Pechbonnieu 1940 – 1944
Vendredi 7 février, Montauban recevait Edgar Morin, sociologue, ethnologue, philosophe, bref un de nos grands penseurs contemporains, initiateur de la pensée complexe, docteur honoris causa d’une vingtaine d’universités à travers le monde. Brigitte Barèges, maire, ne s’est pas trompée sur la qualité du visiteur : « Je salue l’homme qui nous dit qu’il faut vivre la poésie », en lui remettant la médaille de citoyen d’honneur de la ville de Montauban. Après sa conférence, consacrée à la période de la résistance d’abord, puis aux dangers du monde contemporain dans une deuxième partie, Edgar Morin a dédicacé ses livres auprès d’un nombreux public, sous l’égide de la librairie La Femme-Renard. Cette visite a été l’occasion de retrouvailles singulières. En effet, en 1943, Edgar Morin avait été chargé avec Clara Malraux, par Michel Cailliau, neveu du général de Gaulle, d’organiser le MRPGD (Mouvement de Résistance des Prisonniers de Guerre et Déportés) dans la région toulousaine. Et pour ce faire, il logeait dans un village non loin de Toulouse, Pechbonnieu, où Clara, résidente régulière de la villa des Pâquerettes à Montauban, le retrouvait de temps en temps. La maison Robène, où il habitait, était le domicile de la famille Robène : le père Lucien, son épouse Blanche et leurs deux filles Lucette et Marguerite. En même temps, cette famille hébergeait et cachait d’autres résistants de plusieurs organisations différentes et des Juifs, enfants et adultes. Edgar Morin avait un adjoint qu’il aimait beaucoup, Jean Kratzat, allemand, ancien marin de Hambourg, qui avait fait la guerre en Espagne et s’était replié sur Toulouse. Pendant ses moments d’inactivité, Jean méditait en façonnant des objets, le plus souvent des têtes humaines, avec de la terre qu’il allait chercher à la briqueterie voisine. La famille Robène a toujours conservé les quelques sculptures que Jean a laissé. En juin 1944, Jean a été arrêté puis conduit à Lyon au fort de Montluc où il a été torturé, et fusillé. Il n’a jamais parlé de la cache de Pechbonnieu. C’est un visage modelé par Jean Kratzat que la famille Robène a offert à Edgar Morin qui en ignorait jusqu’à l’existence : « c’est Jean qui a fait ça ? dit-il en caressant le visage rugueux, je n’avais rien de lui ». L’émotion a été très forte aussi pour Marguerite Robène-Denègre, qui avait 12 ans en 1943, avait côtoyé ce grand jeune homme de 22 ans, et qui ne l’avait jamais revu depuis. Ces épisodes de la Résistance toulousaine ont été racontés dans le livre « La chambre de derrière », paru chez l’Harmattan en novembre 2018.
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