Il fallait bien les aider !

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Aujourd’hui sort en librairie le livre de François-Guillaume Lorrain: « Il fallait bien les aider ». Quinze histoires extraordinaires de Justes parmi les Nations.
Le 6 décembre 1942, Jeanne Acgouau et Jean-Baptiste Rogalle aident une dizaine de Juifs à fuir la France en traversant les Pyrénées. La même année, Lucienne Daniel cache son futur époux et toute sa famille dans une blanchisserie parisienne. Quant à Odette Blanchet, elle n’a pas 18 ans lorsqu’elle décide de quitter sa ville de Tours pour protéger une mère et ses enfants…
Que sont devenus ces héros de l’ombre qui, au péril de leur vie, ont secouru des Juifs pendant la période de l’occupation ?
Afin de reconstituer les multiples chaînes de solidarité qui se sont nouées discrètement en France à cette époque, François-Guillaume Lorrain est parti, grâce à l’aide du Comité français pour Yad Vashem, à la rencontre des derniers Justes vivants. Il est aussi retourné dans les lieux de sauvetage, retrouvant des descendants de Justes ou de Juifs sauvés qui s’étaient engagés dans de longues démarches mémorielles. Car, très souvent, il a fallu plus d’une génération pour que les souvenirs rejaillissent et que ces sauveurs invisibles soient reconnus comme Justes parmi les Nations.
Par cette enquête intime et incarnée au cœur d’un chapitre trop méconnu de la seconde Guerre mondiale François-Guillaume Lorrain met en scène une quinzaine d’histoires emplies d’humilité, qui marquent par leur pudeur et redonnent espoir en l’humanité.

François-Guillaume Lorrain est journaliste au Point où il est responsable de la rubrique Histoire. Il est l’auteur de nombreux ouvrages salués par la critique dont Louis XIV L’enfant roi (XO Éditions, 2020) et Scarlett (Flammarion, 2022), lauréat du prix Historia et du prix des Romancières.

Lire l’article du Point pour le lancement du livre

Article du Figaro du 12/09/2024

CRITIQUE – L ’historien est parti à la recherche de ces personnes qui, pour avoir sauvé des Juifs pendant la guerre, ont été décorées de la plus haute distinction israélienne.

Tout a commencé par une invitation à une cérémonie à la mairie du 7e arrondissement de Paris. Le journaliste François-Guillaume Lorrain ne se doutait pas que c’était là le point de départ d’un voyage dans une époque qui, si elle fut qualifiée de «sombre», laisse aussi entrevoir des éclats de lumière qui font moins désespérer de l’humanité. Il s’agissait d’une remise à titre posthume de la médaille de Juste parmi les nations à Mathilde Gauthier. Peu avant la rafle du Vél’ d’Hiv’, cette femme avait sauvé la famille Herszbaum, qui possédait un atelier de tailleur situé juste en face de son logement. Daniel, l’un des enfants cachés par Mathilde, avait fait le voyage depuis Israël avec sa famille.

Au crépuscule de leur vie, ces survivants se retournent vers leur enfance, en se demandant: qu’avaient-ils fait pour ces gens qui les avaient sauvés? Ils désiraient leur exprimer leur reconnaissance. Ainsi en est-il d’un photographe new-yorkais célèbre: Henri Dauman, dont l’œuvre brille de photos devenues iconiques d’Elvis Presley, d’Andy Warhol, de Marilyn Monroe et de Jacqueline Kennedy. Loin des feux de la renommée, le vieil homme se souvient de ce couple modeste de Limay dans les Yvelines qui, spontanément, a caché chez lui pendant deux ans le petit garçon âgé de 9 ans qu’il était. Les Morin, aujourd’hui disparus, ont été reconnus Justes parmi les nations en 2021.

La beauté de cette France oubliée

Chaque année a lieu une vingtaine de cérémonies qui rendent un hommage à des Français anonymes dont la mémoire est ainsi revivifiée. Après les combats, la résistance, les persécutions, les déportations, l’heure des sauvetages a ainsi sonné dans la mémoire collective. Il y a 4200 Justes français reconnus actuellement. Mais ils furent bien davantage à sauver une partie des 300.000 Juifs présents en France (un quart fut déporté). La médaille qu’ils reçoivent est la plus haute distinction civile israélienne. La France républicaine s’est approprié cette notion d’une belle profondeur.

L’historien-reporter, fidèle à une méthode qui lui est familière, a cherché à exhumer des «chaînes de solidarité» presque effacées: il se rend sur les lieux, rencontre les derniers sauveteurs, échange avec leurs descendants, interroge les enfants qui ont survécu, accède aussi à des dossiers fournis par le Comité français pour Yad Vashem.

Sous sa plume précise et sensible, la beauté de cette France oubliée, comme une princesse en haillons, palpite toujours. Les sauvetages, d’ailleurs, tournent parfois en histoire d’amour. Telle Jadwiga, la jeune juive polonaise qui épouse Anh, son «sauveur» cochinchinois. «La France, je l’avais dans la peau», répète Odette Blanchet-Bergoffen, 98 ans, la dernière Juste en mesure de témoigner.

Un point commun a rassemblé ces hommes et ces femmes de toutes conditions et de toutes convictions: leur modestie sincère. «N’est-ce pas un peu trop d’honneur?», s’exclament-ils, eux ou leurs descendants, devant les hommages qu’on leur rend. Oubliant qu’ils risquaient leur vie, ils n’avaient fait qu’obéir à leur conscience. Cela leur suffisait.