Dossier n°10188A - Juste(s)

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Les personnes reconnues « Justes parmi les Nations » reçoivent de Yad Vashem un diplôme d'honneur ainsi qu'une médaille sur laquelle est gravée cette phrase du Talmud : « Quiconque sauve une vie sauve l'univers tout entier ». Il s’agit de la plus haute distinction civile de l’état d’Israël. Au 1er janvier 2021, le titre avait été décerné à 27921 personnes à travers le monde, dont 4150 en France. Cependant le livre des Justes ne sera jamais fermé car nombreux sont ceux qui resteront anonymes faute de témoignages.Reconnus ou non, ils incarnent le meilleur de l'humanité. En effet, tous ont considéré n'avoir rien fait d'autre que leur devoir d'homme. Ils serviront de phares et de modèles aux nouvelles générations.

Allée des Justes à Paris
Allée des Justes à Jérusalem

Les Justes

Simonne (Tenenboim) Nugeyre

Année de nomination : 2004
Date de naissance : 24/02/1905
Date de décès : 26/04/1994
Profession : Dactylographe dans une entrepise de bonneterie
    Localisation Ville : Paris (75009)
    Département : Paris
    Région : Ile-de-France

    Lieu de mémoire

    L'histoire

    Simonne Nugeyre, séparée de son mari, habitait Paris et travaillait dans une usine de tricotage. Eugénie Cerclet, veuve, gérait un home de personnes âgées à Janville-sur-Juine (Essonne). Elle y résidait avec son fils Michel né en 1927. En 1940, les Tenenboim, famille d’origine juive, avaient quitté Paris pour rejoindre des amis à La Charité-sur-Loire. Leur fils Émile y fut scolarisé et inscrit en classe de 5ème où il se lia d’amitié avec Michel Cerclet, lui aussi replié à La Charité avec sa mère Eugénie. Les deux familles devinrent amies et restèrent en relation après leur retour à Paris. David Tenenboim, le père d’Émile, ne put reprendre son travail de tailleur et se reconvertit dans la confection d’uniformes qu’il livrait à la caserne de Reuilly. A l’occasion d’une livraison, il y rencontra Simonne Nugeyre dont l’usine fournissait aussi l’armée en chandails militaires. Le 24 septembre 1942, la police vint arrêter les Tenenboim à leur domicile familial. Seule Pesca, la mère, s’y trouvait et fut emmenée. Internée et déportée, elle fut assassinée à Auschwitz. Émile, 15 ans, et sa sœur Rosette, 12 ans, furent d’abord hébergés chez la famille Ferrari* dont le fils était un ami d’Émile. Comme ils cachaient déjà d’autres amis juifs pourchassés de leur fils, David Tenenboim s’adressa à Eugénie Cerclet qui accepta de recueillir ses deux enfants à Janville-sur-Juine où, obligée de quitter son appartement parisien, elle avait ouvert une pension de famille. Les deux jeunes furent présentés comme ses neveux. Avec Michel, ils aidaient aux travaux de la maison et suivaient comme lui des cours par correspondance, ce qui expliquait qu’ils n’allaient pas au lycée. Eugénie qu’ils appelaient «Tante Nini» les protégea jusqu’à la Libération. Entre temps, Simonne Nugeyre offrit le gîte à David Tenenboim. Elle lui apportait du travail à la maison où il resta cloîtré jusqu’à la Libération. Sa femme n’étant pas revenue de déportation, en 1953 il épousa Simonne qui par la suite adopta légalement Émile et Rosette.

    Le 15 janvier 2004, Yad Vashem – Institut International pour la Mémoire de la Shoah, a décerné à Eugénie Cerclet et à Simonne Nugeyre-Tenenboim le titre de Juste parmi les Nations.

    Le témoignage

    La famille TENENBOIM, composée des parents, d’un garçon et d’une fille, résidait au 13, rue St Lazare à Paris. En septembre 42, la maman de nationalité roumaine a été raflée. Le père était absent à ce moment là. Les deux enfants, qui avaient plus de 15 ans et qui étaient français, ont été recueillis par la famille de Pierre Ferrari, un ami d’enfance du témoin.

    A partir de cette date, la famille Ferrari n’a pu les garder et, le père, M. Tenenboim, a donc contacté la famille Cerclet, dont le fils Michel était également au lycée avec le témoin, en lui demandant de cacher ses enfants.

    Madame Cerclet a accepté. Elle a dit à l’extérieur que les enfants étaient le neveu et la nièce de son mari. Aucun des enfants, y compris le fils de Michel Cerclet (pour plus de cohérence) n’était scolarisé. Madame Cerclet a témoigné le même soin et la même vigilance pour ces deux enfants que pour son propre fils, malgré la présence des Allemands à proximité du village .

    Le père, resté à Paris, travaille à domicile pour l’armée française, comme tailleur militaire. En livrant son travail, il fait la connaissance de Madame Simone Nugeyre, employée dans le même atelier, et avec qui il se lie d’amitié.
    A la Charité s/Loire, Rosette fréquente l’école communale et son frère Émile entre au lycée en 5ème où il a pour camarade Michel Cerclet. Les deux mères se rencontrent et deviennent amies.

    Après l’armistice de 1940, les deux familles rejoignent Paris.
    Madame Tennenboïm et ses enfants retrouvent le père. Émile et Rosette fréquentent le lycée.

    Les difficultés commencent pour les juifs. Madame Cerclet s’inquiète pour cette famille et lui témoigne beaucoup de sympathie. La famille Cerclet possédait une grande maison près d’Etampes. Aidée de sa sœur, Madame Cerclet la transforme en pension de famille.

    En septembre 1942, Pesca Tennenboïm est arrêtée. Les enfants sont d’abord recueillis durant plusieurs semaines par la famille Ferrari (honorée de la Médaille des Justes le 12 mars 2003) tandis que leur père est caché par Madame Nugeyre.

    Fin 1942, il faut changer de refuge. C’est alors que Madame Nugeyre se charge de prendre contact avec Madame Cerclet, qui accueille aussitôt Émile et Rosette. Elle les gardera de fin 1942 à la libération en août 1944, les présente au maire du village comme ses neveu et nièce et les prie de l’appeler  » Tante Ninie « , nom qu’elle gardera pour eux jusqu’à la fin de sa vie.

    Traités comme des membres de la famille, ils partagèrent la vie de son fils Michel, suivant comme lui des cours par correspondance, ce qui leur permit une scolarité normale de 1942 à 1944. Madame Cerclet leur témoigna une grande affection qu’ils n’oublièrent pas, lui rendant visite après la guerre, et l’associant aux évènements heureux.

    Durant cette période, Monsieur Tennenboïm était resté caché chez Madame Nugeyre, qui fit preuve d’un grand dévouement. Elle lui procura des travaux à façon, le cacha dans un débarras à la moindre alerte, et ceci jusqu’à la Libération.

    Monsieur Tennenboïm et ses enfants purent réintégrer leur appartement de la rue St-Lazare. Ils espéraient le retour de Pesca, mais leur espoir fut vain, elle ne revint pas et son décès fut confirmé. La vie reprit, la famille continua a fréquenter Simonne Nugeyre, qui leur avait témoigné tant de sollicitude et d’affection, prenant pour elle-même de grands risques.

    En 1950, lorsque les enfants se marièrent, laissant leur père seul, ils souhaitèrent qu’il épouse cette femme admirable avec qui ils avaient tissé tant de liens. Le mariage eut lieu en 1953. Après le décès de Monsieur Tennenboïm en 1984, son épouse adopta ses enfants Rosette et Émile, ce qui fit d’eux ses ayants-droit.