Mère Irène de Jésus, née Gabrielle Douillard, distinguée Juste parmi les Nations

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Dossier n°

Mère Irène de Jésus, née Gabrielle Douillard, distinguée Juste parmi les Nations

Ziv Nevo Kuman et Mme Wolgroth
Dimanche 5 février 2012 à Chavagnes-en-Paillers

Une commune de Justes

Chavagnes-en-Paillers a sauvé pendant l’Occupation des  dizaines d’enfants juifs. Cette petite commune de la Vendée connaît donc bien Yad Vashem qui a déjà distingué comme « Justes parmi les Nations » quatre de ses habitants, parmi les familles qui ont accueilli et caché des enfants juifs. A l’initiative de certains de ces enfants sauvés, une plaque commémorative  été apposée en 1999, place de la Mairie, en l’honneur « des habitants de Chavagnes-en-Paillers et de ses villages qui ont eu le courage d’accueillir et de protéger, de 1941 à 1944, des enfants en danger de mort parce que nés Juifs». Pour souligner cet hommage perpétuel à ces femmes et hommes d’humanité et de courage, la municipalité a renommé la « Place de la Mairie» en « Place des Justes ».

Aujourd’hui, Mère Irène de Jésus, religieuse de l’une des nombreuses congrégations catholiques de Chavagnes-en-Paillers, va être distinguée Juste parmi les Nations, à titre posthume. Elle a commencé sa vie de religieuse à Chavagnes-en-Paillers et c’est là qu’elle y a passé sa retraite et ses derniers jours (1984).

Son action

Gabrielle Douillard est entrée dans la Congrégation des Ursulines de Jésus à Chavagnes-en-Paillers, en 1921, sous le nom de Sœur Irène de Jésus. Elle se consacre à l’Education, et enseigne d’abord dans sa région. En 1942, elle se voit confier la direction de l’Institution Ste Marie, à la fois couvent et pensionnat, à Cannes. Elle devient Mère Irène de Jésus.  C’est là qu’en 1943, à la demande de Mgr Rémond, Evêque de Nice (lui-même, depuis, reconnu Juste parmi les Nations), elle accepte spontanément d’ouvrir le pensionnat à plusieurs jeunes filles juives, afin de les soustraire à la traque des Nazis et du Régime de Vichy. Un geste d’autant plus courageux que le bâtiment qui fait face à l’Institution, de l’autre côté de la rue, a été réquisitionné par la Gestapo.

Mère Irène de Jésus organise la protection de ces jeunes filles juives. Dès leur arrivée, elles sont fondues dans cet environnement catholique : elles reçoivent un nouveau nom, sont intégrées dans les classes et suivent tous les cours, y compris le catéchisme. Pour ne pas éveiller l’étonnement des autres pensionnaires, elles vont à la messe le dimanche. Mère Irène de Jésus parvient à leur procurer de fausses cartes d’alimentation, prévoit des caches sous l’estrade en cas d’inspection.

Dans ce pensionnat, une dizaine de jeunes Juives sont ainsi abritées. Parmi elles, Marion Rousso,  et sa mère Hélène Petruschka qui va donner des cours d’allemand auprès des pensionnaires. Par sécurité, leur faux nom ne laisse pas deviner leur lien de parenté, gardé secret entre les religieuses. Elles seront cachées là jusqu’à la fin de la guerre.

La demande de reconnaissance

Après la guerre, Marion et Hélène sont retournées à Paris. Le père de Marion, arrêté dès 1942 et déporté, n’est pas revenu des camps d’extermination. La vie « normale » a repris ses droits. Marion s’est mariée, a fondé une famille, et n’a pas parlé de Cannes à sa fille Renée. Pendant des années. Mais en janvier 2007, regardant avec émotion l’hommage que Jacques Chirac, au Panthéon, rendait aux Justes parmi les Nations, elle a souhaité, elle aussi, prouver officiellement sa reconnaissance envers Mère Irène de Jésus.

Elle a enfin libéré ses souvenirs et s’est confiée, des heures et des heures, à sa fille Renée. Et avec sa fille, elle a commencé la constitution du dossier de reconnaissance pour Yad Vashem, au presque terme de sa vie sur terre. C’est Renée qui a finalisé ce dossier, seule, pour sa mère et sa grand-mère.

Le 5 février 2012

A Chavagnes-en-Paillers, la cérémonie est préparée depuis plusieurs semaines, avec enthousiasme par la municipalité et les religieuses. De très nombreuses personnes sont attendues ; mais la neige  joue les trouble-fêtes, rend les routes difficiles et retarde, voire fait annuler, les trains… certains Angevins et Parisiens ne pourront venir.

 La famille  de Mère Irène de Jésus a émis le souhait de donner la médaille de Juste parmi les Nations à la congrégation de leur parente. Sœur Marie-Hélène Martin, qui représente cette congrégation dans la préparation de la cérémonie, a proposé, avec enthousiasme, d’accueillir, avec le concours de M. le Maire de Chavagnes-en-Paillers, cette cérémonie dans ses murs. La coordination entre la municipalité, la congrégation et la déléguée Yad Vashem fut remarquable, ainsi qu’avec les enfants de la commune, écoliers et collégiens, qui ont également souhaité participer.