Marie-Louise et Auguste Fauque, Françoise et Michel Rousseau, Justes parmi les Nations

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Dossier n°

Marie-Louise et Auguste Fauque, Françoise et Michel Rousseau, Justes parmi les Nations

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La famille FRESCO (Ph. Arch. fam. J. Laneurie / DR).
De gauche à droite : Solange FRESCO, née NIÉGO, Salomon FRESCO (dit Samy), Eugénie et Nessim FRESCO, Jeannette NIÉGO, Annette NAMER, née FRESCO, Jacky NAMER et Jenny FRESCO (aujourd’hui épouse LANEURIE). Epoux de Solange FRESCO et père de Jenny, Raphaël FRESCO est seul absent de cette photo de famille car il en est l’auteur.


En Mayenne,deux couples de Justes ont empêché la Shoah d’emporter la famille Fresco.

La cérémonie s’est déroulée à l’Espace « Clair de lune » d’Ernée dans la Mayenne. Près de deux cents personnes avaient voulu vivre ce moment précieux de la remise de deux médailles et diplômes de Justes parmi les Nations.
Au premier rang, les familles Fresco, Namer et Niégo sont (re)venues pour entourer de leur affection et de leur reconnaissance les enfants des deux couples Fauque et Rousseau. Gérard Lemonnier, maire d’Ernée, ainsi que Louis Gauffre, maire de St-Pierre-des-Landes attestaient de la solidarité de la population avec les Justes ainsi honorés. Michel Harel, Ministre près l’Ambassade d’Israël, a remis les deux médailles attribuées par Yad Vashem. Elisabeth et Gérard Goldenberg (1), délégués du Comité Français pour Yad Vashem, avaient préparé cet événement.

Synthèse du dossier de Yad Vashem :

– « L’histoire repose au début sur les figures de Pierre Le Donné et de son épouse Marie. Ils possèdent un garage automobile, à Ernée (en Mayenne). Dès les débuts de l’occupation, les Allemands ne se gênent pas pour occuper ce garage tandis que Pierre et son épouse s’engagent dans la résistance.
Lui devient le chef d’un groupe à Ernée, dans la mouvance du Mouvement Libé Nord et constitué de résistants, de réfractaires au STO et de juifs… Le quartier général se situe chez Michel Rousseau, qui cachera beaucoup de monde dans sa ferme du « Domaine » près de Saint-Pierre-des-Landes, à proximité d’Ernée.
Pierre Le Donné entretenait aussi des relations étroites avec Auguste Fauque et son épouse Marie-Louise née Rondeau (mariés en 1927, 41 ans et 37 ans en 1943). Ceux-ci exploitaient le « Petit Poirier », une ferme dont la famille Lambert était propriétaire. Le couple avait deux filles : Suzanne, 9 ans en 1943 et Marie-Louise, 13 ans.
Pierre avait notamment fait appel aux Fauque pour cacher au « Petit Poirier » des moteurs afin de les soustraire aux occupants allemands.

Les Fresco, judéo-espagnols, avaient émigré de Turquie pour Paris puis Charleville dans les Ardennes. Ce sont des commerçants de linges et de vêtements. L’exode les conduisit à Lonzac, dans le Sud-Ouest. Puis à Laval. Lors des rafles de juillet 1942, la famille est arrêtée au petit matin et conduite au camp de Mulsanne, commune située près du Mans. C’est ainsi que se trouvent internés : 
– Raphaël Fresco, son épouse Solange et leur fille Jenny, 
– la mère de Solange, Jeannette, veuve,
– les parents de Raphaël Fresco, Messin et Eugénie, 
– la sœur de Raphaël Fresco, Annette Fresco mariée avec Pierre Namer (alors prisonnier de guerre) et leur fils Jacques,
– le jeune frère de Raphaël Fresco, Salomon Fresco, dit Samy.
Samy parlant un peu l’Allemand, tente d’expliquer Camp qu’ils sont Turcs, donc protégés par la neutralité de leur pays. En conséquence, tous sont alors relâchés et rentrent à Laval où ils habitent au 8 route d’Angers. 
En août 1943, ils reçoivent une lettre envoyée par un oncle leur annonçant que désormais ils ne doivent plus compter sur aucune protection ! Ils prennent immédiatement des contacts avec la Résistance par le biais du fils du préfet qui fréquentait le même collège que Samy Fresco. Le préfet les aide et les met en contact avec le Dr Francis Le Basser, vers Ernée. Messin Fresco est entendu dans leur détresse par Pierre Le Donné. Ce dernier comprend immédiatement la gravité de la situation et contacte les Fauque et les Rousseau. »

