Les Justes
Marie-Louise (De Tommaso) Carven
Année de nomination : 2000Date de naissance : 31/08/1909
Date de décès : 08/06/2015
Profession : Créatrice de Haute Couture
Département : Paris
Région : Ile-de-France
Lieu de mémoire
Personnes sauvées
Cérémonies
L'histoire

Marie-Louise Carven
En 1941, Marie-Louise Carven ouvre son premier magasin de haute couture dans le 1er arrondissement de Paris, à l’angle de la rue d’Argenteuil et de la rue des Pyramides. Malgré les lois d’exclusion de Vichy, elle continue à employer Henry Moïse Bricianer, juif roumain naturalisé français en 1926, dont les parents avaient fui les pogroms qui ravageaient l’Ukraine. Orphelin à l’âge de 2 ans, il est placé en apprentissage à 11 ans pour apprendre le métier de couturier. À 17 ans, pour fuir son incorporation dans l’armée, où l’antisémitisme est très virulent, il déserte. Il envisage alors d’émigrer aux États-Unis, mais sa fascination pour la capitale de la mode et de la couture le pousse à rester ; il ouvre son premier magasin de couture en 1910, rue Jean Mermoz. Lors de la Première Guerre mondiale, il part aux États-Unis chez sa sœur, avant de revenir à Paris où il fonde une famille. Il est naturalisé français à la demande de son beau-père le 30 décembre 1926. Les affaires sont prospères, mais après la crise de 1929, la situation se détériore peu à peu. Il a cinq enfants, tous nés à Paris : Serge, né en 1923, Francis en 1924, Jacqueline en 1927, Nicole en 1930 et Philippe en 1934.
Dès janvier 1941, ne pouvant plus avoir de contact direct avec une clientèle en raison des lois raciales, Henry travaille comme apiéceur à son domicile, au 8 rue de l’Échelle, dans le 1er arrondissement de Paris, juste en face de l’Hôtel Normandy, quartier général des soldats allemands. Il y travaille avec son épouse pour divers fournisseurs, dont Marie-Louise Carven, en raison de l’aryanisation de son magasin. Régina est contrainte de déclarer toute la famille comme juive au commissariat de la rue des Bons-Enfants. En raison de leur nationalité française, la famille Bricianer, avec ses cinq enfants, pense être protégée des déportations. Cependant, tous, sans exception, porteront l’étoile jaune. Comme tous les juifs français, ils vivent l’Occupation et se soumettent aux diverses réglementations, subissant brimades et privations.
Mais en octobre 1943, Ernestine Edwabski, la mère de Régina Bricianer, est arrêtée par la milice à Nice, puis transférée à Drancy. Elle sera déportée par le convoi n°60 à Auschwitz.
À la suite de cette arrestation, deux policiers français se présentent le 17 novembre 1943 au domicile des Bricianer avec un mandat d’arrêt, pour les transférer à Drancy. Ils déclarent être envoyés par le Centre, place des Saussaies. Régina souhaite se rendre très vite à Drancy pour voir sa mère – dont elle ignore encore qu’elle a déjà été déportée – ainsi que son frère, mais l’un des policiers français l’en dissuade en lui disant que si elle s’y rend, elle n’en reviendra pas. Les policiers leur laissent un délai de 48 heures, promettant de revenir les chercher le lendemain, et les incitent donc à quitter au plus vite l’appartement. Les Allemands reviendront effectivement le lendemain et voleront tout. Un ami de Henry, rencontré providentiellement, leur établit alors de faux papiers d’identité au nom de Leclerc, ce qui leur permet de subsister jusqu’à la Libération.
Henry Bricianer s’adresse aussi à Marie-Louise Carven. Cette dernière lui propose de le cacher dans une chambre de bonne au 6e étage de l’immeuble où se trouve son magasin, d’où il peut continuer à travailler pour nourrir les membres de sa famille, tous éparpillés pour plus de sécurité. Marie-Louise Carven organise également l’hébergement de quatre autres membres de la famille Bricianer chez ses proches. Elle s’adresse d’abord à sa mère, Mme Thomazo, qui accueille Jacqueline, l’une des filles Bricianer. Mme Thomazo remplit volontiers sa mission de protectrice durant plusieurs mois, aidée de Mme Boyriven, une tante. Régina, son fils Philippe et sa fille Nicole sont également cachés plusieurs mois chez l’un des oncles de Marie-Louise, qui habite au 24 rue Le Marois, dans le 16e arrondissement de Paris.
L’obstination de Marie-Louise Carven à cacher Henry Bricianer et à mobiliser, en ces temps de détresse, plusieurs membres de sa propre famille pour loger quatre personnes juives est à l’origine de ce sauvetage.
Le 13 août 2000, Yad Vashem – Institut International pour la Mémoire de la Shoah – a décerné à Marie-Louise Carven le titre de Juste parmi les Nations
Cérémonie de remise de la médaille en présence de S.E. l’Ambassadeur d’Israël en France Eli BARNAVI
Documents annexes
![]() | Article de presse – Liaisons N°19 septembre 2001 |
![]() | Article |