André Arnal raconte le périple de réfugiés juifs cachés par sa famille, jusqu’en haute Corrèze
Jean Arnal et Fritz Blum se retrouvent, en 1977, au pied de la maison Arnal. – USSEL Photo
Originaire de l’Aveyron, André Arnal vient de publier son premier livre consacré à sa famille, nommée Justes parmi les Nations. Une histoire qui traverse les frontières et s’arrête à Maussac durant la guerre.
«Mon père est décédé en 1975 et il ne m’avait jamais parlé de cette histoire. C’est lorsqu’on m’a dit, en 2005, que mes grands-parents paternels allaient être nommés Justes parmi les Nations (*), que j’ai appris leur action résistante durant la Seconde Guerre mondiale. Et j’ai eu envie de l’écrire, de porter ces valeurs qu’il est plus que jamais nécessaire aujourd’hui de mettre en avant. »
André Arnal, directeur d’école à la retraite et originaire de l’Aveyron, a donc pris sa plume et son cahier d’enquêteur pour retracer l’histoire d’une famille de Justes qui croise une famille juive dans une France en guerre et qu’il fait revivre à travers un livre Des Juifs et des Justes, paru le mois dernier, aux Éditions Empreinte (19,5 €). Un livre enquête où le petit-fils remonte le fil de l’histoire et suit, notamment, l’errance de Fanny, Sarah, Fritz et Berthold et, à travers eux, le quotidien de juifs condamnés à se cacher, à vagabonder d’une maison de résistance à l’autre. Un récit poignant émaillé de témoignages, de correspondances et de photos et qui fait escale en haute Corrèze, à Maussac. « Ma famille paternelle, originaire du sud de l’Aveyron, mes grands-parents, mes oncles et tantes, avaient caché des juifs, réfugiés allemands et autrichiens, durant la guerre, explique André Arnal. Toute la famille était complice pour héberger ces réfugiés. Ils sont arrivés à Maussac, en 1943, un seul a survécu, Fritz Blum. Il était revenu dans notre village en 1997 et j’ai gardé contact avec son fils qui habite au Canada et avec la fille de la fiancée de Fritz. Passionné d’histoire, j’ai voulu retracer cette période pour que l’on n’oublie pas. Aujourd’hui, on revoit la haine, le rejet de l’autre, le communautarisme. Il faut éviter que cela ne recommence. »
André Arnal consulte alors les Archives départementales de tous les lieux où les réfugiés étaient passés, les associations et rencontre quelques témoins sur les communes, comme le voisinage de Maussac et une descendante de Mme Razet qui, enfant, a vu grandir à ses côtés ces réfugiés. Maussac, une commune qui a aussi accueilli, en 1943, le mariage de Fanny et Fritz. Fritz travaillait aux usines Montupet d’Ussel, avec un camarade lui aussi réfugié mais dans la cité des Ventadours. « J’ai voulu aussi raconter la vie des juifs, leur quotidien durant cette terrible période. J’ai retrouvé des correspondances, une soixantaine de lettres écrites par les réfugiés de 1941 à 1943 et après la guerre, où ils racontent leur quotidien. On ressent leurs angoisses, leurs peurs. »
Témoins de la rafle de Meymac-Maussac
Conclusion de quatre ans de recherches détaillées, sur la piste de ces réfugiés à travers leur périple et les témoins de l’époque, son livre apporte un éclairage de l’intérieur des événements. Un récit qui dépasse les frontières, les descendants des protagonistes vivant aujourd’hui entre le Canada, l’Angleterre, Israël et les États-Unis.
L’histoire. Fritz Blum, un juif autrichien, rentre clandestinement en France en 1938 et s’engage dans l’armée française. Résidant dans l’Hérault, il fait la connaissance, lors de périples pour se ravitailler dans l’Aveyron, de la famille Arnal, en octobre 1941. Une histoire d’amitié et d’entraide entre les deux familles se tisse rapidement. « Il venait de Graissessac, un village de l’Hérault situé à cinquante kilomètres. On l’invite à partager notre repas. Et comme ça, il nous raconte son histoire. Il nous dit qu’il est de religion juive, mes parents répondent qu’ils sont catholiques. Ça s’est arrêté là. »
Dans son livre, le témoignage de Jean Arnal, seize ans à l’époque qui introduit une histoire d’amitié entre Fritz, Rosa, sa fille Fanny et la famille Arnal. Lorsque la persécution contre les juifs s’intensifie, Fritz est hébergé dans une maison de la famille Arnal à Sylvanès, puis dans leur grange. Début 1943, ils sont dirigés en Corrèze (voir ci-dessous). Certains sont envoyés dans les camps. Seul Fritz en réchappera.
(*) En 2008, à la mairie de Saint-Affrique, dans l’Aveyron, les descendants de la famille Arnal et ceux de Fritz Blum, l’un des juifs cachés, décédé en 2000, se retrouvent pour la cérémonie où les grands-parents Arnal sont consacrés Justes parmi les Nations.
source: http://www.lamontagne.fr/limousin/actualite/departement/correze/2012/11/04/andre-arnal-raconte-le-periple-de-refugies-juifs-caches-par-sa-famille-jusquen-haute-correze-1320652.html du 04/11/2012
Article lié au Dossier 10938