Vincent et Ursule Dalian, des immigrants arméniens, étaient venus vivre à Paris dans les années vingt. Ursule travaillait à domicile – elle cousait des pantalons – pour le compte de deux ateliers, dont l’un appartenait à Joseph Leibovici, un Juif roumain, et l’autre à Bernard Igielnik, Juif polonais. Les Dalian s’entendaient bien avec les familles des deux employeurs d’Ursule. En juin 1942, lorsque Bernard décida de passer en zone sud, c’est Vincent Dalian qui lui trouva un guide grâce auquel il franchit la ligne de démarcation avec son fils et arriva en Indre-et-Loire. Madame Igielnik, restée à Paris, attendait d’avoir des nouvelles de son mari et de son fils pour les rejoindre. Au début du mois de juillet, quelques jours avant la grande rafle, Vincent Dalian vint l’avertir que le bruit courait que les Juifs seraient arrêtés d’un moment à l’autre et lui conseilla de quitter son appartement sans délai. Elle se cacha chez les Dalian pendant plusieurs jours. Vincent et Ursule prenaient ainsi de grands risques. Vincent trouva encore un guide qui réussit à conduire Madame Igielnik auprès de son mari et de son fils. En septembre 1942, des policiers français vinrent arrêter les Leibovici et leurs parents, les Pizon, lors d’une rafle des Juifs roumains. Claire Leibovici, qui avait alors neuf ans et demi, resta seule à la maison. Ses quatre cousins – âgés de huit à dix-sept ans – qui eux aussi avaient échappé à l’arrestation, vinrent la chercher et la trouvèrent terrifiée au milieu de voisins en train de piller l’appartement. Les Leibovici, qui avaient des permis de travail délivrés par les Allemands, furent remis en liberté le jour même. A leur retour chez eux, ils trouvèrent les cinq enfants dans l’appartement dévasté. Ils retirèrent l’étoile jaune de leurs vêtements et tentèrent de reprendre le fil de leur existence. Mais, lorsque Madame Leibovici fut à nouveau arrêtée, en avril 1943, ils arrivèrent à la conclusion, bien qu’elle ait été immédiatement remise en liberté grâce à son permis de travail, que le temps était venu de se cacher. Vincent et Ursule Dalian se déclarèrent prêts à les héberger. Dans un premier temps, les sept fugitifs se réfugièrent dans le petit appartement du couple. Ensuite, Vincent chercha d’autres solutions. Il loua un deux-pièces où les jeunes Pizon passaient la nuit; sauf les deux plus petits, logés dans un autre abri. Au bout de quelques mois cependant, les voisins commencèrent à avoir des soupçons; Vincent ramena donc les enfants chez lui. Il loua un autre appartement à son nom pour les Leibovici dans un immeuble où habitaient des soldats allemands. Ce coup d’audace réussit admirablement. Nul ne s’imaginait que les nouveaux locataires pouvait être des Juifs venus se jeter dans la gueule du loup. Ainsi, les trois Leibovici et leurs quatre cousins survécurent et se retrouvèrent sains et saufs à la Libération. Quant aux Dalian, ils déclarèrent après la guerre qu’ils avaient agi par sympathie pour des gens qui étaient persécutés du fait de leur religion ou de leur nationalité. D’ailleurs, expliquèrent-ils, « c’était nos amis. »

Le 13 juin 1995, Yad Vashem a décerné à Vincent et Ursule Dalian le titre de Juste des Nations.

 

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