Dossier n°11973 - Juste(s)

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Les personnes reconnues « Justes parmi les Nations » reçoivent de Yad Vashem un diplôme d'honneur ainsi qu'une médaille sur laquelle est gravée cette phrase du Talmud : « Quiconque sauve une vie sauve l'univers tout entier ». Il s’agit de la plus haute distinction civile de l’état d’Israël. Au 1er janvier 2021, le titre avait été décerné à 27921 personnes à travers le monde, dont 4150 en France. Cependant le livre des Justes ne sera jamais fermé car nombreux sont ceux qui resteront anonymes faute de témoignages.Reconnus ou non, ils incarnent le meilleur de l'humanité. En effet, tous ont considéré n'avoir rien fait d'autre que leur devoir d'homme. Ils serviront de phares et de modèles aux nouvelles générations.

Allée des Justes à Paris
Allée des Justes à Jérusalem

Les Justes

Année de nomination : 2010

Roland Boulas

Année de nomination : 2010
Date de naissance : 18/05/1909
Date de décès : 12/03/1983
Profession : Employé municipal (menuisier)

Jeanne (Lejars) Boulas

Année de nomination : 2010
Date de naissance : 10/01/1909
Date de décès : 23/04/2002
Profession : Sans profession
    Localisation Ville : Orléans (45000)
    Département : Loiret
    Région : Centre-Val de Loire

    L'histoire

    Jeanne BOULAS
    En 1934, lorsque Tuba Dorfman vient au monde en Roumanie,  Bucarest est encore une ville libre et animée. Dans un foyer aimant où l’attendent deux grandes sœurs (Paulette 9 ans et Betty 7 ans),  son avenir s’ouvrirait sous d’heureux auspices si le pays, en  proie à une grave crise économique ne subissait la montée de la « Garde de Fer », mouvement nationaliste, antisémite, xénophobe et totalitaire qui allait porter au pouvoir le général Antonescu, allié d’Hitler dès la rupture du pacte germano-soviétique en juin 1941.

    En 1938, sa mère saisit l’opportunité d’un voyage touristique pour quitter subrepticement  le pays  afin de rejoindre avec ses enfants, son mari Kopel, parti à Paris en éclaireur. Avec la fraîcheur  de l’enfance, Tuba évoque en quelques flashes sa découverte de l’Italie et de la France, la pension de Neuilly où elle et ses sœurs apprennent rapidement le français, les cours de danse, les rires et les chansons avec les parents…… Puis, c’est une brève étape en Belgique,  interrompue par l’arrivée des troupes ennemies qui rattrapent rapidement la famille revenue à Paris. Les ressources se sont épuisées et on tente d’échapper aux lois de Vichy. Cependant Tuba écrit : « Nous sommes très joyeuses. Du moment que nous sommes ensemble, rien ne peut nous arriver ».(*1)

    Pourtant, en 1942, Kopel est pris dans une rafle : jamais on ne le reverra. Sa femme attend son quatrième enfant.  Au printemps 1943, tandis qu’elle accouche sous X de Claude, un garçon,  à l’hôpital de Saint- Maurice, elle a placé ses deux plus jeunes filles dans une œuvre de la rue Lamarck qui recueille les enfants de déportés. Un jour où Tuba rentre de l’école, Betty n’est plus là. La police est venue la chercher avant d’aller arrêter Paulette au domicile de la famille où elle était restée. Les deux sœurs partent ensemble vers l’enfer d’Auschwitz.

    « La tristesse a totalement envahi ma vie. Rien ne fut plus pareil. Mon enfance a fui à jamais avec l’absence de Betty…….Elle aimait bien jouer avec moi. Elle faisait le pitre et moi je ne demandais que cela ! Elle  prenait le balai dans ses bras comme si c’était son amoureux.  Elle lui parlait, dansait avec lui, tournoyait dans la cuisine pendant que je riais aux éclats. »

    C’est un bref instant de bonheur  pour Tuba lorsque sa  mère sort de l’hôpital et vient la chercher pour se rendre chez le père Devaux (*2). La petite fille a neuf ans.

