Deux « Justes » béarnaises honorées à titre posthume

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Dossier n°

12855

Deux « Justes » béarnaises honorées à titre posthume

Du 15/06/2015

 

 

 

 

A la mairie de Nay, Michèle Lucante, petite-nièce de Thérèse Trébuquet, reçoit la médaille des Justes des mains de Michel Alitenssi, délégué régional de Yad Vashem. (Ascencion Torrent)

Deux très discrètes héroïnes de la Seconde Guerre mondiale ont reçu hier, à titre posthume, la médaille des « Justes parmi les nations », gage de gratitude de l’Etat d’Israël et de l’Institut Yad Vashem à l’égard de ceux qui secoururent, parfois au péril de leur sécurité, des juifs pourchassés par les nazis et leurs collaborateurs.

A Nay, Thérèse Trébuquet (1873-1946), veuve sans enfant d’un tanneur, recueillit de 1940 à 1942 la petite Betty, alors âgée de 6 ans (elle est à l’initiative du déclenchement de la procédure de reconnaissance de l’action de sa bienfaitrice), son frère Harry et leurs parents. Le diplôme et la médaille ont été remis à Michèle Lucante, 67 ans, l’aînée des petits-neveux de la défunte, entourée de son frère Georges, 66 ans, sa soeur Françoise, 65 ans, et d’autres proches. Résidant à New York, Betty Grumet (née Both), aujourd’hui âgée de 82 ans, n’a pu assister à la cérémonie. Elle a adressé à Alice Larrivière, apparentée à Thérèse Trébuquet, une lettre émouvante lue à la mairie de Nay. « Elle nous a traités comme si nous étions sa famille. Je l’ai considérée comme ma grand-mère. Elle avait un visage aimable. Elle était belle intérieurement et infiniment courageuse. Elle a mis sa propre vie en danger pour sauver la nôtre. Je suis allée à l’école du quartier jusqu’en 1942. Mon père a été dénoncé, déporté au camp d’Auschwitz où il est mort », écrit-elle en substance. Revenue pour la première fois en 2002 avec son fils Mark, Betty Grumet tissa des liens et rassembla nombre d’éléments soumis avec succès auprès de Yad Vashem.

Son délégué régional, Michel Alitenssi, s’est rendu à Nay accompagné de Laurent Preece, diplomate de l’ambassade d’Israël. Tous deux, et dans leur sillage le maire Guy Chabrout, la députée Nathalie Chabanne et Marie Aubert, secrétaire générale de la préfecture, ont salué la mémoire de « ces anonymes au comportement héroïque qui font la fierté et l’honneur de la France ». Le monde compte à ce jour 25 686 « Justes parmi les nations », dont 3 853 en France, 360 en Aquitaine, une centaine dans les Pyrénées-Atlantiques « et 24 dans le Pays de Nay », glisse Guy Chabrout.

Une armée de l’ombre

A Soumoulou, Erika Apfelbaum entourée de Gérard et Danièle, les petits-enfants de Gabrielle Navailles. (Ascencion Torrent)
A Soumoulou, ce sont Gérard Navailles et Danièle Doal, 66 et 65 ans, les petits-enfants de Gabrielle Navailles (1888-1978) qui ont reçu les hommages dus à leur aïeule qui aida Erika Apfelbaum et sa mère, réfugiées entre 1941 et 1944 (lire notre édition du 11 juin) dans la commune où naquit le 3 novembre 1943 le Pr René Frydman, pionnier de la fécondation in vitro. A 81 ans, la vénérable vieille dame est venue de Paris dire « à quel point » elle a « partie liée avec ce village ». Des sanglots dans la voix, elle rend grâce à « la grande dame autonome et indépendante qui n’a pas hésité à nous cacher, fin 1943-début 44, dans un climat de peur aux rumeurs alarmistes ». Plaidant la cause, auprès de la commission d’attribution de la distinction, de ces valeureux soldats d’une « armée de l’ombre », Erika Apfelbaum se désole de n’avoir pu obtenir satisfaction pour un autre de ses bienfaiteurs : Henri Gaits. Alors gendarme, « au petit matin du 26 août 1942, après la rafle, il nous avait fait descendre du bus prêt à partir pour Gurs, antichambre de Drancy et d’Auschwitz », relate-t-elle. Son fils Roger Gaits, qui n’avait que 4 ans au moment des faits, mesure mieux maintenant le sens d’une telle conduite. « Il a fait ce qu’il a fallu faire. J’en suis très fier », confie-t-il, submergé par l’émotion. Le même sentiment habite les descendants de Gabrielle Navailles.

D’autres noms affleurent à la mémoire d’Erika Apfelbaum : le Dr Lasserre, Mlle Laloye, sa maîtresse d’école, ses copines de classe Rosa, Odette et Raymonde. « Justes » ou pas, celles et ceux qui bravèrent les consignes ont « fait leur devoir » en des temps où beaucoup trop s’en abstinrent. Leur exemple doit parler aux jeunes générations, « car on ne bâtit rien de bon sur l’oubli et le mensonge », insiste Laurent Preece.

Renée Mourgues