Hommage à la famille Baud de Fourques fut la bonne étoile d’Albert et Henri, deux enfants juifs

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Dossier n°

Hommage à la famille Baud de Fourques fut la bonne étoile d’Albert et Henri, deux enfants juifs

Publié le 09/05/2013

 

 

Simone (ici avec son époux) la fille de Gaston Bau, posant aux côtés de Henri Galer, aujourd'hui établi à New-York, et de sa femme.

 

 

 

Emouvante cérémonie ce mercredi matin à Fourques où, à l’initiative de la municipalité, un hommage solennel a été rendu aux époux Charles et Joséphine Bau, ainsi qu’à leur fils Gaston, tous trois Justes parmi les nations (le titre leur fut décerné le 14 août 1978 par l’institut Yad Washem) pour avoir hébergé et sans doute sauvé de la barbarie nazie, deux jeunes enfants juifs, Albert et Henri.

Tous deux avaient fait le déplacement, l’un d’Israël, l’autre des Etats-Unis, pour inaugurer la verte allée d’espérance qui porte désormais le nom de la famille Bau, le long du Rhône, à portée de voix de la maison du Vieux-Pont, qui abrita, durant l’occupation, ces deux enfants. “Les noms de Charles, Joséphine et Gaston Bau sont l’honneur de Fourques, le symbole des valeurs humanistes de justice, de tolérance et de fraternité”, a souligné le maire, Gilles Dumas, devant le village tout entier réuni pour consacrer le courage de ce couple de modestes maraîchers et de leur fils Gaston, alors âgé de 17 ans, qui hébergèrent également des aviateurs anglais et des résistants, malgré la présence de la Kommandantur installée dans une maison toute proche.

Arrivé en juin 1942, Henri, qui avait alors 6 ans et demi resta six mois sous la protection de la famille Bau. Albert, lui, y demeura de l’automne 1942 à la mi-1945, scolarisé dans l’école publique du village sous le nom d’Albert Flamand. “Les Bau sont ma vraie famille, ce sont eux qui m’ont élevé. C’était leur vraie façon d’aimer”, a commenté non sans émotion Albert Sadé, que Charles et Joséphine auraient volontiers adopté si sa famille n’avait redonné signe de vie au lendemain de la guerre. De retour en Israël, Albert fit une brillante carrière de diplomate.

Derrière la plaque émaillée de l’allée qui s’enrichira d’ici quelques mois d’un petit mémorial en granit (la souscription pour sa conception est lancée) rappelant “le devoir d’humanité” de la famille Bau dont le nom est gravé à tout jamais sur le Mont du Souvenir à Jérusalem, ainsi que sur le mur du mémorial de la Shoah à Paris, chaque invité a vu “ces hommes et femmes vivants qui se sont levés du fond de la nuit, du tréfonds du néant”. Pour s’élever au péril de leur vie contre l’inacceptable. En Languedoc-Roussillon, ils sont 161 Justes parmi les nations (3 707 en France) officiellement reconnus par l’institut Yad Washem, qui avait délégué pour cette cérémonie, son porte-parole régional, Yvan Beltrami.

Après avoir rappelé la tragédie des six millions de juifs exterminés et des 76 000 enfants déportés – dont seulement 2 250 revinrent – le délégué a souligné : “Trois-quart des juifs qui résidaient alors en France ont eu la vie sauve grâce à des non-juifs, qui ont eu le courage de braver tous les dangers, au nom de leur humanité”. L’humanité, voilà bien là le mot qui a également ponctué l’intervention du préfet du Gard, Hugues Bousiges, et de la députée Françoise Dumas dont un parent, Robert Maurel, médecin et organisateur d’un maquis en pays d’Arles, fut également caché quelques jours durant dans le grenier de Charles et Joséphine Bau, “une famille qui s’est indignée pour changer le monde, pour que les enfants aient une vie d’enfants, d’êtres en devenir”. 

 En ces temps de crise qui mettent trop souvent à mal le pacte démocratique sous les coups de boutoir du repli sur soi, de la recherche de boucs-émissaires et parfois, hélas, de crimes racistes, Hugues Bousiges auquel on doit la semaine de la Fraternité organisée du 21 au 28 mars dernier, a rappelé à tous et chacun que “la liberté, l’égalité et la fraternité inscrits au fronton de nos mairies, n’étaient pas des mots de notre histoire mais des mots d’aujourd’hui. Ce sont les mots de ceux qui sont morts, ils doivent nous rappeler à tout instant notre devoir d’humanité”, a-t-il affirmé, avant de souhaiter “que le message de la famille Bau résonne dans la vie quotidienne”. “Derrière cette plaque commémorative, il y a des visages, des histoires et des coeurs qui battent”, a-t-il conclu.

La voix nouée par l’émotion, Henri Galer et Albert Sadé ont partagé une même reconnaissance envers la famille Gau : “Nous leur devons la vie. Et si Gaston vivait encore, il serait très fier”. Une larme perla alors dans les yeux de Simone et Alain, les deux enfants de ce père-courage qui s’en allait chaque matin à l’école avec son petit copain juif, Albert. Il lui avait posé deux seuls interdits : ne pas trop traîner sous les fenêtres de la Kommandantur et ne pas figurer sur les photos de classe. Au premier rang des invités, Mme Coste, 82 ans, qui fut l’institutrice du petit Albert, s’est rappelée comme si c’était hier, de sa frimousse.