Les Justes de Châteaubernard entrent dans l’histoire
Hier, une foule importante a rendu un vibrant hommage aux époux Briand. Le garçon juif qu’ils avaient caché pendant la guerre était là.
Une petite femme de 92 ans s’accroche au bras de son grand fils. «Dis, tu resteras à côté de moi ?»
Tout émue et très digne, Marie-Louise Briand s’avance à la tribune pour parler de Freddy, le petit garçon juif caché chez ses beaux-parents et resté, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, «un membre de la famille». Près de soixante ans après leur mort, Joseph et Henriette Briand (1), «Justes parmi les Nations», ont été célébrés comme des héros, hier à Châteaubernard.
«On ne tue pas la mémoire»
Avec les honneurs militaires, devant une assistante nombreuse – deux cents personnes au moins – et un parterre d’élus. Mais surtout en présence de celui qui fut comme leur fils, de 1939 à 1945. Celui qui n’a jamais oublié et sans qui cet hommage «certes posthume», comme il s’en excuse, n’aurait pas eu lieu.
Dans un français parfait et éloquent, presque sans accent, Freddy Robins, ressortissant Australien de 77 ans, raconte le «cocon familial» inespéré de son enfance agressée, l’existence simple et les touchantes attentions de ce couple de Français qui a su désobéir à l’absurde pour lui sauver la vie à lui, ce gamin venu de loin et qu’ils ne connaissaient de nulle part.
À travers les souvenirs quelque fois cocasses de l’homme à jamais reconnaissant, le truculent Joseph, ancien combattant de la «Der des ders», et sa discrète mais «affectueuse» épouse revivent dans tous les coeurs.
«On dit que la justice est une roue qui tourne très lentement. Sept décennies déjà» lance celui qui s’appelait Frédéric Rubinsztajn avant l’horreur nazie, avant d’être rebaptisé un 11 novembre au nez et à la barbe de l’occupant.
«ça n’est qu’à la fin de la guerre que j’ai réalisé ce qui m’était arrivé.» Et soixante ans après qu’il a demandé cette distinction à Yad Vashem, l’association qui retrouve et honore tous ceux qui ont tendu la main aux persécutés juifs, de tous âges et de toute condition.
«Dès la première heure, cette famille a été une famille de résistants. Aujourd’hui, nous récompensons son nom» salue l’enfant adoptif des Briand, ces «gens extraordinaires.»
«On ne tue pas la mémoire» s’enthousiasme Michel Alitenssi, le délégué du comité français pour Yad Vashem, heureux de remettre la médaille et le diplôme de Justes des époux courageux, à Marie-Louise Briand, son fils Pierre-Yves, adjoint au maire, et toute la famille.
Le premier magistrat, Daniel Boyer, se réjouit de «cette grande fierté et de cet honneur pour Châteaubernard.» Avant de dévoiler la stèle des Justes, lui aussi salue leur mémoire, tout autant que celui «qui a oeuvré de toutes ses forces pour que cette famille soit aujourd’hui honorée.»
Joseph et Henriette Briand, humbles Castelbernardins, sont entrés hier au panthéon de l’humanité.
(1) Joseph Briand est décédé en 1957. Son épouse Henriette, en 1946.
source: http://www.charentelibre.fr/2012/06/19/les-justes-de-chateaubernard-entrent-dans-l-histoire,1101193.phpdu 19/06/2012
Article lié au Dossier 12086