    « Maman me dit qu’elle ne peut pas me garder et qu’elle va me laisser chez un curé. Qu’il va s’occuper de moi. J’étais triste, mais je ne me suis pas révoltée, je  comprenais que c’était une question très grave de vie ou de mort…  Nous sommes entrées dans un presbytère, l’odeur était particulière et il régnait un calme inhabituel…. Je me serrais contre ma mère. Je savais qu’elle devait me laisser là et l’angoisse m’étreignait.

    Un homme est apparu. Il me semblait très grand et corpulent, il était vêtu de noir. Il portait une grande barbe blanche et parlait avec douceur, sans élever la voix.  Je ne me rappelle pas ce qu’il a dit à ma mère. Je sais que subitement maman n’était plus là. Peut-être pensait-elle qu’il valait mieux partir vite pour m’éviter de m’arracher à elle ? Aussitôt le brouillard m’a entourée. Il me semblait que je  flottais au-dessus de nous et que j’observais de loin comme si j’étais un peu morte.

    Le Père s’est penché vers moi. Il m’a regardée et il m’a dit : «  A partir d’aujourd’hui tu t’appelles Annie Menier. Jamais tu ne dois dire un autre nom. Jamais ton vrai nom ! Et pense Menier comme le chocolat ! Ce soir, tu vas dormir ici. Demain une dame va venir te chercher et tu vas prendre le train pour aller à Orléans. Ensuite une famille va s’occuper de toi. Ne pleure pas, tout va bien aller ». Il m’a entourée de ses bras et m’a embrassée sur la tête.

    Le lendemain matin, une dame était près de moi. Elle parlait doucement. Je ne me rappelle pas de son visage. Nous sommes parties rapidement prendre le train pour Orléans. Dans le train je regardais le paysage sans voir. J’étais une autre, je n’avais plus le même nom. Je n’avais plus de famille. Je ne savais pas qui était cette femme près de moi ; je ne savais pas où j’allais. Je n’existais plus.

    Puis elle m’a confiée à  une vieille dame aux cheveux blancs qui m’a dit que je devais partir avec elle.  Elle m’emmenait chez sa fille qui était malade. C’est ainsi que je me suis retrouvée dans la famille BOULAS.

     Jeanne et Roland BOULAS habitaient avec leurs quatre enfants (Roland, Jacky, Josiane et Claudine) un logement de fonction, situé rue du Réservoir à Orléans,  mis à leur disposition par le Service des Eaux où travaillait le père de famille.  A l’arrivée de Tuba – désormais Annie – la mère et sa plus jeune fille avaient la scarlatine et la grand-mère, Marie Léjard, était venue prêter main forte.

    Les BOULAS connaissaient parfaitement les risques qu’ils encouraient en répondant à l’appel du Père DEVAUX ; ils avaient organisé le secret autour de leur protégée et craignaient de ne pouvoir apprivoiser cette petite fille silencieuse, refermée sur elle-même, qui ne répondait jamais à aucune question. Petit à petit cependant, Annie se mêla aux jeux des enfants de la maisonnée, partit à l’école avec Josiane son aînée d’un an, prit confiance en ses hôtes et s’attacha à eux. 

    Le 15 Décembre 2010,  l’Institut Yad Vashem de Jérusalem a décerné le titre de Juste parmi les Nations à Monsieur Roland Boulas et son épouse Jeanne.

    Documents annexes

    Article de presse - Revue Reflets du Loiret 01/2012Article de presse – Revue Reflets du Loiret 01/2012
    1 novembre 2013 09:22:18
    Invitation cérémonie BoulasInvitation cérémonie Boulas
    24 octobre 2012 09:16:51

    Articles annexes

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