J’ai été très bien accueillie et je suis allée à l’école communale, j’ai passé mon certificat d’étude : j’étais heureuse, même si je m’inquiétais pour mes parents restés à Paris ; maman malheureusement a fait partie de la rafle du Vel’ D’Hiv en juillet 42 ; je vivais sans racisme, sans anti sémitisme de la part des voisins, de mes amies de classe et des habitants du village ! J’étais la petite juive, voilà tout.

Une armée victorieuse, mais en passe d’être vaincue, et qui ne trouve rien de plus urgent que d’intimer l’ordre à se vaincus d’aller dénicher une petite juive des Deux Sèvres pour l’expédier dans l’enfer D’Auschwitz ! La patrie des Arts menant une guerre à mort contre une enfant parmi des milliers d’autres pour le seul crime d’être née !…

J’ai été arrêtée le 31 janvier 1944 par 3 gendarmes, l’inhumanité même, de ces 3 hommes, le chiffre 3 , chiffre impair qui montre bien la détermination d’être solidaires de ne pas se laisser influencer face à la jeunesse, face aux suppliques de ma nourrice, des demandes insistantes du maire de la commune pour ne pas m’emmener moi, si jeune, si innocente, qui avait la malchance d’être née juive! Alors que les armées alliées sont en train de délivrer l’Europe des allemands, 3 gendarmes français, ont obéit aux ordres de m’emmener à Niort pour connaître le pire : d’abord le camp de Drancy, puis l’enfer d’un voyage de 3 jours dans un wagon à bestiaux, plombé, avec des hommes, des femmes et des enfants pour arriver aux camps de la mort : c’était ça La Déportation. C’était un voyage terrible, où l’on devait apprendre à vivre ensembles, à faire ses besoins dans une tinette qui a débordée au bout de quelques jours, de vivre dans la saleté, le manque d’air !

On se disait que le pire était derrière nous mais il était devant nous : quand le wagon s’est ouvert un comité d’accueil allemand avec chiens et hurlements nous attendaient pour la sélection. Je me souviendrai toute ma vie de ces hommes et femmes, enfants, vieillards qui sont partis dans des camions, pour les chambres à gaz ; moi, j’ai eu la chance si l’on peut dire, d’entrer dans le camp pour y travailler avec tout ce que l’on sait de la vie quotidienne dans les camps : nous étions des numéros, et non des êtres humains ; la déportation c’est aussi un programme de déshumanisation organisée par le régime nazi.

La barbarie s’était glissée, cette nuit d’hiver, dans un hameau que tout destinait au sommeil heureux des lieux oubliés par l’Histoire. Oui j’ai donc connu jusqu’à mes 14 ans une vie loin des fracas de la guerre, des privations de nourriture, des rafles, de l’ostracisme du gouvernement de Vichy et derrière tout cela le totalitarisme nazi organisait l’éradication du peuple juif. »

(s) Ida GRINSPAN
(NouvelObs.com, 29 avril 2010).

A la Mairie de Parthenay, peut-être ne serait-il pas superflu de conseiller d’inviter en ses murs l’exposition organisée par le Département de la mémoire combattante de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG). Elle décrit les plus de cinquante policiers et gendarmes reconnus comme Justes parmi les Nations. Son titre : « Désobéir pour sauver ».