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La famille ROUSSEAU (Ph. Arch. Fam. J. Laneurie). 
Les parents et les trois aînés sont aujourd’hui décédés. Joseph (en bas à droite) a reçu la médaille décernée à ses parents, Michel et Françoise.

– « La famille Fresco est accueillie au « Domaine » chez Michel et Françoise Rousseau et au « Petit Poirier », la maisonnette d’Auguste et de Marie-Louise Fauque.
Suzanne Fauque, qui avait 9 ans, se rappelle avoir vu, sur la route du Rollon au niveau de la Croix Ruault, deux femmes qui montaient à pied. Mme Le Donné était là et lui dit : 
« Tu vas avoir une nouvelle copine pour jouer ! » 
La seconde femme, souriante, était Solange Fresco, la maman de la petite Jenny âgée de 4 ans et demi. 
« Ah ! Je vais avoir une petite copine !? ». 
Mais arrivée à la ferme du Petit Poirier, sa mère, Marie-Louise, avec le bon sens qu’imposait le danger de ces circonstances, lui confia : 
« Viens t’asseoir, je vais t’expliquer… Il ne faut rien dire du tout sinon les Allemands nous fusilleront tous… Ne rien dire à personne, ne rien dire à l’école… ». 
Et Suzanne n’a jamais rien dit, elle n’a jamais parlé, ni elle, ni ses parents… ni sa sœur. 
La famille Fresco sera sauve et la commune libérée en août 1944.
Après la guerre, les Fresco et les Fauque sont restés en contact, au « Petit Poirier » et à Paris…
Pierre Le Donné fut reconnu Juste parmi les Nations en 1997, soit du vivant de Raphaël Fresco, témoin principal du dossier. »

Gérard Lemonnier, Maire d’Ernée :

– « J’ignorais tout de l’existence de telles personnes ici à Ernée. C’est lourd de vivre et de grandir avec un tel secret. Un secret qui n’a été dévoilé que bien tard, comme si la vie de son amie Jenny dépendait encore de son silence à elle, Suzanne… »

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Suzanne et Marie-Louise Fauque (Ph. Arch. fam. J. Laneurie).

Suzanne Faucon-Fauque :

– « C’est dommage que mes parents ne soient pas là pour recevoir cette médaille. Mais je crois qu’ils ne l’auraient jamais acceptée. Pour eux, ils n’avaient fait que sauver des vies. Ca paraissait normal. Moi, j’étais jeune. J’avais seulement 9 ans quand ma mère m’a dit que nous cacherions des juifs au Petit Poirier, une maisonnette au milieu des champs…
Je me rappelle de tout. De toute cette famille qui vivait sans rien, qui ne sortait jamais. Ils avaient juste un rez-de-chaussée et un grenier où ils dormaient. La pôrte d’entrée, à double battant, était en plus recouverte d’une grosse couverture pour ne pas qu’on puisse les voir…. »

Sophie Delafontaine :

– « En Mayenne, une trentaine de familles sont reconnues pour avoir sauvé des juifs des camps de la mort.
« Mais il est bien difficile de retrouver les traces de tous les Justes »,

reconnaît Marc Betton, historien local qui a redonné vie à cette histoire.
« A Ernée, je sais que deux autres familles ont hébergé des enfants. Mais je ne retrouve pas leurs traces, les témoignages manquent… »

Une enquête bien difficile à réaliser car souvent ces Justes {plus exactement à reconnaître comme tels} qui ont « sauvé l’honneur de la France », ne se sont pas fait connaître. »
(Ouest-France, 28 décembre 2009).

