Hersin-Coupigny : Joséphine et Olivier Bultez reconnus Justes parmi les nations

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Dossier n°

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Hersin-Coupigny : Joséphine et Olivier Bultez reconnus Justes parmi les nations

Du 07/10/2015

 

 

 

 

Sous l’Occupation, Joséphine et Olivier Bultez ont caché un Juif dans le grenier de leur café-cinéma hersinois pendant deux mois. Israël les a reconnus comme Justes parmi les nations à titre posthume. Ce jeudi, leurs petits-enfants Nathalie et David recevront en leur nom leur médaille et leur diplôme d’honneur.

Nathalie Bultez recevra la médaille des Justes au nom de ses grands-parents, sur la photo avec leur fils Raymond.

1944. Dans la commune occupée par les Allemands, Olivier et Joséphine Bultez tiennent L’Union, un café-cinéma à une centaine de mètres de la Kommandantur. L’engagement politique, la Résistance ? « Ma grand-mère était une excellente commerçante », sourit leur petite-fille, Nathalie Bultez-Rudski.

Alors à L’Union, on trouve des clients de tous horizons, du résistant qui glisse des tracts dans la salle de cinéma à l’officier nazi qui écluse une chope en débriefant un interrogatoire. Quand la conversation du second roule trop sur les activités du premier, Joséphine dégaine son arme de distraction massive : « Tournée générale !»

Deux mois dans le grenier

Le 18 juin 1944, Joséphine et Olivier voient arriver au café Yanchel (dit Jean) Breitburd, l’époux d’Agnès Delespaul, une amie avec laquelle ils travaillaient avant guerre.

Arrêté et transféré à Drancy le 7 juillet 1942, il est déporté au camp de concentration d’Aurigny (Îles Anglo-Normandes) le 11 otobre 1943, sa qualité d’époux d’« Aryenne » lui épargnant l’extermination. À l’approche du Débarquement, les Allemands évacuent le camp d’Aurigny. Le 7 mai 1944, Yanchel est déporté vers le camp d’extermination de Neuengamme. Il profite d’un arrêt à Étaples pour s’évader, avec l’aide d’un cheminot, Pierre Leroy.

Parvenu à pied à Hersin-Coupigny, il trouve refuge au café des Bultez. « Ils l’ont caché dans le grenier pendant plus de deux mois, raconte Pascal Breitburd, le fils de Yanchel. Leur belle-fille Christiane lui apportait à manger.»

« C’était un très grand grenier avec des petits recoins sous les combles, précise Nathalie. On y accrochait encore le linge quand j’étais petite et mes parents me disaient : C’est là que tes grands-parents ont caché Jean.»

Malgré toutes les précautions prises par les Bultez, « dans les petits villages, il y a toujours des oreilles qui traînent ». Un tract dénonçant « un Juif caché » circule dans le cinéma.

Torturé pendant trois jours

Quand les Allemands viennent enquêter au café, la tournée générale ne suffit pas. « Ils ont arrêté Olivier, ils l’ont torturé pendant trois jours mais il n’a jamais parlé. Sans cet acte de bravoure, il n’y aurait plus de Bultez ni de Breitburd. »

Les deux familles sont restées très liées après la guerre : « Francelyne, la fille de Jean, est ma marraine, explique Nathalie. Tous ses enfants venaient en vacances à Hersin. On n’est pas cousins, on est encore plus.»

Cérémonie ce jeudi à 11 h à la salle des fêtes d’Hersin-Coupigny, derrière la mairie.

Nathalie Bultez: «Je suis très fière»

Pascal Breitburd, le fils de Yanchel, chargé de mission à la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA), est à l’origine de la reconnaissance de Joséphine et Olivier Bultez comme Juste parmi les nations. « Ma mère a été reconnue Juste en 2011 et je me suis dit : Pourquoi pas eux, qui ont sauvé mon père ? » Le dossier comprend les témoignages de Christiane, la fille de Joséphine et Olivier, et d’Hélène Bochet, une de leurs amies, bouchère dans la même rue. Et celui, indirect, de Pascal Breitburd : « Mon père m’en parlait beaucoup. J’étais son dernier enfant, le seul né après la guerre. Et je me suis passionné pour cette époque, j’ai fait beaucoup de recherches. J’ai essayé de retrouver la fille de Pierre Leroy, le cheminot qui l’a aidé à s’évader, mort en 2002 à Pont-de-Briques, près d’Outreau. Je sais qu’elle a vécu à Dieppe dans les années 1990 mais j’ai perdu sa trace ensuite. » « On se souviendra toujours d’eux » Joséphine et Olivier Bultez ont été reconnus Justes parmi les nations à titre posthume en juin 2014, six mois après le décès de leur fille Christiane. Aujourd’hui, leurs petits-enfants Nathalie et David recevront la médaille et le diplôme d’honneur en leur nom. « Mon grand-père était un homme effacé, il restait discret sur cette époque, raconte Nathalie. Je ne sais pas s’il aurait accepté cet hommage. Mais moi j’en suis très fière : grâce à ce titre, on se souviendra toujours de mes grands-parents et de leur courage.»

La plus haute distinction civile d’Israël

Le titre de Juste parmi les nations est la plus haute distinction civile d’Israël. L’État hébreu la décerne à des personnes non juives qui ont aidé des Juifs persécutés par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Les personnes distinguées doivent avoir procuré, au risque conscient de leur vie, sans demande ni contrepartie, une aide véritable à une ou plusieurs personnes juives en danger. Le titre est attribué par l’institut commémoratif des martyrs et héros de la Shoah Yad Vashem. Les noms sont en général proposés par les personnes sauvées ou par un proche. « Il faut au moins deux témoignages relativement directs », précise Didier Cerf, délégué régional du comité français pour Yad Vashem. Les dossiers sont préinstruits à Paris puis examinés à Jérusalem par une commission présidée par un juge de la Cour suprême de l’État d’Israël. « Qui sauve une vie… » Les personnes reconnues sont honorées au cours d’une cérémonie officielle. Un représentant de l’ambassade d’Israël remet au Juste ou à ses ayants droit un diplôme d’honneur et une médaille gravée à son nom portant une phrase du Talmud : « Quiconque sauve une vie sauve l’univers tout entier ». Leurs noms sont inscrits sur le mur d’honneur du Jardin des Justes du mémorial Yad Vashem à Jérusalem. Depuis 1963, plus de 25 000 personnes dans le monde ont été distinguées, dont 3 897 en France et 91 dont le Nord – Pas-de-Calais. « Comme les témoins directs sont de plus en plus rares, dans trois ou quatre ans, il n’y aura plus de cérémonies comme celle d’aujourd’hui », prédit Didier Cerf.
RUBEN MULLER