Dossier n°11383 - Juste(s)

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Les personnes reconnues « Justes parmi les Nations » reçoivent de Yad Vashem un diplôme d'honneur ainsi qu'une médaille sur laquelle est gravée cette phrase du Talmud : « Quiconque sauve une vie sauve l'univers tout entier ». Il s’agit de la plus haute distinction civile de l’état d’Israël. Au 1er janvier 2021, le titre avait été décerné à 27921 personnes à travers le monde, dont 4150 en France. Cependant le livre des Justes ne sera jamais fermé car nombreux sont ceux qui resteront anonymes faute de témoignages.Reconnus ou non, ils incarnent le meilleur de l'humanité. En effet, tous ont considéré n'avoir rien fait d'autre que leur devoir d'homme. Ils serviront de phares et de modèles aux nouvelles générations.

Allée des Justes à Paris
Allée des Justes à Jérusalem

Les Justes

Année de nomination : 2008

Léonard Lajat

Année de nomination : 2008
Date de naissance : 29/09/1885
Date de décès : 05/01/1949
Profession : Charpentier, scieur

Marie Lajat Coissac

Année de nomination : 2008
Date de naissance : 22/02/1886
Date de décès : 24/03/1976
Profession : Femme de chambre
    Localisation Ville : Saint-Léonard-de-Noblat (87400)
    Département : Haute-Vienne
    Région : Nouvelle-Aquitaine

    L'histoire

    En 1944, Léonard & Marie LAJAT
    Léonard Lajat et son épouse Marie, née Coissac, habitent au coeur du Limousin, à Saint-Léonard-de-Noblat, route de Bujaleuf, avec leurs deux filles, Marie-Josèphe et Yvonne, dite Vonette.
    Léonard, homme droit et jovial avait fait la guerre de 1914-1918 dans le génie. Charpentier, il pratique son métier avec amour et s’occupe de la scierie dont il a hérité de son père.
    Marie élève ses deux filles dans le catholicisme, la générosité et le respect du prochain.

    Lorsque la guerre éclate, en 1939, Saint-Léonard-de-Noblat accueille des Alsaciens, et notamment l’ensemble de la population réfugiée de Drusenheim qui restera dans la commune jusqu’en août-septembre 1940.
    Marie et Léonard Lajat hébergent la famille Dreyfus durant quelques semaines.

    En 1942, la famille Marguliès, des juifs naturalisés français de Paris, cherchent à se réfugier en zone sud.
    Jacques Marguliès est médecin. Engagé au front, il avait été fait prisonnier puis libéré et avait rejoint à Paris son épouse, Sarah Marguliès, et leur fille Diane.
    En 1942, Jacques parvient à passer la ligne de démarcation et s’installe à Limoges où, grâce à un patient, il trouve un travail de représentant. Diane, munie de faux papiers, vient rejoindre son père, cachée dans un groupe d’enfants pris en charge par la Croix-Rouge. Sarah arrive un mois plus tard.
    Limoges est peu sûr. Une amie les adresse alors aux Lajat qui habitent à 20 km, à Saint-Léonard.
    La famille les accueille chaleureusement et les installe dans un petit deux pièces libre au rez-de-chaussée.
    Ils sont rejoints par Rachel Misès, la mère du docteur Marguliès et trois mois plus tard la famille Max Misès vient également les rejoindre. Les Misès occuperont le petit deux pièces à l’étage.

    Max Misès avait émigré de Roumanie en France en 1919 et poursuivit des études d’ingénieur. Il est naturalisé français en 1928 et épouse en seconde noce Honora, née Stern. De cette union naîtra Liane, leur fille unique. Ils habitent à Colombes dans la banlieue parisienne. Max Misès trouve un emploi d’ingénieur aéronautique.
    Dès le début de la guerre, Max Misès envoie son épouse, Honora, et la petite Liane en Bretagne chez une vieille paysanne qui prendra soin d’elles durant trois mois.
    Durant la débâcle, l’usine aéronautique est déplacée à Marignane et Max Misès s’installe à Marseille et fait venir sa femme et sa fille. Ils y resteront quelques mois.
    Lorsqu’il leur faut se faire recenser, Max Misès se voit apposer le tampon JUIF sur sa carte d’identité et s’empresse de trouver des faux papiers. Marseille devient dangereux. Max et Honora décident alors de partir rejoindre Jacques Marguliès, un cousin de Max, réfugié avec sa famille à Saint-Léonard-de-Noblat.

