Les bonnes feuilles du livre de Jean-François Copé
Copé, une histoire particulière
Dans ce passage, Jean-François Copé évoque sa famille.
Comme beaucoup de familles françaises, la mienne, du côté de mon père, a vénéré le général de Gaulle. Il est quelques enfants, nés comme moi dans les années 1960, qui ont entendu de leurs parents, le soir avant de s’endormir, d’autres histoires que celle de Blanche-Neige ou du Petit Chaperon rouge…
Mon père, qui avait 10 ans en 1940, m’a mille fois raconté « sa » guerre. Celle d’un petit garçon juif né en France d’un père médecin roumain naturalisé français dans les années 1920. Avec le même regard d’enfant, il m’a conté par le menu la tragédie de l’exode, notre pays à terre. Puis le souvenir de De Gaulle et de la Résistance naissante. Il m’a décrit le franchissement clandestin de la ligne de démarcation. Puis la fuite éperdue avec ses parents et sa petite sœur à travers la France pour échapper aux appels téléphoniques anonymes, aux humiliations antisémites et aux interpellations de la police de Vichy.
Il m’a raconté la rafle d’Aubusson, en octobre 1943. Les camions de SS qui prennent position dans le centre-ville et encerclent le quartier, un beau matin. Des parents qui empoignent leurs deux enfants, s’engouffrent dans un immeuble et, paniqués, frappent au hasard à la porte du troisième étage. Il m’a décrit les visages impassibles de M. et Mme Léon Lefranc, tapissiers de leur état. Des Français simples et droits. Des justes. Qui, sans hésiter un instant, au péril de leur propre vie, ont ouvert leur porte pour cacher une famille française et la sauver de la mort. La famille Copé.
Il m’a parlé des nazis qui frappent à leur tour à la porte du troisième étage. Et qui reçoivent un accueil tellement calme qu’ils n’entrent pas dans l’appartement. Et dans la pièce attenante, les cœurs de ma famille qui palpitent. Vingt minutes. Peut-être trente. A entendre les bruits de bottes et les hurlements. Bien assez pour faire basculer les destins. Aujourd’hui encore, et pour toujours, la famille Copé et la famille Léon Lefranc sont indissolublement liées.
Quelques jours après, ma famille s’est réfugiée dans une ferme de la Creuse, à Moutier-Rozeille, chez les Bouchardy, dont mon grand-père soignait l’un des enfants. Puis est venu l’engagement dans la Résistance gaulliste et, enfin, la Libération.
Bouleversante histoire, racontée en quelques mots. Juste pour dire très simplement qu’elle a nourri beaucoup de mes nuits d’enfant et de mes réflexions d’adolescent. Qu’elle explique mon amour de la France. Et qu’elle fonde une part essentielle de mon engagement. Il est pour moi une façon de rendre à mon pays ce que je lui dois.
[…] Lorsque l’on a 10 ans et que l’on rêve de servir son pays, quel modèle plus enthousiasmant que celui de Charles de Gaulle, un officier précurseur qui voit juste avant tout le monde en matière de stratégie militaire ? Que celui d’un colonel courageux qui freine l’invasion allemande à Abbeville quand la débandade menace en mai 1940 ? Que celui d’un général « à titre temporaire », condamné à mort par contumace, qui relève l’honneur de la France en appelant à continuer la guerre quand la lâcheté triomphe ? Que celui d’un homme libre menant au combat d’autres hommes libres pour sauver son pays d’une défaite morale, pire que toutes les défaites militaires ? Que celui d’un sage capable de faire respecter son pays à la table des vainqueurs et d’incarner légitimement l’intérêt de la Nation sans accaparer tous les pouvoirs ? Que celui d’un chef d’État toujours engagé pour faire avancer la France, en bravant la médiocrité, en brisant les féodalités, en ouvrant de nouvelles perspectives ? Que celui d’un fils de France, viscéralement attaché à sa culture, à son histoire, à sa langue et qui a fait de ses racines un tremplin pour accéder à l’universel ?
[…] A la source de ma vocation politique, il y a le modèle de ces femmes et de ces hommes qui, dans l’Histoire de notre pays, ont pris le risque de s’engager. Aux côtés des grandes figures de la Résistance, de Bonaparte et de Bossuet, bien sûr, qui savait garder sa liberté pour dire sa vérité aux puissants, le général de Gaulle figure à la toute première place dans ce panthéon personnel.
La passion qui m’anime aujourd’hui ne serait pas la même sans la certitude que me donne son exemple, la certitude que tout engagement n’est pas vain. Qu’un homme peut agir sur le destin de son pays. Que l’action publique a un sens et peut porter du fruit. Les cyniques ricaneront sans doute. « Trop naïf », penseront-ils ? Il est de bon ton de dire que le passé est le passé et qu’il ne sert à rien de s’y référer ; que la politique, c’est la gestion des affaires courantes, point final. Peu importe, j’assume cette part de ma personnalité, cette envie de servir que j’ai au plus profond de moi.
source: L’Express.fr – Extraits du livre de Jean François Copé
Article lié au Dossier 12010