Les Justes
Jean Désiré Philippeau
Année de nomination : 2022Date de naissance : 18/01/1910
Date de décès : 13/12/1993
Profession : Savetier
Jeanne Philippeau
Année de nomination : 2022Date de naissance : 26/12/1913
Date de décès : 13/01/1992
Profession :
Département : Loir-et-Cher
Région : Centre-Val de Loire
Personnes sauvées
Cérémonies
L'histoire

Jean et Jeanne Philippeau
Abraham et Malka Reimann sont originaires de Pologne. Ils s’installent à Paris dans les années 1928-1930. Ils ont deux filles, Madeleine et Arlette. Ils sont fourreurs et habitent au 114 rue du Temple à Paris (3e). La famille Reimann est fièrement assimilée tout en suivant la tradition juive, totalement laïque et insuffle à leurs deux filles la fierté pour leur identité française.
Avant la guerre, Madeleine et Arlette vivent comme tous les enfants français de leur âge. La famille est assez aisée, le commerce est florissant. Pendant la guerre, Abraham pensait ne rien craindre. Il s’était engagé dans l’armée française, au 28e bataillon, en 1939 au moment de la déclaration de guerre. Il n’avait pas enfreint la loi et a répondu présent à la convocation du billet vert du 14 mai 1941. Il est arrêté et envoyé à Pithiviers. Pourtant il ne cessait de répéter à ses filles : « La France est le pays des Droits de l’Homme, on ne risque rien ! ». Pour pouvoir vivre non loin de son mari, Malka décide d’aller à Pithiviers et incidemment, dans un train, elle fait la connaissance d’une dame, Mme Schiffmacker, dont le mari est gendarme et gardien dans le camp de Pithiviers. Toutes deux sympathisent. Elle inscrit ses filles à l’école. Arlette et Madeleine vont au catéchisme et au patronage.
En juillet 1942, arrivent les grandes vacances. Mme Schiffmacker croit bon, pour leur faire plaisir, de permettre à Madeleine et Arlette de retourner à Paris retrouver leur maman. Mais là, elles doivent porter l’étoile jaune. Le 16 juillet, toutes les trois se retrouvent entraînées dans cette horrible journée de la rafle du Vel d’Hiv. Des policiers français viennent arrêter Abraham. Des coups retentissent à la porte. Malka ouvre. Deux policiers lui disent : « Nous venons arrêter votre mari, Abraham Reimann. » Malka leur répond qu’il a déjà été arrêté et qu’il est parti en « destination inconnue ». Alors ils décident d’arrêter Malka avec ses deux filles ainsi que 3 autres familles juives avec des petits enfants qui habitent le même immeuble. Toutes subissent le même sort. Celles-ci ne sont jamais revenues de déportation et ont été assassinées à Auschwitz.
Toutes ces personnes sont envoyées au Vélodrome d’Hiver avec pour seuls bagages quelques baluchons. Elles vont y rester plusieurs jours avant d’être déportées dans un wagon à bestiaux au camp de transit de Beaune-La-Rolande dans le Loiret. Malka possède un Ausweiss puisqu’elle travaille à Paris sur des machines à fourrure réquisitionnées par l’Occupant pour la confection de gilets pour l’armée allemande. Les Allemands avaient promis qu’en échange de ce travail, mon père pourrait bénéficier de permissions de sortie. C’est un mensonge : bien plus tard, elle apprendra que son mari va être déporté à Auschwitz pour ne jamais en revenir.
En août 1942, arrive Jeanne Philippeau pour récupérer les deux fillettes. Elle leur enlève leur étoile jaune et les emmène en train à Pezou (dans le Loir et Cher) chez son frère M. Papon qui cache déjà trois enfants : Lili, Dédé et Paulette. C’est l’OSE, Organisation de
Secours à l’Enfance, qui leur a permis de se mettre en relation. Quelques jours plus tard, Arlette et Madeleine partent à Vendôme dans le Loir-et-Cher, et sont accueillies par la famille Phillipeau qui cache déjà un jeune garçon du nom de Simon Windland qui partira se réfugier plus tard dans un autre endroit. Quelques mois plus tard, la mère de Madeleine et Arlette les rejoint. Elle parle français mais avec un fort accent polonais et du coup se fait passer pour une Alsacienne. Ceci lui permet de travailler dans des fermes en tant que cuisinière et couturière. Elle ne possède pas de tickets de rationnement.
Le danger est présent au quotidien car dans la même rue se trouve la Feld Kommandantur et une maison de plaisir fréquentée par des soldats allemands qui passent devant la maison tous les jours. Jeanne Philippeau va toutes les semaines voir des paysans aux alentours, afin de se ravitailler. D’autres personnes sont probablement au courant de la situation comme l’institutrice ou peut-être encore le curé. Peu avant la Libération, la famille est obligée de quitter la maison et se réfugie dans les champignonnières de Vendôme.
En septembre 1944, Malka retourne à Paris, espérant récupérer l’appartement familial puisqu’elle ne sait plus où habiter. Elle est obligée de louer un appartement, dans le 14e arrondissement. Elle espère aussi retrouver son mari. Chaque jour, Malka se rend Gare de l’Est et à l’Hôtel Lutétia, espérant trouver le nom d’Abraham sur les listes. Pendant ce temps, les fillettes sont retournées à Pithiviers chez les Schiffmacker.
Maman a témoigné que cet homme, accusé d’avoir été gardien du camp, et sa femme aussi avaient fait preuve d’un vrai courage face à l’ennemi en prenant de cette famille juive. Finalement, les deux fillettes et leur mère apprendront qu’Abraham avait été déporté par le convoi N°4 du 25 juin 1942, sans retour. Malka se laisse alors mourir de chagrin et décède en janvier 1946. Plus tard, on apprend que Jeanne Philippeau était pendant la guerre en lien avec l’OSE (Œuvre au secours de l’enfance).
En conclusion, nous, Madeleine et Arlette, nées Reimann, remercions toutes ces familles modestes d’avoir fait preuve de solidarité pour sauver tant d’enfants juifs.
Le 24 août 2022, Yad Vashem – Institut International pour la Mémoire de la Shoah, a décerné à Jean et Jeanne Philippeau, le titre de Justes parmi les Nations.

Arlette Testyler l’enfant sauvée