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Les trois enfants Rousseau encore en vie. Jenny Laneurie avait eu à coeur de remettre à Joseph un cadre regroupant les photos de ses parents avec la copie du Diplôme et de la Médaille de Juste parmi les Nations. Quant au Maire, il a offert une superbe composition florale (Ph. Mairie Ernée / DR).

Discours de remerciement de Jenny Laneurie-Fresco :
 
– « Tout d’abord, je tiens à vous remercier Monsieur le Maire de nous accueillir aujourd’hui. Je remercie également toute votre équipe et particulièrement Madame Chrétien qui a organisé cette belle cérémonie avec l’aide d’Elizabeth Goldenberg, déléguée du Comité Français pour Yad Vashem. Merci à Monsieur Michel Harel, Ministre près l’Ambassade d’Israël, d’avoir fait le déplacement pour remettre ces médailles. Merci aussi à Marc Betton, professeur d’Histoire à Evreux, qui a réalisé un document exceptionnel sur l’histoire de la Résistance dans la région et sur celle ma famille pendant la guerre. Merci à tous de votre présence (2).

Je ne vais pas raconter ici l’histoire de notre sauvetage. Je veux dire seulement que nous avons eu la chance extraordinaire de trouver sur notre chemin des hommes et des femmes d’exception comme Pierre Le Donné, Françoise et Michel ROUSSEAU, Marie Louise et Auguste FAUQUE qui ont largement mérité le titre de Justes des Nations.

Sans eux, sans leur générosité, leur courage, leur humanité, leur bienveillance, il est absolument certain que nous n’aurions pas pu éviter une seconde arrestation et la déportation. Grace à eux, nous avons pu rester ensemble et rester en vie et nous leur en serons éternellement reconnaissants.

Nous n’oublierons jamais que 6 millions de Juifs ont été assassinés par les nazis. Je voudrais ici évoquer la mémoire de mon grand oncle Jacques FRESCO, le frère de mon grand père, celle de sa femme Rachel et de leurs deux filles Annette et Lucette de 17 et 14 ans qui, arrêtés à Reims, ont été internés à Drancy puis déportés à Auschwitz pour ne jamais revenir.

La famille de neuf personnes qui a trouvé refuge au « Domaine » et au « Petit Poirier » en compte aujourd’hui près d’une cinquantaine. Presque tous sont présents aujourd’hui. Ils n’ont avec moi qu’un seul mot à dire à Joseph pour ses parents Françoise et Michel ROUSSEAU et à ma grande soeur Suzanne pour ses parents Marie Louise et Auguste FAUQUE. Et ce mot que nous leur disons de grand cœur c’est : MERCI ».

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Suzanne Faucon-Fauque et son mari (Ph. Mairie Ernée / DR).

NOTES :

(1) Nos remerciements à Jenny Laneurie, ainsi qu’à Elizabeth et à Gérard Goldengerg, sans oublier la Mairie d’Ernée pour les documents (photographies, archives, extraits de presse) qu’ils ont confié à ce blog.

(2) De Marc Betton, Jenny Laneurie écrit :
– « Le jeune professeur d’histoire, Marc Betton, natif d’Ernée, dont il est question dans l’un de ces articles, passionné par la l’histoire de la guerre dans sa région et par celle de notre sauvetage, a réalisé un énorme travail de recherche très documenté (une cinquantaine de pages)… »
Il est l’auteur de :
« Histoire des Familles Fresco, Namer, Niégo, de Charleville à Ernée et retour, 1939 à 1945« , Ernée, 2009, 60 p.
Une prochaine page vous présentera ce travail de mémoire.