Paul Chartron, qui était ingénieur, dirigeait une fonderie à Marseille. Sa fille Annie s’était liée d’amitié avec une camarade de classe, Denise Sikierski. Les deux familles s’était ainsi connues et avaient sympathisé. Juifs français, les Sikierski, qui habitaient Marseille, s’étaient sentis tranquilles jusqu’en novembre 1942, où les Allemands occupèrent la zone sud. Vers la fin du mois d’août de cette même année, Denise avait rejoint La Sixième, l’organisation clandestine des Eclaireurs Israélites de France. Elle fut alors en mesure de fournir de faux papiers à toute la famille. Toutefois, ils ne pouvaient servir qu’en dehors de Marseille, où les Sikierski étaient trop connus. Le 20 janvier 1943, ils apprirent que la police s’apprétait à déclencher une vague d’arrestations qui engloberait même les Juifs de nationalité française. Pourtant ils ne s’inquiétèrent pas vraiment et ne firent aucun effort pour se trouver une cachette. Trois jours plus tard, la ville était bouclée : dix mille policiers et gendarmes étaient en faction à tous les points de sorties, sur toutes les routes et dans toutes les gares. Les Juifs n’avaient plus le droit de quitter Marseille. Denise se tourna alors vers Paul Charton, le père de sa meilleure amie, et lui demanda de venir en aide à sa famille : son père, sa mère, sa grand mère grabataire et sa cousine. Il accepta, se rendit chez les Sikierski et amena chez lui toute la famille, chargée de valises. Il lui fallut traverser ainsi toute la ville et passer un poste de contrôle de police. Les Chartron cachèrent les Sikierski dans leur appartement  pendant toute une semaine, ce qui leur sauva la vie. En effet, presque tous les Juifs qu’ils connaissaient furent arrêtés et déportés. Ensuite, Paul Chartron réussit à obtenir une ambulance pour transporter la vieille dame et, à son bord, il fit sortir clandestinement toute la famille Sikierski de la ville, puis la conduisit à la maison de campagne qu’il possédait à Vedène, à environ vingt kilomètres d’Avignon. Les réfugiés y vécurent jusqu’à la libération avec leurs faux papiers d’identité. Paul et Marie-Gabrielle Chartron étaient conscients du fait qu’ils risquaient leur vie – d’abord en hébergeant les Sikierski et ensuite en les aidant à s’enfuir – et le firent sans chercher la moindre contrepartie. Vingt ans après la guerre, Denise retourna à Marseille, rencontra ses sauveteurs et leurs liens se renouèrent comme s’ils ne s’étaient jamais quittés.

Le 27 février 1991, Yad Vashem a décerné à Paul Chartron et sa femme Marie-Gabrielle le titre de Juste des Nations. 

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