Marcelle Lainé, fille des Justes Edmond et Germaine Bauger, était adolescente et se souvient

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Dossier n°

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Marcelle Lainé, fille des Justes Edmond et Germaine Bauger, était adolescente et se souvient

Du 22/07/2018

 

 

 

Marcelle Lainé, fille d’Edmond et Germaine Bauger, sera présente à la cérémonie d’hommage aux Justes
Aujourd’hui, Saint-Amand rend hommage aux Justes, ces hommes et femmes qui ont sauvé des juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Parmi eux, Edmond et Germaine Bauger, dont la fille, Marcelle, adolescente à l’époque, a prêté main-forte. Elle témoigne. 

Elle a aujourd’hui 87 ans. Ses souvenirs sont douloureux mais intacts. Marcelle Lainé avait 12 ans quand ses parents, Edmond et Germaine Bauger, ont accueilli et protégé le docteur Weinberg puis Charles Krameisen, deux hommes de confession juive poursuivis par les nazis durant l’Occupation. Ce dernier est d’ailleurs l’unique rescapé du drame des Puits de Guerry.

Pour avoir sauvé ces deux hommes, le couple Bauger a reçu en 2012, à titre posthume, le titre de Justes parmi les nations, la plus haute distinction civile décernée par Israël à des personnes non juives qui, au péril de leur vie, ont aidé des juifs persécutés par l’occupant nazi. « J’avais un papa incroyable !, raconte Marcelle Lainé. Il disait toujours ce qu’il pensait, il était contre Pétain et n’avait pas peur de le dire. C’était de famille, car à cette époque, mes deux frères aînés, Adrien et Fernand, étaient dans la Résistance Alors un jour, j’étais malade et mes parents m’ont emmené chez le médecin à Charenton-du-Cher, le Docteur Weinberg. Il savait qu’il pouvait compter sur mon père alors il a expliqué à mes parents qu’il était israélite et leur a demandé si, en cas de problème, ils pouvaient le cacher. Mon père a accepté tout de suite. »

« ll fallait constamment faire attention »

« Nous avions une ferme isolée au lieu-dit Las, à Charenton-du-Cher, ajoute Marcelle Lainé. Nous étions à 5 kilomètres du village. Pour Charles Krameisen, il s’est passé la même chose. Ma famille le connaissait très bien, alors il a demandé à mon père si on l’aiderait en cas de besoin. Papa a dit oui. » En 1943, le médecin échappe aux filets de la Gestapo et trouve refuge dans la ferme des Bauger. Charles Krameisen arrive ensuite à son tour après avoir échappé à la Milice et à la Gestapo lors de son évasion en direction des Puits de Guerry.

« Il a sauté d’un camion pieds nus et a couru et rampé dans des fourrés avant de se réfugier dans une ferme à Savigny-en-Septaine, se souvient Marcelle Lainé. Il y est resté trois jours avant de venir à pied, déguisé en ouvrier agricole, jusqu’à la ferme de mes parents. Je me souviens lorsqu’il est arrivé. Il n’y avait que ma mère et moi. Il est tombé dans nos bras. Nous avons donc hébergé les deux hommes en même temps, jusqu’à la fin de la guerre en 1945. »

Le danger guettait la famille Bauger en permanence. « Il fallait constamment faire attention. À la ferme, nous cultivions le secret. Les deux hommes vivaient avec nous dans la maison. Ils avaient une chambre, mais lorsque nous recevions de la famille ou des invités, il fallait les cacher ailleurs dans la ferme. Je me souviens qu’une fois, ma tante, qui habitait Vierzon, est venue nous rendre visite. Elle était plutôt favorable à la collaboration. Alors quand il fallait que j’apporte à manger à nos deux invités, je devais faire le tour de la ferme et ne pas me faire voir. Il m’arrivait aussi d’apporter, en cachette, des lettres du docteur à sa femme qui, elle, avait pu rester à Charenton. »

« Tout était compliqué pour se nourrir, se laver »

Et Marcelle Lainé ne manque pas d’anecdotes. « Une fois, le facteur a aperçu le docteur dans la maison, mais n’a pas vu son visage. Mon père lui a expliqué que c’était le frère de ma mère qui se cachait car il ne voulait pas faire le STO. Il était courageux mon père ! Ma mère aussi. Et elle était vaillante. Car cette période de la guerre a été très difficile. Tout était compliqué pour se nourrir, se laver. »

La famille possédait trois cartes d’alimentation mais il fallait nourrir cinq personnes. « Nous avons même été six à un moment car nous avons accueilli un résistant. C’était vraiment très dur. Et pour se laver aussi, car on ne trouvait pas de savon », se souvient Marcelle Lainé qui, pour rendre hommage à ses parents, participe régulièrement à la cérémonie d’hommage organisée par la ville de Saint-Amand depuis une dizaine d’années. « Ce sont des héros, mais mes parents me disaient qu’ils n’avaient fait que leur devoir », conclut la fille des Justes Bauger.

Yassine Azoug