Retour sur la vie de Marcel Stourdzé
C’est avec beaucoup d’émotion et de tristesse que nous avons appris, Mercredi 13 Juin, la disparition de notre ami, Marcel Stourdzé, membre de l’Assemblée générale du CRIF, Vice-président de l’Union des Déportés d’Auschwitz, membre fondateur de la Fondation nationale des déportés et internés, résistants et patriotes (FNDIRP), de l’Amicale des Déportés de Buna Monowitz et chevalier de la Légion d’honneur.
« Il restera un maillon irremplaçable. Marcel a prouvé durant sa vie bien remplie, une extraordinaire capacité de résilience qui n’avait d’égale que son altruisme »
Issu d’une famille polonaise, il suit des études rabbiniques et de dentiste.
En 1941, il épouse Danièle. Le couple rejoint la Résistance, cause de leur arrestation à Lyon, le 16 juillet 1943.
Interrogés et torturés par Klaus Barbie, Marcel et Danièle sont déportés à Auschwitz-Birkenau, le 7 octobre 1943.
Durant son internement à Buna, Marcel Stourdzé apprend que sa femme, internée à Birkenau, a été gazée.
Libéré le 29 avril 1945, après avoir participé à la Marche de la mort de Janvier 1945, il reprend ses études et devient un éminent professeur d’économie.
Il contribue à la création de nombreuses institutions pour la transmission de la mémoire de la Shoah.
Nous avons demandé à plusieurs personnes qui ont côtoyé cette grande figure de la mémoire de la Shoah, de nous livrer leurs souvenirs.
« Après ses deux années de captivité, avec un énorme courage, l’homme d’action se manifeste. Il lance à coté de notre regretté ami Bulawko, l’Amicale d’Auschwitz, pour présider un peu plus tard une autre association à laquelle j’ai participé à ses cotés, Les anciens déportés juifs de France et leurs familles.
A ce titre, il instaure à la mémoire de nos martyrs, le déjeuner annuel du 18 Janvier, date mémorable du début de la Marche de la mort.
Malgré une santé fragile il est en 2001, l’un des membres fondateurs de la FMS « Fondation pour la mémoire de la Shoah », et de sa commission de solidarité.
Il y a encore cinq années, il n’hésitait pas à escorter et instruire des jeunes se rendant en pèlerinage à Auschwitz-Birkenau, il avait alors 94 ans.
Il constituait un maillon important dans la chaîne de rescapés qui témoignent, chaîne qui hélas est en voie de contraction.
Il restera un maillon irremplaçable. Marcel a prouvé durant sa vie bien remplie, une extraordinaire capacité de résilience qui n’avait d’égale que son altruisme. ».
Paul Schaffer, Rescapé d’Auschwitz, Président d’Honneur du Comité Français pour Yad Vashem.
« Le 18 août 1943 la Gestapo était venue tôt le matin nous arrêter, ma mère, ma jeune sœur Lily et moi. Nous avons passé la journée – séparés – dans les caves de l’Ecole militaire de Santé, alors le siège de la police allemande à Lyon. Le soir venu on nous amena au Fort-Montluc où j’ai connu Marcel Stourdzé. Il y était détenu depuis quelques jours. Avec lui, sa jeune femme et la maman de celle-ci. Tôt reconnu pour son altruisme, Marcel avait été désigné pour être le doyen de l’atelier réfectoire où étaient logés tous les détenus juifs de la prison, soit selon les départs pour Drancy, entre soixante et cent vingt personnes, hommes, femmes et enfants. Marcel nous y accueillit, nous assigna nos paillasses, nous montra la tinette collective en partie masquée par une couverture tendue. Marcel Stourdzé répondait devant les Allemands du bon ordre et de la bonne tenue du lieu où nous étions enfermés et devait crier fort : « Garde à vous » sitôt qu’on entendait une clef dans la serrure.
Un mois plus tard, nous nous sommes retrouvés au camp de Drancy. Le 7 octobre 1943 nous étions, sa famille et la mienne, dans les mêmes fourgons du 60ème convoi de mille Juifs de France partant vers Pitchipoï…Le matin du 7 octobre les wagons furent déverrouillés. Les Boches hurlaient, leurs chiens aboyaient, de bizarres formes humaines en tenues rayées nous arrachaient les misérables bagages tolérés au départ. Il fallait vite sauter du train, se ranger en cortège, perdre de vue les siens. Avancer. Je perdis connaissance. Marcel s est retourné, m’a relevé, m’a tapé sur les joues, m’a enveloppé dans son manteau, m’a sauvé la vie… risquant la sienne. Fort de mes vingt ans, j’ai franchi la première sélection.
Quand en 2003, Marcel Stourdzé a eu quatre-vingt dix ans, c’est à moi que les camarades d’Auschwitz demandèrent d’évoquer sa vie au cours de la petite fête organisée autour de lui. J’égrainais nos souvenirs y mêlant les confidences qu’il m’avait faites. Devant la richesse du propos, je fis à Marcel…et à l’auditoire la promesse de raconter la suite pour son centième anniversaire. Il nous a fait faux bond. A quatre-vingt dix neuf ans. Des hommes comme lui ne devraient pas mourir Nous garderons Marcel Stourdzé vivant dans notre affection et dans notre mémoire. »
source: http://www.crif.org/fr/actualites/retour-sur-la-vie-de-marcel-stourdz%C3%A9/31691 du 21/06//2012