    Max Misès et Jacques Marguliès aident Marie Lajat à couper du bois et toute la famille se rend utile du mieux qu’elle peut.
    Les Lajat sympathisent avec les deux familles et les deux fillettes âgées de 11 ans, Diane Marguliès et Liane Misès. Les familles partagent des moments d’amitié et goutent les desserts confectionnés par l’une ou par l’autre et chaque fois que Léonard Lajat ouvre une bouteille de sa réserve, il répète rituellement « Encore une que les boches n’auront pas ! ».
    Ils font de longues promenades dans la campagne et dans les bois à la recherche de châtaignes et de champignons.

    En septembre 1942, Diane et Liane font leur entrée au Collège Moderne de jeunes filles, dirigé par Germaine Lalo (qui sera nommée Juste parmi les Nations en 1994 pour avoir caché de nombreuses jeunes filles juives).
    Au collège, le professeur d’histoire-géographie, Mme Billerey, leur donne la clé d’une sortie de secours, au cas où…

    En novembre 1942, les Allemands occupent toute la France.
    Il faut trouver un abri. Les voisins savent que les hôtes des Lajat sont juifs. C’est ainsi que Léonard Lajat a l’idée de construire une cache dans la cave. Il s’agit d’une fausse cloison, doublant un mur préexistant, à un mètre de celui-ci. La cloison et la porte sont recouvertes de briques, la porte se ferme de l’intérieur et se confond avec la cloison. Pour plus de sécurité, Léonard Lajat met au point un système électrique d’alerte entre le portail et l’entrée de la maison. La cache est équipée d’un banc, de l’eau et du pain.
    Max Misès et Jacques Marguliès assument quant à eux des tours de garde, nuit et jour, de la fenêtre du grenier donnant sur la route.

    Au printemps 1943, alors que les rafles s’accentuent, les deux familles se cachent derrières les volets fermés et les Lajat font croire au voisinage qu’ils sont partis. Diane et Liane ne vont plus au collège.
    Max reçoit en sous-main des petits travaux de calculs pour des avions civils envoyés par un collègue résistant, M. Mouchet. Cela permet à la famille de survivre. Jacques Marguliès rejoindra le maquis, laissant sa famille en sécurité.

    Marie-Josèphe est chargée du ravitaillement pour les trois familles. Il doit se faire en dehors de la ville pour ne pas éveiller les soupçons. Elle se rend à vélo dans des villages éloignés deux à trois fois par semaines et réussit toujours à passer entre les patrouilles allemandes et le maquis.

    Roger, le fils de Max Misès issu d’un premier mariage leur rend visite. D’autres viennent parfois pour une nuit ou plus chez les Lajat : deux jeunes juifs, Jacky et Élie, des maquisards…

    Lorsque la France est libérée, chacun peut rentrer chez soi.
    Max Misès rentre à Paris au bureau d’études de Dassault où il fera toute sa carrière. La famille Marguliès rentre elle aussi à Paris.
    Honora et Liane resteront chez les Lajat jusqu’à l’automne 1945.

    Les liens d’affection entre les familles liées à tout jamais perdurent encore aujourd’hui.
    Liane viendra passer ses petites vacances chez les Lajat et dès que Max a un petit congé, il embarque Honora et Liane dans sa voiture et roule jusqu’à Saint-Léonard, embrasser « les siens ».

    Liane évoquant les Lajat précise : « La générosité et la simplicité avec lesquelles la famille Lajat nous accueillit, en se mettant en grand danger elle-même, m’ont donné très fort le sentiment d’adhésion à ce pays. Malgré les exactions de quelques-uns, j’ai appris à me sentir de cette culture-là. Ma dette reste immense et ne sera jamais effacée » et Diane d’ajouter : « Ils ont pris des risques personnels énormes parce qu’ils étaient ce qu’ils étaient ».

    Le 7 octobre 2008, l’Institut Yad Vashem de Jérusalem a décerné le titre de Juste parmi les Nations à Monsieur léonard Lajat et son épouse Marie.

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