De la Rafle du Vel d’Hiv aux Justes

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Dossier n°

De la Rafle du Vel d’Hiv aux Justes

 

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A g., symbole d’une police parisienne aux ordres. A dr., la seule photographie connue et authentique prise lors de la rafle du Vel. d’Hiv. (Montage JEA / DR).

16 juillet 1942
16 juillet 2009…

Serge Klarsfeld a rappelé ce qu’il avait écrit, il y a quelques années dans le Monde :

– « le 16 juillet 1942 est la page la plus noire de l’histoire de France »,

lors de la commémoration organisée comme chaque année par les Fils et filles des déportés juifs de France.
Ce 16 juillet 2009, la cérémonie s’est tenue à l’emplacement même du Vel d’Hiv. Là où furent littéralement parqués, dans des conditions inhumaines, 13152 juifs, les 16 et 17 juillet 1942. Avant leur déportation à Auschwitz d’où aucun enfant n’est revenu.

La presse relatant peu ou pas ce qui se déroule en « province », cette page réserve un écho à une autre cérémonie, celle de Charleville-Mézières (Ardennes).
A la tête de la Communauté, Jacques Namer (1), a dignement fait entendre la voix des survivants et de leurs descendants.

Jacques Namer :

– « Avant de lire le message du président du Consistoire Central de France, je voudrais rendre hommage et exprimer toute ma reconnaissance aux personnes représentant le ou les membres de leur famille reconnus comme Justes parmi les nations.
LES JUSTES DE FRANCE sont pour moi ceux et celles, qui au péril de leur vie et celle de leurs proches, parents ou amis, ont trouvé le courage de sauver des juifs.
Alors que la majorité de la population française était tétanisée par la peur et les difficultés quotidiennes eux, ce qui paraissaît impensable tant le danger était partout présent, ils ont osé agir, simplement sans bruit, naturellement par solidarité.
Sans eux, il est probable que ma famille et moi et par extension, mon fils et nos six petits-enfants ne serions pas de ce monde. Aussi je ne cesserai d’avoir envers ses héros de l’ombre une reconnaissance infinie.
Et c’est au nom des survivants et enfants de survivants que je voudrais m’exprimer : Merci à vous JUSTES DE FRANCE pour ce magnifique cadeau que vous nous avez donné : le droit à LA VIE.

Message du Président du Consistoire Central de France, Joël Mergui.

Le Mémorial de la Shoah se trouve rue Geoffroy Lasnier dans le quatrième arrondissement à Paris, dans ce quartier même où vivaient des centaines de familles juives venues des pays de l’Est de Pologne, de Russie, d’Allemagne, d’Autriche pour trouver en France, pays des Droits de l’homme tout ce qu’un homme est en droit de désirer pour sa dignité. Un travail, un logement, un droit à l’éducation pour ses enfants et le respect dû à tout citoyen.
La Rafle du Vel d’hiv le 16 juillet 1942, deux jours après la Fête Nationale qui n’existait plus, anéantit tout sur son passage. 12 884 juifs étrangers et dits apatrides sont arrêtés dont 4000 enfants. L’objectif était de 27 391 juifs recensés à Paris et en banlieue afin de « débarrasser la France de ses juifs apatrides », mais les rumeurs, les informations ont permis à beaucoup de ne pas être présents lorsque les coups ont été frappés à leur porte. Afin de ne pas décevoir les autorités allemandes, les représentants de la force publique française arrêteront « aussi » les enfants.
Une note sur papier à en tête normal datée du 13 juillet 1942, établie par le Directeur de la police M. Hennequin donne ses instructions aux « agents capteurs ».
Une note sur papier à en tête normal signée par René Bousquet, Secrétaire Général à la police pour le gouvernement de Vichy datée du 15 juillet 1942 confirme que la police française est chargée des arrestations.
Une note circulaire sur papier à en tête normal signifie à 1568 gardiens en civil leurs tâches d’arrestation avec une précision pour le classement des fiches concernant les absents.
De même une fiche à en tête normal demandait la mise à disposition de 44 bus à partir de 5 heures du matin et jusqu’à la fin du service.
Papier à en tête, cachet des services, règlement tout est « normal ». Tout sauf la France, celle des Droits de l’Homme qui a disparu le 10 juillet 1940 par suite des pleins pouvoirs donnés au Maréchal Pétain. Car il était tout sauf normal d’arrêter des juifs hommes, femmes, vieillards, enfants parce qu’ils étaient juifs.
Chaque samedi dans toutes les synagogues de France nous faisons une Prière pour la République Française pour qu’y règne, la paix, l’ordre et la justice. Pour que ce qui s’est passé le 10 juillet 1940 ne se reproduise jamais. Accepter de perdre ses valeurs c’est rendre le pire possible. Accepter un seul jour l’inacceptable c’est déjà être prêt à l’accepter tous les jours.

