Deux Justes reconnus grâce à l’obstination de l’ancien petit scout Bajowicz
A Bruguières (Haute Garonne) :
Pierre Boué et Catherine Laborderie
Justes parmi les Nations
Ce deux mars 2009, la Mairie de Bruguières a abrité une cérémonie de remises – à titre posthume – de Médailles et de Diplômes de Justes à Pierre Boué ainsi qu’à Catherine Laborderie. Tous deux, complémentairement et avec le même courage désintéressé, ont arraché à la Shoah le jeune Isi Bajowicz ainsi que son père.
Cette cérémonie a été ouverte en ces termes par le Maire, Philippe Plantade :
– « Cette cérémonie de remise, à titre posthume, de médailles des « Justes parmi les Nations », à Mme Catherine LABORDERIE et M. Pierre BOUÉ, nous amène à saluer le dévouement et le courage de ces deux Bruguièrois qui, au risque de leur propre liberté et surtout de leur vie, ont aidé et sauvé des membres des familles BAJOWICZ et BARAN.
Bruguières était à l’époque une « commune de résidence forcée » pour les familles juives.
C’est ainsi que Pierre et Catherine cachèrent, durant la rafle d’août 1942, le petit Jack BAJOWICZ et son père et permirent leur fuite.
C’est M. Jack BAJOWICZ, aujourd’hui âgé de 80 ans et portant désormais le nom de BAJOT, qui a entamé les démarches officielles pour que soit reconnu le rôle humaniste et salvateur de Mme Catherine LABORDERIE et de M. Pierre BOUÉ à l’égard de sa famille.
Souvenons-nous de l’inscription gravée sur la médaille des « Justes parmi les Nations » décernée par l’état d’Israël :
« Quiconque sauve une vie, sauve l’univers tout entier .»
Ceci nous amène à nous poser, et c’est salutaire, la question : « Qu’est-ce qu’un juste ? »
« Le juste est le fondement du monde.»
Le juste donne sa place à chaque chose ; il ordonne avec mesure. Par-là même, il répond à sa fonction créatrice ou organisatrice. Il symbolise l’homme parfait en ce qu’il ressemble à un démiurge (dieu créateur) organisateur, qui met l’ordre en lui d’abord puis autour de lui ; il joue le rôle d’une véritable puissance cosmique.
Le juste accomplit en lui-même la fonction de la balance quand les deux plateaux s’équilibrent. Le juste est donc au-delà des oppositions et des contraires, il réalise en lui-même l’unité ignorant le morcellement du temps. Il pense et agit avec poids, ordre et mesure. »
Photo : Maire de Bruguières, Philippe Plantade (Doc. Mairie, DR).
Suite du discours du Maire :
– « A notre époque où l’on sacrifie l’homme sur l’autel de l’économie, que tout devient monnayable, quantifiable je pense à René GUENON (le philosophe) qui de manière prophétique dénonçait :
« Le règne de la quantité opposé au règne de la qualité ».
Ce qui est loin d’entraîner un monde juste.
Un monde juste et un comportement juste apportent la prospérité individuelle et collective, la sérénité et l’épanouissement de tous et chacun.
Quand les hommes vivront d’Amour, il n’y aura plus de misère, les soldats seront troubadours
Dans la grande chaîne de la vie pour qu’il y ait un meilleur temps, il faut toujours quelques perdants, dit-on, en ajoutant :
« De la sagesse ici-bas c’est le prix ».
C’est ce que semblait penser, en 1959, André SCHWARTZ-BART puisqu’il écrivait dans « Le Dernier des justes » :
« Les justes tombent dans les bûchers de l’histoire, les piliers du monde s’effondrent.
Le juste devine tout le mal qui se tient sur terre ; il le prend dans son cœur. »
L’action du cœur c’est ce qu’ont accompli Mme Catherine LABORDERIE et M. Pierre BOUÉ. Que leur acte de cœur nous serve d’exemple et si parfois nous faiblissons dans notre espoir, pensons à eux pour revivifier notre idéal.
Car la fonction du Juste, aujourd’hui personnifiée par Mme Catherine LABORDERIE et de M. Pierre BOUÉ est érigée en substance par la pensée gnostique; il devient comparable à « une colonne de splendeur ».
Soyons désespérément optimistes.
Rêvons, mais faisons en sorte que ce qui pourrait paraître utopique devienne la réalité :
« Ici et maintenant. »
Jacob Bajot :
– « Je suis Américain et vis aujourd’hui en Belgique. Je m’appelais Isi, Jacques Bajowicz et en 1941-1942 faisais partie des Eclaireurs Israélites de France à Toulouse. J’avais alors 13 et 14 ans.
Pendant les années 41-42 ensemble avec ma famille nous nous trouvions à Bruguières (15 km de Toulouse) en résidence forcée. Au mois d’Août 1942, le camp des éclaireurs à Moizares m’a sauvé une première fois. J’étais recherché, mais ma mère et toute ma famille (11 personnes) en plus de mes amis proches, excepté mon père ont été déportés.
J’ai été caché à plusieurs reprises, notamment chez les Laborderies je considère comme « Justes » et par les Eclaireurs Israélites à Moissac.
Finalement, avec mon père, nous avons réussi avec beaucoup de peine à rejoindre la Suisse. »
Photo : Isi, Jacques Bajowicz tenu tendrement par sa mère, cliché pris à Bruguières (Arch. fam. / DR).
– « Quelques précisions encore : notre Troupe était menée par Maurice Bernson qui, je pense, plus tard faisait fonction de Vice Consul de France en Israël.
Dans la même troupe, j’avais des amis tels André Mandel, Jacques Kovalski et Nathan Neumann (Gazelle). »
(Lire son appel à témoins sur le site de D-D Natanson).
Paul Seifer était le délégué du Comité Français pour Yad Vashemà cette cérémonie suivie de l’inauguration d’une plaque sur le Monument aux Morts de Bruguières. Les victimes juives de la famille Bajowicz emportées sans retour par le convoi 28 vers Auschwitz restent ainsi désormais dans la mémoire de Bruguières.
Bruguières : ancienne carte postale du Monument aux Morts (DR).
Article lié au Dossier 11126