Les Justes
Magda Zech
Année de nomination : 1990Date de naissance : 24/09/1879
Date de décès : 05/02/1947
Profession : Mère supérieure du couvent Notre Dame de Sion
Département : Isère
Région : Auvergne-Rhône-Alpes
Personnes sauvées
Lieu porteur de mémoire
Cérémonies
L'histoire
Née le 24 septembre 1879 à Soignes (Hainaut, en Belgique), Marthe Zech est issue d’une famille de huit enfants. Elle a une sœur jumelle, Madeleine, qui entrera aussi dans la congrégation des soeurs de Sion sous le nom de Mère Marie Guillaume. Mère Marie Magda prononce ses premiers vœux en 1908, quatre ans après sa sœur. Elle voyage beaucoup : Prague, Istanbul, Marseille, Tunis… En 1936-1938, elle se trouvait à Oradea Mare (aujourd’hui en Roumanie), et en 1938-1940, à Strasbourg, comme première assistante. Lors de l’évacuation de la ville au début de la guerre, la communauté de Strasbourg dût se disperser : un groupe se réfugia à Gérardmer, tout proche ; un autre, conduit par Mère Odile, partit pour Grandbourg ; tandis qu’un dernier groupe, conduit par Mère Magda*, part à Grenoble fonder une nouvelle maison : elles y parvinrent en septembre 1940. Mère Magda Zech devient la supérieure du couvent de la Congrégation des Sœurs de Notre-Dame-de-Sion à Grenoble. Sœur Joséphine (Denise Paulin) qui avait prononcé ses vœux le 26 avril 1940, arrive à Grenoble en septembre 1940 et devient l’assistante sociale et l’infirmière du pensionnat. Mère Théodore et Sœur Ignace (Anne-Marie Van Hissenhoven, originaire d’Anvers en Belgique) se mettent également au travail pour aider les réfugiés et les persécutés. Les conditions de vie de la nouvelle communauté ne sont guère faciles : les sœurs vivent dans un hôtel particulier, la villa Truchetet qu’elles ont pu obtenir et aménager grâce aux parents d’une des religieuses. Elles décident d’ouvrir un pensionnat dès la rentrée 1940. Mais rapidement, la villa devient trop petite : il y avait une soixante d’inscriptions d’élèves dès la première année, parmi lesquelles des Alsaciennes qui avaient suivi les sœurs depuis Strasbourg. La communauté fut donc contrainte de louer un puis plusieurs appartements supplémentaires. Cela obligea à multiplier les allers et venues, mais eut le mérite de faciliter les opérations de sauvetages. Pendant un mois, les sœurs ont vécu dans des conditions précaires, dormant sur des paillasses, qui dans la chapelle, qui dans des salles de classe. Chaque pièce avait plusieurs usages successifs : par exemple la sacristie devenait salle à manger 3 fois par jour et, entre temps, parloir de la directrice ou salle pour des leçons particulières. La nuit c’était la chambre d’une sœur. Les professeurs laïcs avaient leur salle à manger et salle des professeurs dans un petit bâtiment qui avait contenu des clapiers et des cours eurent lieu dans une salle de bain contenant une vieille baignoire 1900 à quatre pieds ! Grenoble était alors en zone libre ; cette ville et sa région étaient donc devenues une sorte de refuge pour des personnes en danger de zones occupées, d’autant plus que jusqu’en 1943, le préfet de l’Isère appliquait les ordres « sans grande conviction », ce qui lui valu d’ailleurs d’être destitué, puis déporté . En août 1942, la ville fut soumise à une rafle très violente. Après novembre 1942, la zone passe sous occupation italienne, peu favorable aux persécutions antisémites. La maison de Grenoble devient un havre pour les Juifs persécutés et le centre d’une organisation de placement d’enfants et de passage en Suisse pour tous ceux qu’on ne pouvait pas héberger dans un pensionnat de jeunes filles. Mère Magda Zech est en contact avec plusieurs couvents et le château de Virieu ou plusieurs juifs à qui elle fourni de faux papiers vont trouver refuge. La petite Jacqueline Mizné, née en 1936 à Bruxelles, est une des internes juives, protégées au couvent. Le 23 mai 1943, Mère Magda Zech* s’inquiète de ne pas voir rentrer la petite Jacqueline âgée de 6 ans et demi.
