L’histoire

Lors de la grande rafle des Juifs de Paris les 16 et 17 juillet 1942, les quatre membres de la famille Tzesselsky – le père, la mère, la fille de quatorze ans et le garçon de neuf ans – furent pris et internés au camp de Pithiviers. Ils furent remis en liberté grâce à l’intervention de l’école juive ORT, où était employé monsieur Tzesselsky. Lorsqu’ils rentrèrent chez eux, il ne se trouva que deux personnes sur les trente familles habitant l’immeuble, pour leur offrir un peu de réconfort et de nourriture : Angèle Marseille et sa fille Suzanne. Quelques mois plus tard, le 19 mars 1943, un employé de l’école ORT avertit les Tzesselsky que leurs noms figuraient sur la liste des Juifs qui devaient être arrêtés cette nuit-là. Il était cependant trop tard pour qu’ils puissent s’enfuir et se trouver une cachette. Apprenant la situation, Suzanne proposa à ses voisins de venir passer la nuit dans l’appartement où elle vivait avec sa mère. Après quelques hésitations, ils vinrent, à minuit, s’installer chez les deux femmes. Deux heures plus tard, la police se présenta à leur domicile…. La concierge, qui ignorait où ils étaient allés, déclara qu’ils avaient quitté l’appartement sans laisser d’adresse. Le lendemain, Suzanne partit pour Vincennes où elle loua un appartement, à son propre nom, pour y loger les Tzesselsky sous une fausse identité. Mais comme il aurait été trop dangereux de faire déménager les fugitifs vers leur nouveau logement, Suzanne et sa mère continuèrent à héberger leurs voisins juifs. Le mari et la femme restèrent dans le petit deux-pièces pendant dix-huit mois. Le problème était les enfants, qu’on pouvait difficilement garder si longtemps reclus dans une petite pièce. Suzanne contacta une organisation juive clandestine qui trouva deux cachettes séparées pour eux. Le jour du départ venu, Suzanne convainquit la concierge – moyennant finances – de couper l’électricité dans l’immeuble pour que personne ne puisse la voir descendre l’escalier avec les enfants. Un peu plus tard, ces derniers, passant pour des orphelins chrétiens, arrivèrent dans un village isolé près de Dormans dans la Marne. Suzanne fit de grands efforts pour aller les voir là-bas : il fallait trois heures en de train, puis elle faisait à pied les sept à huit kilomètres séparant la gare du village. Elle se présentait comme une parente des enfants, auxquels elle apportait des cadeaux. Pendant ce temps, la situation à Paris devenait de plus en plus difficile en raison des bombardements alliés. Suzanne et sa mère refusèrent pourtant de descendre dans les abris anti-aériens pour ne pas abandonner leurs amis. Les Tzesselsky n’avaient plus de cartes d’alimentation et les deux femmes partageaient avec eux leurs maigres rations; elles subvenaient à leurs besoins et tentaient de leur remonter le moral. Un jour, les Allemands arrêtèrent un Français accusé de cacher des Juifs chez lui. Pour le punir, ils le placèrent tout nu dans une cuve de chaux vive. Horrifiée par cette nouvelle, les réfugiés voulurent partir pour ne pas mettre en danger leurs généreuses protectrices. Elles refusèrent avec véhémence, déclarant aux Tzesselsky qu’ils vivraient ou mourraient ensemble…. A la Libération, les Tzesselsky voulurent remercier celles qui les avaient sauvés, mais malgré leur situation financière précaire, les deux femmes refusèrent toute compensation. Après la guerre, la famille Tzesselsky partit s’installer en Israël, mais resta en contact avec ses amies Angèle et Suzanne.

Le 29 avril 1969, Yad Vashem a décerné à Suzanne Davy, née Marseille, et à Angèle Marseille, sa mère, le titre de Juste des Nations. 

 

Angèle MARSEILLE

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