Dossier n°9997 - Juste(s)

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Les personnes reconnues « Justes parmi les Nations » reçoivent de Yad Vashem un diplôme d'honneur ainsi qu'une médaille sur laquelle est gravée cette phrase du Talmud : « Quiconque sauve une vie sauve l'univers tout entier ». Il s’agit de la plus haute distinction civile de l’état d’Israël. Au 1er janvier 2021, le titre avait été décerné à 27921 personnes à travers le monde, dont 4150 en France. Cependant le livre des Justes ne sera jamais fermé car nombreux sont ceux qui resteront anonymes faute de témoignages.Reconnus ou non, ils incarnent le meilleur de l'humanité. En effet, tous ont considéré n'avoir rien fait d'autre que leur devoir d'homme. Ils serviront de phares et de modèles aux nouvelles générations.

Allée des Justes à Paris
Allée des Justes à Jérusalem

Les Justes

Joseph Félix Venance

Année de nomination : 2003
Date de naissance : 04/03/1898
Date de décès : 06/05/1963
Profession : Cordonnier

Henriette Marie (Tignet) Venance

Année de nomination : 2003
Date de naissance : 29/12/1905
Date de décès : 02/04/1992
Profession : Lingère, mère de 2 enfants
    Localisation Ville : Romans-sur-Isère (26100)
    Département : Drôme
    Région : Auvergne-Rhône-Alpes

    L'histoire

    Henriette et Joseph Venance vivent à Romans-sur-Isère, dans la Drôme, avec leurs deux filles : Madeleine, l’aînée, et Georgette, dix-neuf ans. Joseph est cordonnier ; la famille mène une vie simple, dans un quartier ouvrier. Autour d’eux, la guerre s’installe. Depuis 1942, l’Occupation allemande s’étend à toute la France, et dans la région du Vercors tout proche, les maquis s’organisent. Les montagnes deviennent un refuge pour les résistants, les réfractaires au Service du travail obligatoire, mais aussi pour les enfants juifs traqués par la Gestapo.

    Comme tant d’autres habitants du Dauphiné, les Venance refusent de se résigner. Tous les quatre s’engagent dans la Résistance. Pierre Caillet, le fiancé de Madeleine, rejoint le maquis du Vercors. Il est arrêté, torturé, puis exécuté par les Allemands. Malgré le chagrin et la peur, la famille poursuit son combat dans l’ombre.

    Joseph fait partie d’un réseau clandestin qui sauve des enfants juifs. Dix-huit d’entre eux trouvent refuge grâce à lui, et tous survivent. Prudent, il cache la liste de leurs noms dans une bûche creusée à cet effet, dissimulée dans sa réserve de bois. Parmi ces enfants se trouve un petit garçon de trois ans, Claude Braunstein, que les Venance accueillent à la fin de l’année 1942.

    À Paris, au 10 rue Saint-Joseph dans le IIᵉ arrondissement, vivent Itic et Betti Braunstein avec leurs enfants. Le 23 septembre 1942, à la demande de l’occupant allemand, la police française fait irruption à leur domicile. Itic, Betti et la mère de cette dernière sont arrêtés devant trois de leurs enfants : Renée, Jacques et Marcel. Leur oncle, naturalisé français, intervient aussitôt et parvient à sauver les enfants en se portant garant pour eux.

    Mais Itic et Betti sont internés à Drancy, puis déportés deux jours plus tard, le 25 septembre 1942, vers Auschwitz par le convoi n°37. Ils y périssent le 27 septembre. Ce même oncle, en rentrant chez lui, découvre avec effroi que sa propre épouse et ses deux enfants ont, eux aussi, été raflés. Il réussit miraculeusement à les faire libérer dans la soirée.

    Itic est né en Roumanie. À treize ans, en 1910, il quitte son pays, où les lois antijuives interdisent aux Juifs d’étudier ou même de prendre le train. À Paris, il trouve du travail dans l’atelier de couture du mari de sa sœur, rue d’Alésia, dans le XIVᵉ arrondissement. Après la Première Guerre mondiale, il fait venir sa mère et ses frères et sœurs. Betti, sa future épouse, également originaire de Roumanie, s’installe en France avec sa famille en 1914, dans le IXᵉ arrondissement. Ils se marient en 1920, pleins d’espoir, loin des persécutions qu’ils croyaient avoir fuies à jamais.

    Après l’arrestation de leurs parents, les enfants Braunstein trouvent refuge grâce à un réseau proche des Éclaireurs Israélites de France. En quelques jours, ils franchissent la ligne de démarcation et passent en zone non occupée. Ils rejoignent leur frère Marcel à Largentière, en Ardèche, pour un court séjour. Puis la fratrie est séparée : Marcel et Jacques partent vers le Sud-Ouest, à Moissac pour l’un, à Beaulieu pour l’autre. Renée et Claude sont confiés à des familles d’accueil à Romans-sur-Isère.

    Renée est hébergée par Alphonse Clos et sa sœur, qui tiennent une petite fabrique de galoches. Elle y travaille jusqu’à la Libération. Claude, le plus jeune, est accueilli par Henriette et Joseph Venance. L’enfant, âgé de trois ans, devient rapidement le centre de toutes les attentions.

    Les Venance l’inscrivent à l’école communale de la Cité-Jardin Jules Nadi, sous le nom de Claude Brottin, pour le protéger. L’institutrice, consciente de sa véritable identité, veille sur lui avec une attention discrète mais constante. Georgette, la fille aînée des Venance, s’attache profondément au petit garçon, qui l’appelle affectueusement « Lélette ». Chez eux, Claude grandit à l’abri de la peur. Les Venance ne demandent rien en échange. Ils agissent par conviction, par humanité. Ils ont connu la guerre de 1914-1918, les privations, les deuils. Cette fois, ils refusent que l’occupant fasse du mal à des enfants. Comme beaucoup dans la Drôme et le Vercors, ils prennent tous les risques : la déportation, la prison, la mort. Mais ils choisissent la dignité.

    Lorsque la guerre s’achève, les enfants Braunstein sont confiés à leur oncle maternel, Marcel Gold. Pour Claude, la séparation d’avec les Venance est un déchirement. Les retrouvailles avec sa véritable famille n’effacent pas la tendresse qu’il a reçue à Romans. Mais la douleur du passé est trop lourde. Marcel Gold, caché à Paris pendant la guerre, a perdu sa sœur, son beau-frère et sa mère dans les camps. Avec son épouse Lucienne, il tente d’élever ses neveux et nièces dans la dignité, malgré la misère et le chagrin. Dans ce contexte, il n’y a plus de place pour le souvenir des sauveurs. Le silence devient une manière de survivre.

    Des décennies plus tard, la mémoire refait surface. Claude n’a jamais oublié « Lélette » et ses parents d’adoption. Grâce à son témoignage, l’héroïsme discret d’Henriette et Joseph Venance sort enfin de l’ombre. Cette distinction rend hommage à leur courage, à leur simplicité, et à ce choix qui, au cœur de la barbarie, les a placés du côté de l’humanité.

     

    Le 28 avril 2003, Yad Vashem – Institut International pour la Mémoire de la Shoah a décerné, à Henriette et Joseph Venance, le titre de Juste parmi les Nations.

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    Mis à jour il y a 3 semaines.