MAYENNE- Le Buret : Justes parmi les nations. Ils ont caché et sauvé une famille juive pendant la guerre 39-45 au Buret
Du 27/03/2016
Marie-Louise et Auguste ont risqué leur vie pendant la Seconde Guerre mondiale en cachant la famille Jakubowicz. Ils ont reçu le titre des Justes parmi les Nations.
Paris, 16 juillet 1942. Les policiers arrivent au domicile de Cyna Jakubowicz et de ses trois enfants, Romain, 7 ans, Marcel, 5 ans et Rosette, 1 an et demi. Cyna refuse de partir car elle sait que les familles avec un enfant de moins de deux ans ne peuvent être déportées. Mais ce sursis est de courte durée. Cyna Jakubowicz le sait. Les arrestations et les déportations sont de plus en plus fréquentes.
Pour protéger ses enfants, la jeune maman cherche à les envoyer à la campagne. Elle réussit à entrer en contact avec Mme Perrin, secrétaire de mairie à Grez-en-Bouère. Cette dernière demande secrètement à Marie-Louise Cordier de les accueillir.
Marie-Louise élève seule ses cinq enfants au Buret. Son mari, Georges, est prisonnier de guerre. Elle demande l’avis de son père qui lui déconseille. Mais n’écoutant que son cœur, elle accepte en dépit des risques pour elle et ses enfants.
Marie Louise Cordier
Marie-Louise Cordier part à Paris le 1er octobre 1942. Le voyage du retour fut long. Le train est souvent arrêté en raison des bombardements. C’est à la nuit tombée qu’ils arrivent à Sablé. Auguste Cribier, conseiller municipal, les attend avec deux carrioles. Vingt kilomètres les séparent du Buret.
Marie-Louise doit désormais nourrir huit bouches. Officiellement, les enfants étaient des réfugiés catholiques polonais. Seule Amélie Bruneau, femme du maire, était au courant de leur véritable identité. Romain, Marcel et Rosette étaient les seuls juifs du village.
Quelque temps plus tard, Cyna Jakubowicz compte rejoindre ses enfants. À la gare de Laval, elle est arrêtée puis emmenée par la milice de la préfecture. Ses papiers sont confisqués. Le préfet, Édouard Bonnefoy, qui faisait parti de la Résistance, téléphone à Auguste Cribier pour qu’il vienne la chercher. Ce dernier fait plus de 50 km avec sa carriole. La famille est au Buret.
Famille Cordier Georges le 26 Mars 1944 Marie Louise Cordier et ses enfants
Pour rendre plus réaliste leurs fausses identités, les enfants vont à l’école mais aussi à l’église. Auguste Cribier a réussi à convaincre le curé de l’époque à prendre Romain et Marcel au catéchisme et comme enfants de chœur. Mme Bruneau aide Cyna à trouver du travail dans les fermes voisines et des logements. La famille Jakubowicz vécut dans la commune jusqu’en septembre 1947.
Cyna Jakubowicz a pu vivre en effectuant des petits travaux divers dans le village. La famille retourne ensuite vivre à Paris. « Par leur courage, leur compassion sans faille, Marie-Louise Cordier, Auguste Cribier et Amélie Bruneau ont caché, aidé ses quatre personnes. Ils ont préservé le secret de leurs origines juives pendant deux longues années de guerre permettant à Cyna Jakubowicz et ses enfants d’échapper, s’ils avaient été arrêtés par Vichy, à une mort certaine comme ce fut le cas pour Herz Mordka Jakubowicz, le mari de Cyna », a déclaré Pierre Osowiechi, vice-président du comité français pour Yad Vashem.
La famille Jakubowicz et la famille Cribier sont toujours restées en contact. Sur les 320 000 Juifs qui vivaient en France en 1940, 76 000 dont 11 400 enfants ont été déportés. 2 551 survivants seulement sont revenus… Mais parmi eux, aucun enfant.
« Éternellement reconnaissants »
Une cérémonie officielle a de nouveau réuni ces deux familles mais aussi les descendants de la famille Bruneau. Le représentant de l’ambassade d’Israël a remis aux descendants des familles Cordier et Cribier la médaille, le diplôme et le titre des Justes parmi les nations, la plus haute distinction civile de l’État d’Israël. Rosette et Romain Jakubowicz ont apporté leur témoignage.
C’est avec émotion que nous rendons hommage à Marie-Louise Cordier et Auguste Cribier. Ils furent de belles et bonnes personnes pleines de compassion et d’humanité. Ils nous ont aidés à échapper à Hitler et à Vichy. Amélie Bruneau est le 3e maillon essentiel. Elle nous a permis de vivre normalement avec les autres enfants. Ces trois héros anonymes ont permis à notre maman d’assurer, ce qui lui tenait le plus à cœur, l’avenir de ses enfants. Nous leur serons éternellement reconnaissants.
Le petit-fils d’Auguste Cribier est également intervenu.
Nous sommes très fiers de lui. Il était un homme d’honneur. On a toujours à apprendre du passé. Il ne suffit pas de dire plus jamais ça. L’actualité récente nous démontre que les leçons du passé n’ont pas été retenues. Notre seule arme aujourd’hui est le devoir de mémoire.
Article lié au Dossier 12945