Hommage à Simone Veil au Camp des Milles : « Si maman était là, elle serait éblouie »
Du 22/01/2018
Au Camp des Milles, Pierre-François Veil a évoqué sa mère et la nécessité de transmettre. Photo Florian launette
Pierre-François, le fils de Simone Veil, était hier en visite au site-mémorial du Camp des Milles pour un hommage à sa mère, par le Crif et la fondation.
Ne rien faire, c’est laisser faire. Des mots élevés comme un étendard résistant dans un camp où rien ne peut être oublié. Aux Milles, les portes du site-mémorial sont grandes ouvertes, afin que personne ne puisse oser dire de nouveau qu’il ne savait pas.
« Maman serait très heureuse » a dit, ému, Pierre-François Veil. « Elle était très attachée à ce lieu, elle y était venue en 2003. Si maman était là aujourd’hui, elle serait éblouie du travail qui a été fait et de la renaissance du camp des Milles tel qu’il était à l’époque tragique. Le travail fait est remarquable. J’étais déjà venu avant cette transformation et j’ai découvert aujourd’hui cette allée des Justes de tous âges, toutes confessions, tous métiers. C’est un symbole magnifique que la France peut offrir au monde. Ce combat de plus de 4 000 personnes reconnues comme Justes parmi les Nations. Des gens qui au péril de leur vie et de celles des leurs, ont été une sorte de gilet de sauvetage pour les juifs qui fuyaient les atrocités. Au bout de l’allée ce wagon. Un parmi une quinzaine de convois partis en août et septembre 42. Sur 70 000 juifs arrêtés en France, 2 500 sont rentrés. » Dont sa mère. Simone Veil a été une des survivantes de la déportation, femme de lettres et politique, militante et déterminée.
Un vibrant hommage
C’est dans le cadre de la semaine d’éducation face à l’antisémitisme et l’extrémisme identitaire que la fondation du Camp des Milles et le Crif Marseille-Provence ont tenu à lui rendre hommage. Elle qui a soutenu, avec ténacité, le projet du camp des Milles. Bruno Benjamin, président du Crif, et Alain Chouraqui, président-fondateur de la fondation du Camp des Milles, en présence de François Heilbronn, vice-président du Mémorial pour la Shoah dont Simone Veil a été la présidente, ont tenu à remettre à son fils Pierre-François une médaille et tellement de reconnaissance.
« Depuis 2012, plus de 350 000 personnes dont plus de la moitié sont des enfants. L’an dernier, 42 000 scolaires y sont venus. C’est la transmission d’un message de tolérance et de vigilance sur le monde dans lequel nous vivons, surtout à l’époque troublée dans laquelle nous sommes. C’est essentiel » a souligné Pierre-François Veil, en remerciant vivement l’assemblée pour cet hommage car « comme tous les fils, nous pensons que notre mère est unique ».
Vigilance et résistance
Sa visite en 2003 quand le site était encore à l’état brut a marqué les esprits, comme si sa présence confirmait la nécessité de ce projet mémoriel. Le président-fondateur de la fondation du Camp de Milles, Alain Chouraqui, s’est souvenu de son arrivée « à sa manière, courtoise et réservée. Nous avons visité pendant plus d’une heure sans un mot. Comment ressentait-elle notre projet ambitieux ? Avant la fin, elle m’a serré contre elle. J’avais compris qu’elle partageait l’émotion et la nécessité de préserver ce site pour en faire un lieu de mémoire. Elle n’a jamais cessé de nous soutenir et c’était essentiel face à des Autorités qui, presque jusqu’au bout, n’étaient pas convaincues qu’il fallait remuer cette histoire. »
« Lors de cette visite, elle m’avait dit : « la bataille contre le mal n’est jamais gagnée d’avance. Elle implique un engagement de tous les instants car pour certains, il existe un antisémitisme ordinaire, comme ils pensent qu’il existe une relativité dans le mal » a ajouté Bruno Benjamin, président du Crif. « Ce camp unique est le mieux conservé en France, il joue un rôle de passerelle entre les générations pour garder à l’esprit la vigilance et la résistance afin que ça ne se reproduise plus. Ce souci d’éducation animait Simone Veil car le savoir et l’analyse sont nécessaires pour comprendre l’intolérance. »
La visite de ce site chargé d’histoire, d’où sont parties des centaines de personnes juives, artistes ou opposantes politiques pour les camps d’extermination, a été pour tous d’une grande émotion, jusqu’aux larmes (lire ci-dessous).
Dans les moindres recoins de cette ancienne tuilerie aux briques rouges, suinte la tragédie qui s’y est nouée. Une exposition, des objets, des témoignages bouleversantsconstituent un antidote à l’oubli et permettent de comprendre les comportements humains et mécanismes qui peuvent conduire à un génocide. Simone Veil, au matricule 78651 tatoué sur son bras comme une souffrance indélébile, n’a jamais cessé de témoigner. Le Camp des Milles prend aujourd’hui sa relève pour que l’oubli soit impossible.
Laure Gareta