Dossier n°11878 - Juste(s)

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Les personnes reconnues « Justes parmi les Nations » reçoivent de Yad Vashem un diplôme d'honneur ainsi qu'une médaille sur laquelle est gravée cette phrase du Talmud : « Quiconque sauve une vie sauve l'univers tout entier ». Il s’agit de la plus haute distinction civile de l’état d’Israël. Au 1er janvier 2021, le titre avait été décerné à 27921 personnes à travers le monde, dont 4150 en France. Cependant le livre des Justes ne sera jamais fermé car nombreux sont ceux qui resteront anonymes faute de témoignages.Reconnus ou non, ils incarnent le meilleur de l'humanité. En effet, tous ont considéré n'avoir rien fait d'autre que leur devoir d'homme. Ils serviront de phares et de modèles aux nouvelles générations.

Allée des Justes à Paris
Allée des Justes à Jérusalem

Les Justes

Pierre François

Année de nomination : 2010
Date de naissance : 05/01/1907
Date de décès : 26/07/1986
Profession : Commissaire National des Eclaireurs de France

Elisabeth (Risler) François

Année de nomination : 2010
Date de naissance : 02/04/1905
Date de décès : 20/08/1989
Profession : Cheftaine aux Eclaireurs de France
    Localisation Ville : Vichy (03200)
    Département : Allier
    Région : Auvergne-Rhône-Alpes

    L'histoire

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Juillet 1940 : en quelques jours, Vichy est devenue la capitale politique de la France (*)  où une société hétéroclite, qui a  fui Paris occupé, tente tant bien que mal de retrouver ses marques dans un gigantesque désarroi et une immense pagaille. C’est au cœur du collaborationnisme que va se dérouler un des sauvetages des plus inattendus  de l’occupation. 

    Rien ne pouvait quelques mois plus tôt laisser deviner que les chemins de deux couples d’éclaireurs de France (mouvement de scoutisme laïque) -Élisabeth et Pierre FRANÇOIS ainsi qu’’Henriette et René DUPHIL – allaient croiser ceux de trois jeunes filles juives Lise, Françoise et Annette DENNERY, dont ils allaient changer le destin. 

    Pierre FRANÇOIS, centralien, né à Lyon en 1907, était Commissaire National des Éclaireurs de France ; son épouse, Élisabeth, née RISLER, était Commissaire régionale de la Fédération Française des Éclaireuses .Quand Pierre, mobilisé en 1939 fut fait prisonnier, il s’évada et rejoignit Vichy où Élisabeth, propriétaire avec son frère Jean-François, du Pavillon Sévigné, avait dû se replier dans trois pièces du rez-de-chaussée de son hôtel, le reste du bâtiment ayant été réquisitionné pour loger le chef de l’État.. 

    A  l’arrière du pavillon, les FRANÇOIS purent cependant récupérer un petit local, pour y installer le bureau des EDF qui, ayant quitté Paris lors de l’invasion allemande, cherchaient à se replier en zone sud. Ainsi se retrouva et s’installa à Vichy une grande partie de l’équipe nationale des Éclaireurs, dont, entre autres, Henriette et René DUPHIL. 

    Révoltés par l’injustice et l’intolérance du nouveau régime, certains d’entre eux, sous couvert de leur mouvement, s’efforcèrent de venir en aide à des juifs ou à des réfractaires au STO qui tentaient d’échapper aux poursuites de l’occupant. Lorsque les Éclaireurs Israélites de France furent interdits en novembre 1941 en tant qu’organisation juive non cultuelle, il les aidèrent à se regrouper dans les maquis du Tarn pour former l’organisation clandestine de « la sixième » qui allait sauver des milliers d’enfants et participer aux opérations de Libération. 