Ce jour là, la Gestapo de Lyon surgit au domicile de ses parents. Son père, Jacques avait réussit à s’échapper tandis que Jacqueline avait assisté, atterrée, à l’arrestation de sa mère et de sa grand-mère. Les 2 femmes avaient alors été emmenées au fort de Montluc, alors que la petite fille, sur ordre de la Gestapo, est confiée à la femme de ménage. Dès le lendemain matin, Mère Magda aidée de Denise Paulin (Sœur Joséphine) fait les démarches auprès des autorités italiennes pour faire libérer la mère et la grand-mère de Jacqueline et confie la fillette à Renée Maillard, amie des parents de Denise Paulin qui habite à Chapareillan, petit village entre Grenoble et Chambéry. On estime que 800 familles passèrent par le couvent de Notre-Dame-de-Sion. L’action des sauveteurs consistait à fournir de fausses cartes d’identité et d’alimentation, à cacher des filles parmi les élèves du pensionnat, à contribuer à trouver des places dans les fermes des environs pour des enfants que deux assistantes sociales juives, Ethel et Colette, allaient chercher à Paris, ou à aider des personnes à passer en Suisse. Ethel et Colette sillonnaient la campagne pour trouver des familles d’accueil où cacher des enfants. Les sœurs travaillèrent aussi avec Germaine Ribière*, ainsi que des organisations comme l’OSE ou une émanation clandestine des Éclaireurs Israélites de France. Sœur Joséphine avait de nombreuses connaissances, et savait parfaitement utiliser ce réseau. Cela allait d’une voisine, Isaure Luzet, dite « Le Dragon », pharmacienne, à ses propres parents, Joséphine et Louis Paulin, à Chapareillan, sans oublier les amis qu’elle avait à Notre-Dame de l’Osier, commune proche de Grenoble où purent se réfugier de nombreux Juifs ainsi que des résistants. Soeur Joséphine* fit aussi partie du réseau de résistance Combat. Les témoignages sont nombreux de tout ce qui a été fait : Jacqueline Mizné, Hélène Kalmus, Rita Verba (cachée sous le nom de Marguerite Sturm), Suzanne Erbsman, Rachel Levy, une fillette cachée au pensionnat, fut camouflée derrière le dos de Mère Théodore qui affirmait dans le même temps que l’enfant n’était pas dans la maison.
Lorsque les Allemands venaient perquisitionner, Mère Magda*, qui parlait couramment leur langue, était chargée de retarder au maximum les soldats pendant que les fillettes passaient chez les Rédemptoristes voisines. Une fois, l’une d’elles fut abritée à l’infirmerie, « ayant attrapé une maladie fort contagieuse ». Tout ce qui se faisait restait secret. Parfois on faisait passer les enfants juifs de passage pour des protestants, ce qui expliquait qu’ils n’aillent pas à la chapelle. Peu de personnes étaient au courant, si bien qu’il arrivait que quelqu’un s’étonne que ces enfants ne sachent pas le Notre Père… Il y avait aussi, bien sûr, le problème de l’étoile jaune. Soeur Joséphine* se souvient qu’un des enfants avait gardé l’étoile. Elle l’avait décousue, mais la marque se voyait toujours sur le vêtement, et l’enfant avait dû enfiler son pull à l’envers pour la cacher… Elle conclut ainsi ce souvenir « Cette marque était comme le symbole de l’empreinte inoubliable de la souffrance et de la peur qui est demeurée pour toujours dans l’âme de chacun d’eux. »
Une religieuse de Grenoble, Sœur Eliezer, était d’origine polonaise juive. Un matin, après une nuit de rafles, des messieurs en civils sont venu la chercher sous son nom civil. D’après les souvenirs de plusieurs sœurs, on appela Mère Magda* et celle-ci répondit qu’elle ne connaissait personne de ce nom là. Les enquêteurs dirent qu’ils reviendraient après avoir vérifié. A la suite de cela, Sœur Eliezer fut cachée chez les Rédemptoristes qui avaient une maison en face de Sion, et elle a pu être sauvée. Les enquêteurs ne sont jamais revenus. Ainsi, ce qui arriva à Sœur Gila, arrêtée à Issy-les-Moulineaux et déportée, avait pu être évité à Grenoble.
Le curé de la paroisse voisine était le Père Jaquet. Il avait aménagé un grenier où il pouvait loger quelques personnes en danger ou en attente de papiers, mais uniquement pour quelques jours. Les Ancelles leur portaient alors de la nourriture discrètement en se rendant à l’église. Sœur Joséphine dû quitter Grenoble en 1943, car ses activités commençaient à être trop connues. Elle partira pour Paris.
Mère Magda* reçut une obédience pour Grandbourg à peu près à la même époque, et elle y resta jusqu’à son décès en 1947, remplacée au supériorat de Grenoble par Mère Marie Clotilde. Elle reçut le titre de Juste parmi les Nations en 1993, à Anvers. A partir de septembre 1943 et la capitulation italienne, la zone fut occupée par les Allemands et la dernière année avant la libération fut particulièrement sévère. A cette époque, les religieuses de Grenoble décidèrent de demander asile aux Pères OMI (Oblats de Marie Immaculée) à Notre-Dame de l’Osier et d’y déménager une partie du pensionnat, car la ville devenait trop dangereuse après l’explosion d’une poudrière dans une caserne de la ville. Sœur Jeanne-Simone (Lugand) remplaça alors Sœur Joséphine.
Le 16 juillet 1990, Yad Vashem – Institut International pour la Mémoire de la Shoah a décerné, à Mère Magda ZECH le titre de Justes parmi les Nations.
Documents annexes
Diplôme |