Boulogne-Billancourt : la famille n’a pas oublié le fermier du Cantal qui lui a sauvé la vie

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Dossier n°

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Boulogne-Billancourt : la famille n’a pas oublié le fermier du Cantal qui lui a sauvé la vie

Du 05/06/2019

 

 

 

 

Boulogne, 4 juin 2019. Laurence Scebat est la fille Raymonde, petite fille de trois ans cachée avec d’autres membres de la famille pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans ses mains, une photo de la ferme de Pierre Delbos dans le Cantal. LP/Estelle Dautry
Une cérémonie est organisée ce jeudi à la mairie de Boulogne-Billancourt pour honorer Pierre Delbos, reconnu Juste parmi les nations à titre posthume. En présence de la petite fille juive de trois ans qu’il a sauvée en la cachant pendant la guerre.

Pendant deux ans, de 1942 à août 1944, Pierre Delbos cache dans sa ferme du Cantal quatre juifs d’une même famille. Laurence Scebat, la fille de l’une des survivantes, s’est battue pour qu’il soit reconnu Juste parmi les nations à titre posthume.

C’est aujourd’hui chose faite, et la cérémonie officielle se tient ce jeudi en mairie de Boulogne-Billancourt, où vivent Laurence et sa mère, Raymonde Kalma.

 En 1942, Raymonde a trois ans. Son père est interné à Pithiviers (Loiret) avant d’être déporté et assassiné à Auschwitz. Sa mère trouve un passeur pour emmener la petite fille en zone libre. Avec sa tante Léa Konski, âgée de 16 ans, l’enfant trouve refuge dans la ferme de Pierre Delbos à Niac, dans le Cantal. Quelques semaines après, elles sont rejointes par Eta Konski, la grand-mère maternelle de Raymonde, et son fils, Maurice Konski.

La ferme de Pierre Delbos, à Niac dans le Cantal au début des années 1980. C’est ici qu’il a caché quatre juifs de 1942 à 1944. DR

Pierre Delbos a alors 42 ans. Il vit seul. Comment les quatre juifs parisiens se retrouvent-ils chez lui ? Raymonde, qui est la seule survivante aujourd’hui, n’était qu’une enfant et n’a jamais su exactement.

Pendant deux ans, il laisse sa chambre à la famille

Sa fille, Laurence Scebat, a reconstitué une partie du récit. « Une des sœurs de ma grand-mère, est allée en Auvergne à la recherche d’un lieu où faire héberger sa famille. Faisait-elle partie d’un réseau de résistance ? Je ne sais pas. Toujours est-il que son rendez-vous ne vient pas. À la place, elle rencontre un certain André. Il possédait une distillerie à Paris, dans laquelle Pierre Delbos a travaillé avant la guerre. Je pense que c’est comme ça qu’il se retrouve mêlé à l’histoire et voit arriver chez lui, quelques mois plus tard, ma mère et sa tante ».

Pendant deux ans, Pierre Delbos laisse sa chambre à la famille. « Il n’avait grand-chose, quatre vaches et un cochon, explique aujourd’hui son neveu, René Delbos. Il s’est débrouillé, il a été très généreux. »

Après la guerre, Pierre Delbos ne parle pas de ce qu’il a fait, même si dans le hameau de Niac, qui compte une dizaine de maisons, tout le monde était au courant. « Personne ne les voyait. Une dame âgée de 97 ans m’a raconté qu’elle voyait de temps en temps Maurice, l’oncle de ma mère, alors âgé d’une vingtaine d’années. Peut-être qu’il aidait Pierre Delbos à la ferme. »

Raymonde et Léa. La fillette et sa tante ont passé deux ans dans la ferme Pierre Delbos, cachées au reste du village. DR.

« Quand il venait, c’était comme si le bon Dieu était là »

Le fermier entretient des relations distantes avec sa famille. « Après la Guerre, chaque année, on disait que l’oncle était parti à Paris chez la famille juive », se souvient René Delbos. Mais personne ne lui pose de question jusqu’à sa mort, en 1971.

À Paris, Pierre Delbos se rend effectivement chez Maurice Konski. « Je me souviens que quand il venait, c’était comme si le bon Dieu était là, sourit aujourd’hui Laurence Scebat. Il repartait dans le Cantal avec une valise de costumes que Maurice, qui était tailleur, lui donnait. Des costumes qu’il n’a jamais portés à la ferme… »

Il y a quelques années, Raymonde confie à sa fille Laurence vouloir rendre hommage à celui qui l’a sauvée. L’été 2016, Laurence Scebat contacte René Delbos. Elle souhaite monter un dossier pour que son oncle soit reconnu Juste parmi les nations par Yad Vashem. La reconnaissance est arrivée en janvier 2018. Aujourd’hui en France, 4 088 personnes se sont vues accorder le titre de Juste pour avoir sauvé des juifs, au péril de leur vie.

Maurice Konski, devenu tailleur après la guerre, offrait régulièrement des costumes au fermier qui l’a caché pendant deux ans. DR

«Ma mère est très heureuse »

« Ma mère est très heureuse. Un peu stressée, c’est sa toute petite enfance qui remonte, explique Laurence. Elle est aussi fière que moi que cette reconnaissance ait lieu. Et en 2019, avec les relents antisémites et la barbarie que nous voyons encore dans le monde, montrer qu’il y a eu des gens bien et que quand il y en a, ça peut changer le cours de l’histoire, c’est très important à mes yeux. » Le seul regret de Laurence, c’est de n’avoir trouvé aucune photo de Pierre Delbos.

Son neveu René sera ce jeudi à Boulogne, accompagné de sa famille. « À mon grand regret, j’ai très peu connu mon oncle. Aujourd’hui, je suis très fier de ce qu’il a fait », confie celui qui vit toujours à quelques kilomètres de la ferme de Niac.

Raymonde Kalma et sa grand-mère Eta, après la guerre. DR