Dossier n°14090a - Juste(s)

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Les personnes reconnues « Justes parmi les Nations » reçoivent de Yad Vashem un diplôme d'honneur ainsi qu'une médaille sur laquelle est gravée cette phrase du Talmud : « Quiconque sauve une vie sauve l'univers tout entier ». Il s’agit de la plus haute distinction civile de l’état d’Israël. Au 1er janvier 2021, le titre avait été décerné à 27921 personnes à travers le monde, dont 4150 en France. Cependant le livre des Justes ne sera jamais fermé car nombreux sont ceux qui resteront anonymes faute de témoignages.Reconnus ou non, ils incarnent le meilleur de l'humanité. En effet, tous ont considéré n'avoir rien fait d'autre que leur devoir d'homme. Ils serviront de phares et de modèles aux nouvelles générations.

Allée des Justes à Paris
Allée des Justes à Jérusalem

Les Justes

Alexandre Therouin

Année de nomination : 2021
Date de naissance : 24/08/1904
Date de décès : 05/01/1987
Profession : Agriculteur

Madeleine (Lesault) Therouin

Année de nomination : 2021
Date de naissance : 31/10/1906
Date de décès : 05/01/1994
Profession : Agricultrice
    Localisation Ville : Saint-Maixent (72320)
    Département : Sarthe
    Région : Pays-de-la-Loire

    L'histoire

    Dora Gersten est née à Ternow en Pologne. Elle se marie à Ternov en 1926. Berthe (Basha), son premier enfant nait en 1927 et Bella (Baltsha) en 1928.
    En 1933, alors qu’elle vient de divorcer, Dora quitte la Pologne avec ses filles pour aller vivre à Paris. Dora est couturière. De 1933 à 1942, elles vont connaître les affres de l’exclusion progressive des Juifs de toute activité sociale et économique et vivre dans la crainte permanente d’être arrêtées. En juillet 1942, elles le sont brutalement lors de la rafle du Vel d’Hiv. Par miracle, Dora évitera la déportation car l’usine GRUNDEL où elle travaillait (fabrique d’uniformes allemands) vient rechercher ses ouvriers pour faire face à une grosse commande. Privée de son permis de travail quelques temps après, elle vit la terrible année 1942 dans l’angoisse et la peur. C’est M. Firstenberg, contremaître dans la même usine qui parviendra, grâce à une organisation clandestine de secours juifs, à faire partir ses filles à la campagne. Dora les rejoindra lorsqu’elle sentira que sa survie est quasiment impossible à Paris.
    C’est début 1943 que Bella part seule en train de Paris pour la Sarthe. Elle est récupérée à la gare par un certain M. Carbin qui l’amène chez des aubergistes, M. et Mme Rouillon et leur fils de 15 ans. Berthe rejoindra sa soeur peu de temps après. Malheureusement, des gendarmes, qui enquêtent sur un vol d’argent, se rendent à l’auberge et découvrent par hasard les jeunes filles. Berthe et Bella ne sont pas suspectées d’être juives, mais il est interdit d’accueillir des réfugiés étrangers sur un lieu de travail. Leur mère reçoit donc un courrier lui intimant de placer ailleurs ses enfants. Dora se rend donc dans la Sarthe en train, au risque d’être arrêtée. A peine revenue à Paris après avoir trouvé un nouveau lieu d’accueil pour ses filles, elle reçoit une lettre anonyme lui demandant de les placer encore ailleurs car elles risquent d’être dénoncés et livrées aux autorités. Il a été prouvé par la suite que cette lettre avait été envoyée par le fils de 15 ans de M. et Mme Rouillon.
    Dora retourne donc dans la Sarthe et parvient à placer filles chez Mme Marguerite Avignon à Montmirail. Elle vit avec sa fille Madeleine, son beau-fils Fernand Riet et leurs deux enfants Jean-Yves et Marie-France. Les filles y seront accueillies et leur mère viendra vivre avec elles jusqu’à la fin de 1943.
    Mme Avignon et sa fille vivent au 1er étage séparé en deux parties, une pour Mme Avignon et une pour la famille Riet. Au rez-de-chaussée, un autre appartement est utilisé par les jeunes-filles. Les repas sont pris ensemble, mais les filles ne sortent pas de la maison qui se trouve à proximité de la Kommandantur.
    À la suite de rumeurs qui indiquent qu’ « à Montafilant des gens sont cachés », Mme Avignon cherche une autre famille pour les deux jeunes-filles. Elle les emmène chez Mme Lemercier, dans une ferme à proximité. Puis à la ferme de M. et Mme Poirier, parents de Mme Lemercier.
    Dora reçoit des tickets de rationnement grâce à une filière parisienne. Mais un jour, cela devient impossible. C’est un maitre d’école, connaissance de M. Poirier, qui va les aider et leur en fournir.
    Dora cherche un lieu plus sûr où elle pourrait vivre avec ses filles. M. Poirier leur présente Mademoiselle Marie qui possède un grand domaine près de Saint-Maixent dans lequel il y a un petit pavillon proche des bois. Dora loue le pavillon et trouve du travail grâce à M. Poirier auprès des villageois en tant que couturière.
    C’est finalement la famille Thérouin qui proposera à Dora et ses deux filles de venir habiter chez eux, ce qu’elles feront jusqu’à la fin de la guerre. Alexandre et Madeleine Thérouin ont 6 enfants. Dora et ses filles vivent dans un petit cabanon nommé « Bel Air » qui se trouve à 2-3 kilomètres de la ferme principale. Tous les jours Dora fait le chemin pour aller faire ses travaux de couture chez les Thérouin, car elle n’a plus sa propre machine à coudre qu’elle a dû vendre. Chez les Thérouin, elle est témoin de réunions et de conversations qui lui font comprendre que M. Thérouin est engagé dans la  Résistance.
    Les mois qui précèdent la libération sont extrêmement instables et dangereux, car la Sarthe est traversée par des milliers de soldats allemands qui battent en retraite, avides de vengeance.
    Enfin arrive la nouvelle de la Libération de Paris. Dora et ses filles y retournent sans attendre. Leur logement est occupé par des personnes qui ne veulent pas le leur rendre. C’est encore Monsieur Firstenberg qui les aidera. En 1951, elles émigreront en Australie. Berthe se mariera avec Henri Goldwasser et aura 4 enfants. Bella épousera Szoel Shmerling et aura également 4 enfants.
    Ce n’est qu’en 2003 que le contact avec les Avignon et les Thérouin sera rétabli. En 2004, Bella organisera une rencontre sur les lieux de leur sauvetage, ainsi qu’en 2012.

    Le 24 mai 2021, Yad Vashem – Institut International pour la Mémoire de la Shoah, a décerné à Marguerite Avignon et à Alexandre Thérouin et Madeleine Thérouin Lesault, le titre de Juste parmi les Nations.