Dossier n°14100 - Juste(s)

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Les personnes reconnues « Justes parmi les Nations » reçoivent de Yad Vashem un diplôme d'honneur ainsi qu'une médaille sur laquelle est gravée cette phrase du Talmud : « Quiconque sauve une vie sauve l'univers tout entier ». Il s’agit de la plus haute distinction civile de l’état d’Israël. Au 1er janvier 2021, le titre avait été décerné à 27921 personnes à travers le monde, dont 4150 en France. Cependant le livre des Justes ne sera jamais fermé car nombreux sont ceux qui resteront anonymes faute de témoignages.Reconnus ou non, ils incarnent le meilleur de l'humanité. En effet, tous ont considéré n'avoir rien fait d'autre que leur devoir d'homme. Ils serviront de phares et de modèles aux nouvelles générations.

Allée des Justes à Paris
Allée des Justes à Jérusalem

Les Justes

Maria Célestine Batut Tardivel

Année de nomination : 2022
Date de naissance : 08/09/1889
Date de décès : 26/03/1963
Profession : Cuisinière

Pierre Batut

Année de nomination : 2022
Date de naissance : 01/06/1886
Date de décès : 16/03/1969
Profession : Employé (Régie Autonome des Transports Parisiens)
    Localisation Ville : Châtillon-sur-Loire (45360)
    Département : Loiret
    Région : Centre-Val de Loire

    L'histoire

    Maria et Pierre Batut

    Le père Elie Vadrarue est né en 1907 et est venu de Harlo en Roumanie vers 1928 après avoir obtenu un diplôme de mécanicien. La mère Pessa Laja Szumacher est née en 1907 en Pologne à Anapol.

    Leur fille, Hélène naît le 14 juillet 1930 à Paris. La famille s’installe à Saint-Ouen et se spécialise dans la réparation d’appareils ménagers d’occasion qu’Elie répare lui-même tandis que Laja s’occupe du nettoyage et de la vente. Ils font garder leur fille Hélène, et en 1932 la confient à Pierre et Maria Batut qui habitent à Pierrefitte, en banlieue parisienne. Les Batut ont une fille prénommée Renée.

    Pierre Batut, né en 1889, intègre la TCRP (actuelle RATP) où il est receveur. De santé fragile car elle souffre d’asthme et d’emphysème, Maria a arrêté de travailler assez vite et prend des enfants en pension pendant les vacances scolaires.

    Accueillie à l’âge de 2 ans et demi dans cette famille si attentive et aimante, Hélène n’a pas tardé à les appeler papa et maman, pour faire comme leur fille Renée. Ainsi, ses parents biologiques sont vite devenus « Papa Elie » et « Maman Paulette » (francisation de Pessa).

    A l’été 1937, Pierre Batut prend sa retraite et avec sa famille, s’installe à Châtillon-sur-Loire dans le Loiret. Maria continue de s’occuper de Hélène dont les parents viennent lui rendre visite une fois par mois. Devant la maison, il y a un petit jardin où Pierre fait pousser quelques légumes et herbes aromatiques et construit quelques clapiers pour élever des lapins et un petit carré de jardin servira de poulailler.

    Elie Vadrarue s’engage volontaire pour la France en 1939 , il est sur le front en première ligne faisant partie de la Légion étrangère. Il est fait prisonnier et est envoyé dans un stalag.

    Pendant la période de l’occupation allemande, les Batut restent à Châtillon-sur-Loire. Hélène va à l’école. Pierre cultive son jardin pour les légumes, essentiellement des pommes de terre et des rutabagas. Toujours très courageux, il s’improvise bûcheron et achète des arbres en forêt pour les abattre et les débiter. Il fait aussi quelques travaux dans les fermes pour être payé en marchandises.

    De son côté, Laja Vadrarue essaie de se procurer quelques denrées qu’elle trouve au marché noir et qu’elle envoie à son frère et à son mari, prisonniers de guerre. Elle continue seule son commerce d’appareils ménagers d’occasion à Saint-Ouen. Puis il est interdit aux Juifs de travailler et d’avoir un commerce.

    Complètement désespérée, Laja envisage de faire venir sa fille. C’est ainsi que le 20 septembre 1942, Hélène débarque gare de Lyon  avec Maria.

    Le matin du 24 septembre 1942, on frappe à la porte. C’est un agent de police venu emmener Laja. En un instant, tous les habitants de l’immeuble viennent apporter leur soutien et proposer leurs services. Pendant ce temps, l’agent demande à Laja de prendre quelques affaires. Laja lui demande si Hélène doit venir aussi. Elle n’est pas sur la liste et il lui répond qu’elle peut rester. Laja prend quelques affaires dans une valise, remet à Hélène l’argent qu’elle a sous la main, et la recommande à la voisine de palier qui est française.

    Hélène s’inscrit à l’école rue Hermel où elle se rend chaque jour comme les enfants qui ont leurs parents.

    Depuis qu’elle est seule, Hélène correspond toujours avec Pierre et Maria Batut, ses parents nourriciers.

    Début janvier 1943, Hélène tombe malade et doit être hospitalisée à l’hôpital Bretonneau. Elle reçoit du courrier et aussi quelques colis de friandises de la part des Batut.

    Dès sa sortie de l’hôpital en mars 1943 elle est envoyée dans une maison d’enfants rue Guy Patin, puis rue Caulaincourt.

    Après environ trois semaines, une dame vient la chercher pour prendre le train avec elle et l’emmener chez ses parents nourriciers à Châtillon. Elle lui enlève les étoiles de ses vêtements et lui dit de ne pas parler en route. Hélène n’a jamais rien su de cette dame qui l’a accompagné. Elle a appris beaucoup plus tard que la maison qu’elle venait de quitter appartenait à la Fondation Rothschild. Tous les enfants qui étaient avec elle ont été déportés trois semaines plus tard.

    La vie de famille reprend son cours à Châtillon.

    Un jour d’été 1943, Hélène est dénoncée comme Juive aux Allemands qui viennent la chercher chez les Batut. Heureusement elle n’est pas à la maison. Pierre Batut est convoqué à Montargis le lendemain. Malgré les menaces de sanctions et représailles, ils ont maintenu leur aide et protection. Pierre n’a jamais parlé de ce qui s’était passé à Montargis.

    Puis ce fut la Libération. En 1945, Hélène est repartie vivre à Paris auprès de sa famille.

    Le 21 juin 2020, Yad Vashem – Institut International pour la Mémoire de la Shoah, a décerné à Maria et Pierre Batut, le titre de Juste parmi les Nations.

    Laja VADRARUE