A Madeleine Peltin-Meyer
(Arch. fam. V. Saül / DR).
Enfant cachée
Orpheline de ses parents morts à Auschwitz
Déléguée du Comité Français pour Yad Vashem
Madeleine Peltin-Meyer
vient de s’éteindre…
Pour elle, en pensant à elle, comment ne pas relire René Char :
– « La mort n’est qu’un sommeil entier et pur… »
Car c’était, ou plutôt, c’est pour toujours une femme entière car de caractère et mettant toutes ses forces, toute son intelligence dans la balance de la mémoire. Que celle-ci, malgré les négateurs, malgré les lassitudes, malgré les indifférences, que cette balance de la mémoire penche encore du côté pur de la sauvegarde d’un passé. Celui de la Shoah. Des persécutions barbares. Des étoiles que la nazisme tenta de toutes réduire en cendres. Mais aussi le passé des Justes parmi les Nations, si simples, si modestes, si effacés mais qui sauvèrent l’humanisme de la sauvagerie ambiante et évitèrent eux aussi à la France de perdre tout son honneur.
Alain Fleisher semblait s’être inspiré d’elle aussi en écrivant :
– « Nous faisons partie de ceux qui ont continué d’exister après la destruction. De ce monde irrémédiablement perdu, chacun de nous garde des souvenirs, et chacun de nous est là avec autour de soi un monde qui s’est absenté. De ce monde devenu invisible, nous sommes les derniers dépositaires, les derniers héritiers. »
Madeleine Peltin-Meyer était l’héritière d’une mère et d’un père jamais revenus d’Auschwitz. D’une famille liée à l’Affiche Rouge. De cette infinité d’ombres victimes du judéocide…
Dépositaire de ce passé massacré, elle allait d’établissement scolaire en établissement scolaire. Non pour traumatiser enfants et adolescents. Mais pour les encourager à devenir des adultes en éveil, en conscience. Pour que ce passé ne s’efface pas mais encore pour qu’il éclaire les choix difficiles et responsables de la liberté, de l’égalité, de la fraternité.
Avec ses mots à elle, mais comme Simone Veil, elle répétait aux jeunes :
– « De la place que la libération d’Auschwitz occupera dans la conscience historique européenne, dépend largement ce que sera l’Europe future. »
Madeleine Peltin-Meyer a servi jusqu’au bout le Comité Français pour Yad Vashem et à travers lui, la reconnaissance des Justes parmi les Nations.
En authentique bénévole. De cérémonie en cérémonie. En Déléguée inlassablement dévouée, altruiste, portant dans ses bras des trésors de générosité, figure d’exception.
Personne au Comité ne l’oubliera. Ce n’est pas une promesse. C’est une évidence !
Jean Tardieu :
– « Ces étoiles mortes qui brillent pour toujours… »
« Notre amie Madeleine, qui vient de nous quitter, a vu sa vie bouleversée par la guerre : non seulement ses deux parents ont été déportés mais également ses oncles, tantes et cousins.
Elle a tenu a faire reconnaître comme JUSTE une femme admirable, qui est venue en aide à toute sa famille, Catherine LAVE.
Catherine LAVE avait un atelier de lingerie Rue des Immeubles Industriels, dans le 11ème ; après la Rafle du Vel d’Hiv, elle recueillit là Madeleine et ses parents jusqu’en Mars 1943 quand, sur dénonciation, ses parents et sa tante sont arrêtés.
En Novembre 1943, quand la chasse aux juifs s’intensifie, sa tante RAJMAN et ses deux fils, qui habitaient dans le même immeuble, sont arrêtés à leur tour. L’aîné, Marcel, qui appartenait au Groupe des M.O.I. de Manouchian, fut fusillé avec ses camarades le 21/02/1944.
Ce fut encore Catherine LAVE qui conduisit Madeleine, ses trois cousines et sa tante à l’abri chez Mme Berthelot, sa sœur, fermière à Châlette-sur-Loing, où elles purent rester en sécurité jusqu’à la Libération.
Catherine LAVE, Juste parmi les Nations, a reçu sa Médaille en Octobre 1999 à la Mairie du 18ème. Madeleine s’y exprima alors sans notes, avec une éloquence remarquable.
Elle fut dès lors cooptée par le Comité et, ayant fait reconnaître sa Juste, elle a tenu à participer activement à son tour aux remises de médailles en région parisienne.
Le Comité perd une amie, qui s’est mise au service de YAD VASHEM et des Justes, avec honneur et dignité. Elle était Chavalier dans l’Ordre de la Légion d’Honneur.
Louis GROBART, Vice-Président du Comité »