Voilà pourquoi, inlassablement le Consistoire de France et toutes les Communautés de France, nous nous élevons avec vigueur contre toute dérive négationniste et son nouveau corollaire l’antisionisme. Etre négationniste, c’est nier au peuple juif le droit d’être reconnu comme victime d’un massacre aux dimensions jusque là inconnues. Etre antisioniste, c’est nier au peuple juif le droit à l’existence d’un Etat juif sur sa terre. L’irréparable a déjà a été commis. En parler sans respect c’est recommencer c’est insulter la Mémoire de nos six millions de frères et sœurs déportés et exterminés c’est impossible, inacceptable, insupportable.
Voilà pourquoi ces commémorations que certains pouvaient penser il y a quelques années inutiles sont plus que jamais indispensables. 4000 enfants ont été arrêtés le 16 juillet 1942. Une ou deux poupées sont conservées au Mémorial de la Shoah. Il n’existe qu’une seule photographie du Vel d’Hiv et les rares survivants chaque jour disparaissent. Notre travail de Mémoire est notre travail d’hommes et de femmes responsables qui rêvons pour nos enfants une vie d’hommes libres et dignes. Préserver la mémoire des victimes de la barbarie, c’est contribuer à leur rendre leur dignité d’hommes, à eux qui ont été privés de tout droit, même du droit à une sépulture.
Cette cérémonie aura peut-être fait prendre conscience à une personne de la fragilité de la démocratie et du nécessaire engagement citoyen pour préserver ses valeurs. Pour cette personne, où qu’elle soit, il était utile et indispensable que cette cérémonie ait lieu.
2 jours après le 14 juillet, par cette cérémonie, nous formons le vœu que la France soit et continue à être pour tous les pays du monde une terre de liberté et des droits de l’homme, de tous les hommes et de toutes les femmes.

Par cette cérémonie, nous souhaitons également rendre un vibrant hommage aux Justes de France, véritables héros de la Nation. Ils ont, par leur courage et par leur humanité, sauvés des Juifs d’une mort certaine au péril de leur propre vie. Eux seuls ont permis à la France de ne pas sombrer totalement. Nous ne saurons jamais assez les en remercier. »

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Lettre manuscrite (2) de la petite Marie Jelen. Elle écrit à son père, Icek Jelen, mis au travail forcé dans une colonie de la WOL à Frénois dans les Ardennes (Cadrage JEA/ DR).

 « Cher papa

On nous emmène au Velodrome
d’hiver mais faut pas nous
écrire maintenant parce que
c’edst pas sûr qu’on restera là.
Je t’embrasse bien
fort et maman
aussi
ta petite fille qui pense
toujours à toi
Marie »

Marie Jelen et sa mère, Estéra, seront transférées à Pithiviers d’où partira le convoi 35 du 21 septembre 1942 pour Auschwitz.

NOTES :

(1) Nos remerciements à Jacques Namer qui sut passer outre les blocages de la Préfecture sur la mémoire du Judenlager des Mazures (Ardennes) et sur les trois Justes reconnus dans l’histoire de cet unique camp pour juifs de Champagne-Ardenne.

(2) Lire le courrier d’une gamine prise dans les engrenages de la Shoah sur le site :
« Mémoire juive et éducation » de D. Natanson.