Hommage aux Justes, deux femmes évoquent la mémoire de leurs grands-parents

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Dossier n°

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Hommage aux Justes, deux femmes évoquent la mémoire de leurs grands-parents

Du 22/07/2018

 

 

 

 

Le premier ministre Edouard Philippe durant le 76e anniversaire du rafle du Vel d’Hiv ,le 22 juillet 2018 / JACQUES DEMARTHON/AFP
Dimanche 22 juillet, le premier ministre, Édouard Philippe, a commémoré la rafle du Vél’ d’Hiv et rendu hommage aux Justes de France. Parmi eux, Xavier et Marie-Françoise de Virieu, un couple héroïque dont parlent avec émotion leurs petites-filles.

Hélène de Virieu et Nathalie Carré sont sœurs. Dimanche 22 juillet, alors que le premier ministre, Édouard Philippe, rendait hommage aux Justes, elles se sont souvenues avec émotion de leurs grands-parents, Xavier et Marie-Françoise de Virieu, distingués en 2015 par le mémorial de Yad Vashem.

L’histoire débute en 1940, sous le régime de l’Etat français. Xavier de Virieu et sa femme s’installent dans le château familial, en Isère, et entrent dans la clandestinité. Là, ils cachent des réfractaires du STO, ainsi que 40 tonnes d’armes et de munitions de l’armée française. Ils abritent surtout deux mamans juives et leurs enfants. Cinq d’entre eux vivront ainsi pendant deux ans au château, élevés avec les quatre enfants du couple. Un précepteur leur fait la classe en toute discrétion. Mais en septembre 1942, dénoncés, Xavier de Virieu et sa femme doivent partir. Ils confient alors les enfants à des familles du village, avant de prendre le maquis.

« L’obligation de garder le secret »

Puis le silence tombe. Xavier de Virieu décède prématurément. Sa femme ne se confie guère sur ce drame de la guerre. « Ma grand-mère était pétrie de l’obligation de garder le secret, raconte Hélène de Virieu. Elle m’a raconté qu’elle avait été jusqu’à oublier le vrai nom des enfants. »

Ainsi, sa grand-mère ne sait-elle pas répondre lorsque Hélène lui demande un beau jour si elle connaît un certain Jean-Jacques Strauss. « C’est une coïncidence incroyable vécue il y a une vingtaine d’années. Lors d’un rendez-vous professionnel, à Paris, un interlocuteur pâlit en apprenant mon nom. Il me demande si je connais Marie-Françoise de Virieu. Quand je lui dis qu’il s’agit de ma grand-mère, il est submergé par l’émotion car elle avait sauvé son père. Sans elle, il ne serait pas né  ! », poursuit-elle.

La grande histoire s’invite encore dans celle des descendants en 2013. Cette année-là, un oncle de Nathalie et Hélène reçoivent une lettre frappée d’un timbre américain et signée d’un certain Bernard Schanzer et de son frère Henri. Les mystérieux correspondants expliquent qu’ils doivent leur survie pendant la guerre à Xavier et Marie-Françoise. Et qu’ils ont demandé à Yad Vashem, en Israël, d’accorder à leurs protecteurs le titre de Justes parmi les nations.

Faire perdurer cette histoire

Ce sera chose faite, à titre posthume, en 2015. « Nous nous sommes alors rencontrés pour la première fois, reprend Nathalie Carré. Trente personnes sont venues des États-Unis, toutes des descendantes des jumeaux Schanzer. Nous étions tous très émus. » Son propre père, qui avait pourtant vécu enfant avec les jumeaux, ne se souvenait plus d’eux mais garde en revanche un vague souvenir des deux fillettes qui avaient son âge. Leur trace s’est perdue. « Nous nous sommes tous dit qu’il fallait vite témoigner afin que cette histoire ne disparaisse pas avec les derniers survivants », conclut Nathalie Carré.

Hélène et Nathalie considèrent leurs grands-parents comme des héros, « même s’ils auraient détesté être vus ainsi ». À leurs yeux, « ils n’avaient fait que leur devoir », s’exclament-elles. D’ailleurs, leur histoire aurait pu se perdre à jamais tant le couple a été discret.

À l’échelle du pays aussi, l’histoire des Justes s’est écrite tardivement. Il a fallu attendre 1995 avant que Jacques Chirac ne fasse entrer les Justes de France, connus ou anonymes, au Panthéon comme le lui avait suggéré Simone Veil. « (…) Bravant les risques courus, ils ont incarné l’honneur de la France, les valeurs de justice, de tolérance et d’humanité », est-il écrit dans la crypte du Panthéon.

 

Emmanuelle Lucas