La résistance aux génocides

Dossier n°

La résistance aux génocides

Il y a encore, il y aura hélas longtemps encore des négateurs pour mettre en cause ou pour tenter de manipuler cette évidence historique : 
le XXe siècle a été porteur de trois génocides, ceux 
des arméniens, 
des juifs, 
des tutsis.
Mais chacun de ces génocides a vu se dresser des consciences refusant de perpétrer ces massacres systématiques, d’en être des complices, des témoins passifs… 
« La pluralité des actes de sauvetage » est enfin étudiée dans cet ouvrage collectif publié par Sciences Po Histoire. Avec les figures exemplaires des Justes parmi les Nations.

Présentation Sciences Po :

– « Quand la haine et la peur gagnent un pays, que la guerre et le massacre se propagent, il est toujours quelques hommes et quelques femmes qui ne se laissent pas entraîner. Sans mot dire, ils se tiennent de côté. Dans le secret et le risque, ils veulent aider plus que dénoncer, protéger plus que détruire. Parfois, ceux-là même qui participent au carnage tentent aussi de sauver. Dans ces situations d’extrême violence, une résistance civile, improvisée, tend à se développer, faite d’une multitude de petits actes individuels et de l’action de quelques organisations clandestines.

À partir de 3 cas – les génocides des arméniens, des juifs et des tutsis –, cet ouvrage représente la première tentative à la fois internationale, comparative et pluridisciplinaire pour constituer l’acte de sauvetage en objet de recherche, en se dégageant de la catégorie mémorielle du « Juste ». Le résultat est d’une richesse exceptionnelle et dérangeante. Impossible de dresser un portrait type du sauveteur, cependant les actes de sauvetage témoignent d’un fait historique : l’existence discrète d’une société informelle de sauvetage – si fragile soit-elle – dès que commence le génocide.

Réunissant trente chercheurs de onze pays, cet ouvrage est dirigé par Jacques Sémelin, historien et politiste, directeur de recherche CNRS au CERI (Centre d’études et de recherches internationales de Sciences Po), Claire Andrieu, professeure des Universités en histoire contemporaine à l’Institut d’études politiques de Paris, et Sarah Gensburger, docteure en sociologie (EHESS). »

 

SOMMAIRE :

Introduction
– De l’aide au sauvetage, Jacques Semelin

 

Première partie
– Entre histoire et mémoire : le concept de sauvetage
– De la mémoire du sauvetage à l’institution d’un titre de Juste parmi les Nations, Sarah Gensburger
– À la recherche des Justes : le cas des massacres arméniens de 1915, Fatma Müge Göçek
– Approches comparées de l’aide aux juifs et aux aviateurs alliés, Claire Andrieu
– Pour une approche quantitative de la survie et du sauvetage des juifs, Marnix Croes
– Antisémitisme et sauvetage des juifs en France : un duo insolite ?, Renée Poznanski
– Qui a osé sauver des juifs et pourquoi ?, Nechama Tec
– « Sauvetage » et intérêts. Protéger des biens pour sauver des personnes ?, Florent Le Bot
– Les juifs d’Italie et la mémoire du sauvetage (1944-1961), Paola Bertilotti
– Sauveteurs et sauveteurs. Tueurs dans le génocide rwandais, Lee Ann Fujii.

 

Deuxième partie
– L’État, ses frontières et les conditions de l’aide
– Les pratiques de sauvetage dans le génocide arménien, Hasmik Tevosyan
– L’opposition de fonctionnaires ottomans au génocide des Arméniens, Raymond Kévorkian
– Conversion et sauvetage : stratégies de survie au cours du génocide arménien, Ugur Ümit Üngor
– Humanitaire et massacres. Le Comité international de la Croix-Rouge (1904-1994), I. Hermann D. Palmieri
– La Suisse face au génocide nazi : refus actif, secours passif, Ruth Fivaz-Silbermann
– L’OSE et le sauvetage des enfants juifs, de l’avant-guerre à l’après-guerre, Katy Hazan et Georges Weill
– Le contexte du sauvetage dans l’Europe de l’Ouest occupée, Bob Moore
– La répression du sauvetage pendant l’« action Brunner » (1943-1944), Tal Bruttmann
– « Guide et moteur » ou « trésor central » ? Le rôle du Joint en France (1942-1944), Laura Hobson-Faure
– Le service hongrois de la BBC et le sauvetage des juifs de Hongrie, Franz Chalk
– L’échec de l’opposition locale au génocide au Rwanda, Scott Straus
– Le sauvetage dans la zone frontière de Gishamvu et Kigembe au Rwanda, Charles Kabwete Mulinda

Troisième partie
– Réseaux, minorités et sauvetage
– La missionnaire Béatrice Rohner face au génocide arménien, Hans L. Kieser
– L’impossible sauvetage des Arméniens de Mardin. Le havre du Sindjar, Yves Ternon
– L’Union générale des israélites de France fut-elle un obstacle au sauvetage ?, Michel Laffitte
– Rafles et réseaux sociaux à Paris (1940-1944), Camille Ménager
– Protestantismes minoritaires, affinités judéo-protestantes et sauvetage des juifs, Patrick Cabanel
– Nieuwlande, pays sauveteur (1941-1942 à 1945), Michel Fabréguet
– Survivre dans la clandestinité : le « Bund » dans l’Allemagne nazie, Mark Roseman
– Les musulmans de Mabare pendant le génocide rwandais, Emmanuel Viret.

 

Conclusion 
– Le sauvetage, un concept renouvelé, Claire Andrieu.

Arméniens (DR)

 

Juifs (Album Auschwitz) DR.

 

Tutsi (DR).

 

Stéphanie Maupas :

– « Beaucoup d’études ont été consacrées aux bourreaux, aux victimes, à la Résistance. Mais les Justes – titre donné, en premier lieu, par l’Etat d’Israël aux non-juifs qui ont sauvé des vies – n’ont pas fait l’objet de recherches soutenues. La Résistance aux génocides apporte des éclairages pour « comprendre le passage à l’acte » de ces Justes, estimant notamment que « l’apparente banalité de tels gestes d’entraide préserve, même fugitivement, un espace de civilisation dans un univers de barbarie« .
Parce que la notion de sauvetage « n’a de véritable signification que par rapport au temps du génocide, comme temps de la menace de mort absolue sur les victimes désignées« , les auteurs se sont penchés sur trois génocides : celui des juifs, sous la botte nazie, celui des Arméniens par l’Empire ottoman, et celui des Tutsis du Rwanda. Trois communautés victimes d’une politique dont la finalité était l’extermination d’un groupe, auquel toute appartenance valait arrêt de mort.
(…)
Sauveteurs et persécutés « ont une connaissance (…) du risque majeur qui les menace ensemble : la destruction active de l’humanité« . Mais « l’équation du sauveteur reste à découvrir« , écrit-elle. Pour Jacques Sémelin, ils posséderaient, cependant, un trait commun essentiel, « celui d’être animé par des valeurs morales et, de ce fait, d’être ouvert à l’autre, de posséder en somme une disposition altruiste fondamentale« .
(Le Monde, 18 décembre 2008).