En août 1942, les autorités de Vichy acceptèrent de remettre aux mains des Allemands dix mille Juifs étrangers qui vivaient à l’époque dans le sud de la France. Tamara et Konrad Bieber, deux de ces Juifs, vivaient à Montauban, dans le Tarn-et-Garonne. A la veille de la rafle, le chef de la police de Montauban se rendit dans les bureaux de l’UGIF, l’Union Générale des Israélites de France, et fit la déclaration suivante à Tamar Bieber et Herta Cohn-Bendit, les deux assistantes sociales de l’association : « Mesdames, demain matin à quatre heures, si vous et vos amis – vous saisissez : tous vos amis – vous trouvez chez vous, nous serons au regret de vous arrêter. Vous avez compris? Eh bien, je ne vous ai rien dit! » De bouche à oreille l’avertissement fit rapidement le tour de la communauté juive, permettant ainsi le salut de tous les Juifs connus de l’UGIF de Montauban. Chez les Bieber et les Cohn-Bendit, les hommes s’enfuirent vers la forêt toute proche, où ils se cachèrent pendant environ trois semaines, et les femmes se calfeutrèrent chez elles, prenant grand soin de ne pas apparaître en public.
Odette Allègre était une commerçante en fruits et légumes qui effectuait des livraisons à domicile. Un jour, alors qu’elle faisait sa tournée, elle vit des Juifs de l’endroit arrêtés pour être expédiés en camps de concentration. Une fourgonnette de police qui stationnait près de l’une des maisons était pleine d’enfants en pleurs, de femmes et de vieillards. Traumatisée par cet atroce spectacle, elle maudit les gendarmes, leur disant qu’ils étaient pires que les Allemands. La rafle incita Odette Allègre à faire quelque chose pour les Juifs. Comme elle connaissait les Bieber, elle les invita à se réfugier chez elle. Conscients du risque que cela ferait courir à Odette, les Bieber commencèrent par refuser. Comme elle insistait, ils finirent par accepter, convaincus que chez elle ils seraient en sécurité. Dans un premier temps ils transportèrent leurs vêtements et leurs papiers mais ce ne fut qu’en février 1943, lorsque les Allemands étaient sur la piste de Tamara Bieber, qu’ils s’enfuirent dans leur cachette. Odette Allègre les accueillit chaleureusement et les traita comme des membres de sa famille, avec le soutien et l’encouragement de son mari et de son fils, Georges Allègre, qui travaillait à la Préfecture et contribua au salut des Bieber en leur procurant de fausses cartes d’identité. Les Bieber restèrent un an et demi chez la famille Allègre, jusqu’à la libération de Montauban en août 1944. La famille Allègre n’avait demandé aucune contrepartie pour le séjour prolongé des Bieber chez eux; leur acte courageux n’avait été motivé que par leur générosité et leur bonté d’âme.
Le 10 décembre 1989, Yad Vashem a décerné à Odette Allègre le titre de Juste parmi les Nations.
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