Dossier n°

Justes en France


Patrick Cabanel consacre une étude essentielle aux 3 3376 Françaises, Français et étrangers en France à qui a été décerné le titre de « Justes parmi les nations » (Histoire des Justes de France, Armand Colin, 409 p., 27,50 €). Durant la Seconde Guerre mondiale, ils ont, au péril de leur vie et sans contrepartie, sauvé au moins un Juif. La récompense qui les honore constitue la plus haute distinction civile décernée par l’Etat d’Israël depuis 1963. Parmi les récipiendaires figurent de nombreux protestants dont Patrick Cabanel est d’abord le spécialiste. Il est venu à l’étude de la Solution finale par l’histoire du protestantisme français, mais aussi par celle de l’école, de ses maîtres et de ses maîtresses. Il travaille sur le sauvetage des Juifs depuis ses premières enquêtes de 1982 sur les Cévennes comme terre de refuge. Il a récemment édité le journal et la correspondance d’Alice Ferrières, institutrice protestante cévenole en poste à Murat (Cantal) qui a œuvré sans relâche pour cacher des enfants juifs et les soustraire au génocide (Calmann-Lévy, 2010). Elle se trouve, comme l’écrit Cabanel, « au confluent de la mémoire huguenote et de l’universalisme républicain – deux sources qui coulent bien dans le même sens ».

Après la guerre, les enfants sauvés ont tenté de retrouver leurs sauveteurs. Certains y sont parvenus, se donnant alors un passé tandis que les seconds pouvaient eux aussi commencer de vivre en paix avec leur mémoire, enfin soulagés. D’autres n’ont pas pu. Les traces ont été perdues. Les souvenirs des enfants demeuraient trop imprécis. « Certains sauveteurs n’ont jamais pu être nommés Justes ». Comme le rappelle Patrick Cabanel en conclusion d’une recherche d’une gravité et d’une justesse sans égal, la catégorie des Justes a été étendue à d’autres génocides, extension qui « peut nouer des génocides les uns aux autres, en révélant l’universalité de cette forme de violence, quelque spécifique que soit chaque catastrophe, et en rappelant qu’à chaque fois des hommes et des femmes ont pris le parti d’opposer, parfois frontalement, plus souvent en offrant aux victimes atteintes ou désignées des formes de secours, d’aide ou de témoignage contre le déni et l’oubli ». Ainsi apprenons-nous « à écrire l’histoire en sortant du huis clos des bourreaux et des victimes et en abordant un tiers parti généralement très majoritaire ».

Vincent Duclert

 

source: http://larecherche.typepad.fr/le_blog_des_livres/2012/03/justes-en-france.html du 26/03/2012