    En septembre 1940, arrivait à Vichy, avec sa famille, Sylvain André DENNERY, un financier parisien juif, originaire de l’est de la France, qui avait quitté Paris dès l’invasion allemande. Il avait choisi cette destination,  parce que c’était là que se traitaient désormais les affaires dont il avait la charge. Comme l’exigeaient les lois anti-juives de septembre 1940, il s’était fait recenser et avait obtenu le permis de séjour qu’un statut spécial à la ville permettait aux juifs d’obtenir quand ils  pouvaient justifier de cinq générations d’ancêtres de nationalité française. En revanche, n’étant pas autorisé à travailler, il avait tourné la difficulté en continuant à gérer  son portefeuille, avec la complicité d’un prête-nom aryen. 

    Jusqu’à  novembre 1942, avant que la  zone sud passe sous commandement allemand,  la famille mena une vie relativement normale. Monsieur DENNERY se rendait chaque jour au bureau tandis que ses trois filles, Lise, Françoise et Annette, avaient repris  dès leur arrivée,  le fil de leurs études au collège de Cusset (banlieue de Vichy), Très vite cependant,  un lycée ayant été ouvert dans le parc de la ville pour répondre aux besoins des nouveaux arrivants, elles purent être scolarisées sur place. Par ailleurs elles étaient inscrites aux Éclaireuses de France, dont la cheftaine était Élisabeth FRANÇOIS dite « Loutre ». 

    Dès l’arrivée des allemands, les poursuites et les arrestations s’intensifièrent et, sous une fausse identité, les DENNERY partirent  se cacher au  Mayet de Montagne. Pour ne pas éveiller les soupçons des habitants qui ignoraient ses origines, le chef de famille se rendait chaque matin à la gare feignant d’aller travailler en ville, puis rentrait discrètement chez lui, pour recommencer le soir venu, le stratagème inverse. Lise, la fille aînée qui, en produisant les états de service de son père avait obtenu une dérogation au numerus clausus imposé aux étudiants juifs, commença ses études de pharmacie à Clermont-Ferrand. Françoise et Annette, les deux plus jeunes entrèrent comme pensionnaires au collège de Cusset. 

    Seule Annette, la benjamine, du fait que les cartes d’identité n’étaient exigibles qu’à partir de treize ans, pouvait circuler sans risques. C’est donc elle qui se rendait chaque mois, la peur au ventre, chercher à Vichy les cartes d’alimentation que lui remettait l’épouse d’un employé du Pavillon Sévigné, Lucien Lizaraga, et qui allait au cabinet où avait travaillé son père chercher un peu d’argent. Elle reprenait le train pour  le Mayet de Montagne, le précieux butin caché sous sa jupe. 

    Le 25 novembre 1943, le danger atteignit son point culminant lors de la grande rafle de Clermont-Ferrand au cours de laquelle les allemands arrêtèrent à la Faculté et au Foyer Universitaire plus de mille personnes, dont un grand nombre furent fusillées sur place et d’autres déportées. 

    Affolé, Monsieur DENNERY quitta sa cachette le temps de réunir ses enfants piégées dans une région strictement contrôlée et gardée par la police et de les mettre en lieu sûr.  

    C’est Élisabeth FRANÇOIS-RISLER qui se proposa spontanément pour organiser une chaîne de solidarité avec des Éclaireurs de France dont elle connaissait la fidélité qu’ils attachaient à « leur engagement de respect fondamental de l’homme dans sa diversité et de lutte contre toutes les formes de discrimination et d’intolérance »   

     – Lise, 19 ans, devenue la nurse des enfants de Jean-François RISLER , son frère, habitait avec eux le Pavillon Sévigné et croisait parfois…….. le Maréchal Pétain en personne, qui un jour s’enquit auprès d’elle de savoir si « les enfants avaient bien dormi »  !! ! 

    – Françoise, 17 ans, trouva asile dans la famille BASDEVANT dont les ayants droit, désireux de respecter la discrétion de leurs parents, n’ont pas souhaité que leur généreuse attitude soit honorée. 

    – Quant à Annette, 14 ans, qui n’était encore qu’une jeune adolescente, elle fut accueillie par les DUPHIL, sous le nom de Jeannette Le Touzé,  comme une enfant de leur propre famille, tout en continuant d’assurer les liaisons avec les différents membres de sa famille . 

