L’histoire

Jeanne Gellert vivait à Crécy-en-Brie avec son mari, le docteur Etienne Gellert, qui était juif, et leurs deux jeunes enfants. Mobilisé, le docteur Gellert fut fait prisonnier. Libéré, il rentra chez lui. Les lois anti-juives de Vichy excluaient les Juifs de l’exercice de la médecine. Il décida de ne pas se faire recenser comme juif et de continuer à pratiquer. Un soir de l’hiver 1942, le couple avait invité plusieurs amis à dîner; le docteur était le seul juif présent. L’un des invités, M. Bouverait, raconta qu’il oeuvrait pour sauver des enfants juifs. Etienne Gellert, ému, révéla alors son identité, ajoutant qu’il souhaitait participer à cette action de sauvetage. Il devait expliquer plus tard cette décision : « La pensée de ne rien faire, quand des Chrétiens, qui n’auraient jamais été molestés s’ils avaient consenti à se tenir à l’écart des problèmes juifs m’est devenue intolérable ». Quelques semaines plus tard, il reçut un télégramme ainsi libellé : « Colis arrivé – vous attend café X boulevard Saint Michel à Paris. » Jeanne Gellert prit le train pour Paris et, se rendant à l’adresse indiquée, se vit confier la petite Esther Rochman, âgée de quatre ans. Ses parents, des Juifs polonais, avaient été internés à Drancy, puis déportés. Les Gellert élevèrent l’enfant comme si elle était la leur. Ils changèrent son prénom en celui de Françoise et la présentèrent comme leur fille aux voisins et aux nombreux Allemands cantonnés dans le secteur. Après la Libération, Jeanne voulut rendre l’enfant à sa famille. Elle la conduisit à Paris, rue Basfroi dans le 11ème. Esther avait de vagues souvenirs d’enfance; un boulanger qui se souvenait d’elle donna quelques détails sur sa famille. Quelques jours plus tard, des membres d’une organisation juive se présentèrent chez les Gellert pour récupérer la petite fille, qu’ils placèrent dans une maison d’enfants à Malmaison. La séparation fut difficile pour Jeanne. Apprenant que la fillette était malheureuse, elle déposa une demande pour la reprendre. Sur la recommandation du médecin de l’établissement, elle eut gain de cause. Par la suite, Esther fut néanmoins envoyée chez des parents aux Etats-Unis; elle finit par partir pour Israël. Pendant de longues années, elle chercha les Gellert qui avaient déménagé. Lorsqu’elle les retrouva enfin, ce fut une émotion intense pour eux tous, surtout pour Jeanne. Elles se mirent à correspondre; Jeanne lui écrivit notamment : »Un jour, on est venu te chercher pour te placer dans un home. J’ai eu un chagrin terrible. J’ai tellement pleuré pendant des jours… et dis-toi, Françoise, qu’une partie de ma vie a été un peu pour toi. » Esther Rochman est venue rendre visite en France à ses sauveteurs.

Le 23 janvier 1975, Yad Vashem a décerné à Jeanne Gellert le titre de Juste parmi les Nations.

 

Documents annexes

Aucun document