    Quand la chute du Reich devint imminente, redoutant les combats qui allaient inévitablement toucher Vichy, les FRANÇOIS quittèrent la ville pour se mettre à l’abri dans une grande maison qu’ils avaient louée à Saint-Étienne de Vicq, petit village voisin où habitaient leurs amis éclaireurs, Marie-Thérèse et Fernand BOUTEILLE. C’est là que Lise, Françoise et Annette, cachées dans les buissons, virent les armées allemandes commencer leur retraite et que quelques semaines plus tard elles fêtèrent avec leurs sauveurs, leur liberté retrouvée. 

    Dans la demande de Médaille des Justes qu’a adressée à Yad Vashem, le Docteur Annette JACOB-DENNERY, on peut lire : « A l’heure où les survivants  de la période de l’occupation se font rares et avant de disparaître moi-même, je tiens à renouveler ma  reconnaissance aux trois familles de cadres des Éclaireurs de France qui on pris le risque de nous cacher, mes sœurs et moi,  à Vichy ».précisant dans son témoignage que ses sauveurs, en liaison avec les réseaux du Chambon-sur-Lignon, avaient porté secours , parfois à leurs frais, à d’autres enfants en péril (notamment à Nicole Lehmann, à sa petite sœur de six ans et à Alain et Martine Wolff).  

    Mais aucune conclusion ne saurait mieux exprimer la courageuse détermination des Éclaireurs de France que la lettre écrite à Annette en 1994 par Henriette DUPHIL    : 

    «  C’est le fait d’appartenir au groupe des Eclaireurs de France qui nous a donné sous Vichy, l’occasion d’entrer plus facilement que d’autres en contact avec des amis particulièrement menacés. Nous avons fait partie de ceux qui, ensemble, trouvaient la force de pratiquer cette solidarité au moment voulu, et bien entendu dans le plus grand secret : c’était une question de vie ou de mort pour tous. Seuls nos dirigeants qui allaient des uns aux autres savaient la vérité, aidant à une action commune. »

    le 28 juin 2010, Yad Vashem – Institut International pour la Mémoire de la Shoah, a décerné à Pierre et Élisabeth François, le titre de Juste parmi les Nations.

     

    (*) Au début du mois de juin 1940, devant l’avancée des troupes allemandes, le gouvernement français, redoutant la destruction de Paris, déclarait la capitale « ville ouverte » et se retirait à Bordeaux. Dès son arrivée, Paul Reynaud, Président du Conseil  remettait sa démission au Président Albert Lebrun, qui chargeait le Maréchal Pétain de former un nouveau gouvernement, dont fit partie Pierre Laval, député-maire  socialiste d’Aubervilliers, passé à la droite parlementaire à la fin de la guerre de 14/18. 

    Le 22 juin 1940, l’Armistice signé à Rethondes scellait  la victoire allemande et la défaite de la France désormais  coupée en deux par une ligne de démarcation infranchissable : le nord  de la Loire et les régions côtières du nord et de l’ouest se trouvaient sous l’’autorité allemande et la plus grande partie du sud, formait une zone dite libre.  

     Bordeaux étant en zone occupée, il fallut quitter en toute hâte la Gironde. Pour se rapprocher de sa résidence de Châteldon où il avait une vaste propriété, Pierre Laval, originaire d’Auvergne,  plaida pour sa région et, à son instigation, le monde politique se dirigea vers Clermont-Ferrand. Faute d’infrastructure hôtelière, la préfecture du Puy de Dôme se révéla vite incommode et on lui préféra Vichy qui, à cinquante kilomètres de là, offrait les avantages d’une agréable station thermale. 

    Le 10 juillet, installée dans le Casino de la ville, la Chambre des Députés et le Sénat, réunis en Assemblée nationale,  déléguaient les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain mettant ainsi fin implicitement à la troisième République..  

    Les médias externes :







    Mis à jour il y a 4 jours.